De notre envoyée spéciale à Reims
Première campagne, premier marché, premiers tracts. A Reims, dans la Marne, c'est sur la très jolie place Museux, du nom d'un chirurgien du XVIIIe siècle, que le Dr Claude Maffioli, candidat de l'Union pour la majorité présidentielle dans la 2e circonscription, fait son baptême du feu. « C'est le premier trac qui est le plus difficile, après ça va tout seul, tu verras », lui glisse sa suppléante en guise d'encouragement avant d'aborder le premier commerçant.
Plus connu pour avoir présidé durant dix ans le principal syndicat de médecins libéraux, la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF), le Dr Claude Maffioli a décidé, à 61 ans, d'ouvrir une nouvelle page de sa vie en se lançant dans le grand bain de la politique.
Une troisième carrière en quelque sorte. « C'est au cours de ma période syndicale, à force de me heurter aux différents responsables politiques, qu'à un moment je me suis dit : pourquoi ne pas passer de l'autre côté pour défendre mon message ? Car la vision que je défendais de la médecine libérale correspond à un choix de société plus vaste, une vision plus libérale et moins administrative des choses », explique-t-il. Novice en politique, il ne l'est pas tout à fait puisqu'il a déjà été élu à Reims, l'année dernière, aux élections municipales sur la liste divers droite victorieuse de Jean-Louis Schneiter et dispose depuis d'une délégation au tourisme dans l'équipe municipale. « Mais cela n'a rien à voir, c'était un scrutin de liste. Les élections législatives, c'est une élection personnelle. Il faut aller soi-même au charbon, se mettre à nu devant les électeurs, ce n'est pas évident », témoigne-t-il.
D'autant que la bataille sera rude pour ce gastro-entérologue qui vient de mettre un terme à sa carrière professionnelle et syndicale. Pas moins de quinze candidats briguent les suffrages des électeurs dans cette circonscription mi-urbaine mi-rurale détenue depuis 1993 par un autre médecin, le Pr Jean-Claude Etienne, président RPR du conseil régional et élu sénateur en septembre dernier.
Face à une dissidente RPR
Le Dr Maffioli devra certes affronter la candidate de la gauche unie, Adeline Hazan qui, après deux échecs en 1997 et aux municipales l'année dernière, tentera de faire basculer la circonscription. Mais il devra aussi surmonter les divisions de la droite républicaine. Il est membre de Démocratie libérale et ses appuis parisiens, notamment à l'Elysée et au sein de la nouvelle formation de la droite, lui ont permis de décrocher l'investiture officielle de l'Union pour la majorité présidentielle. Non professionnel de la politique, issu de la société civile, son profil correspond exactement à l'image des nouveaux candidats qu'entend promouvoir l'UMP.
Mais loin des manuvres d'appareils parisiens, les états majors politiques locaux ont mal vécu cette candidature imposée. Le Dr Maffioli devra donc affronter la concurrence d'une dissidente du RPR, Catherine Vautrin, soutenue par le Pr Etienne, et d'un candidat de l'UDF soutenu par François Bayrou, Jacques Douadi. Auxquels s'ajoutent un candidat du CNI, Roger Paris et du Mouvement pour la France, Louis Ansay. Malgré d'intenses tractations avec la candidate du RPR, à laquelle il a offert jusqu'au dernier moment le poste de suppléante, elle a finalement maintenu sa candidature. « Je garde encore l'espoir qu'elle se retire car, plus le temps passe, et plus elle se marginalise en se plaçant dans l'illégalité », explique le Dr Maffioli.
Peu de moyens
« Ce qui est bien avec Claude, c'est qu'il est toujours optimiste ! », s'exclame la présidente locale de Démocratie libérale. Réunie dans une pièce exiguë, ancien local commercial situé rue Gambetta, l'équipe de campagne est modeste - quelques militants de DL - tout comme le mobilier, une simple table de jardin et quelques sièges de fortune. « La campagne est courte et il y a tant de choses à faire », soupire le candidat, peu habitué aux contraintes de l'exercice : sillonner les cinq ou six marchés importants, multiplier les réunions publiques, rencontrer les 88 maires des communes de la circonscription. Et surtout se hâter, délais légaux obligent, pour préparer les profession de foi envoyées aux électeurs. Un spécialiste de la communication chargé de la conception du matériel électoral écoute les consignes de Claude Maffioli. « Si on n'a pas beaucoup de place, il ne faut mettre en avant que quelques idées essentielles : donner une majorité au président de la République pour impulser le changement et éviter une nouvelle cohabitation, en insistant sur le fait que je suis le seul candidat du rassemblement de la droite », explique-t-il.
Des idées qu'il tente de faire passer sur le marché auprès de ses électeurs avec un relatif succès. « Ah, c'est quoi ? l'UMP, c'est le truc de Juppé, ça ne m'intéresse pas », lui lance un commerçant qui ne cache pas ses convictions lepénistes. « Si on a une nouvelle cohabitation, au moins ça annulera tout et on sera obligé de repartir de zéro », lâche un autre que l'éventualité n'effraie pas du tout.
Anciens patients
Désabusés par la politique, les clients du marché engagent parfois la conversation mais sont le plus souvent indifférents et parfois agressifs, regrettent les militants. « Les gens ne sont pas agressifs, Ils s'expriment, tempère le Dr Maffioli. Il faut les laisser manifester leur ras-le-bol et progressivement tenter de remonter le courant. »
Face au soupçon qui touche l'ensemble de la classe politique, il n'hésite pas d'ailleurs à mettre en avant sa profession et son inexpérience. « Ce qui ne va pas, c'est que la plupart de nos hommes politiques sont des technocrates qui décident de tout à Paris », explique le candidat, en retrouvant ses accents syndicaux. Quand il rencontre d'anciens patients, il prend soin de demander des nouvelles de leur santé et tous finissent par lui lancer un respectueux « au revoir docteur, et bonne chance ! ».
Sécurité et immigration
N'empêche, le candidat qui fait ses premières armes est frappé par la montée du discours lepéniste dans la population. Il y voit les conséquences de cinq ans de gouvernement socialiste au cours desquels « il y a eu beaucoup de laxisme ».
Au premier tour de l'élection présidentielle, l'extrême droite a totalisé 20,25 % des voix dans cette circonscription contre 19,07 % à Chirac et 15,12 % à Jospin. Sécurité et immigration sont les thèmes de prédilection des personnes rencontrées ce matin-là, même si elles font davantage allusion à la situation générale qu'à leur propre expérience. Ville bourgeoise et plutôt aisée, Reims a aussi ses quartiers difficiles mais ne souffre pas de problèmes majeurs de sécurité, confirme le Dr Maffioli. Quant à certains propos xénophobes qui accompagnent les doléances de ses électeurs, ils choquent ce fils d'immigrés italiens qui, enfant, a subi les humiliations dues à ses origines.
De retour à sa permanence, le Dr Maffioli semble cependant satisfait. D'abord hésitant, il s'est plutôt bien tiré de l'exercice et reste serein face à ce qui l'attend dans les jours qui viennent. « L'avantage, c'est que dans trois semaines, c'est terminé », confie-t-il. Il attend, sans angoisse, le verdict des urnes. « Si je ne suis pas élu, ce ne sera pas un drame, précise-t-il. Je prendrai un peu de recul et verrai ensuite ce que je peux faire. En tous cas, je ne resterai pas inactif. »
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