EN SE FONDANT sur des données de recherche et sur des premières études qui avaient montré un taux important de rechutes (43 % en un an) chez les femmes traitées par contraceptif estroprogestatif, les médecins internistes évitaient jusqu'à présent de prescrire un pilule contraceptive aux femmes atteintes de lupus érythémateux disséminé (LED) en âge de procréer. Mais une analyse plus détaillée des études déjà menées avait permis de préciser que les patientes incluses dans ces essais souffraient généralement de néphrite active, ce qui avait pu introduire un biais dans les travaux. Depuis une dizaine d'années, des publications semblaient indiquer à l'inverse que les femmes sous contraceptifs oraux et celles qui attendaient un enfant avaient un risque de poussée minoré par rapport aux témoins.
Deux grandes études.
Afin de déterminer la place des contraceptifs oraux chez les femmes atteintes de LED qui, le plus souvent, sont traitées par des médicaments potentiellement tératogènes, deux grandes études ont été mises en place, l'une aux Etats-Unis, l'autre au Mexique, sur un total de plus de 350 patientes.
La première de ces études a inclus 183 femmes (76 % atteintes d'une forme inactive et 24 % d'une forme active) de LED. Plus de quatre-vingt-dix d'entre elles ont reçu un contraceptif estroprogestatif et quatre-vingt-douze, un placebo. Elles ont été évaluées à 1, 2, 3, 6, 9 et 12 mois. Les investigateurs ont choisi d'exclure les femmes porteuses d'un taux élevé d'anticorps anticardiolipine, d'un anticoagulant lupique ou à antécédent de pathologie thromboembolique.
A un an, 7,7 % des femmes sous contraceptif et 7,6 % des témoins ont présenté des poussées de LED et l'analyse des données cliniques a permis de préciser que l'intensité de ces poussées était indentique dans les deux groupes. A l'issue du suivi, les investigateurs ont signalé deux cas de thrombose dans le groupe traitement actif et quatre dans le groupe placebo (l'une d'entre elles ayant conduit au décès).
Similaire dans les trois groupes.
La seconde étude n'a comporté qu'un seul bras et les femmes étaient tirées au sort soit pour recevoir un traitement estroprogestatif, soit un progestatif pur, soit enfin pour la mise en place d'un dispositif intra-utérin. Le taux de poussées s'est, là aussi, révélé similaire dans les trois groupes (de 5 à 6,4 % des femmes sujettes à un épisode de poussée), ainsi que l'incidence des thromboses veineuses profondes ou superficielles (quatre femmes au total qui toutes avaient en commun un taux faible d'anticorps antiphospholipine).
Dans un éditorial, le Dr Bonnie Bermas (Boston) souligne que « la place du traitement contraceptif chez les femmes atteintes de forme sévère de LED doit encore faire l'objet d'investigation » et que c'est aussi le cas du sous-groupe de celles « dont le taux d'anticorps antiphospholipine est bas ».
« New England Journal of Medicine », vol. 353 ; 24, pp. 2539-2549, 2550-2558 et 2602-2604, 15 décembre 2005.
Une maladie de femme
Le sex-ratio pour le lupus érythémateux disséminé est nettement en faveur du sexe féminin. En effet, on estime que pour chaque homme atteint, on dénombre neuf femmes malades. L'analyse du taux des différentes hormones circulantes chez les femmes atteintes de LED en âge de procréer retrouve une modification des niveaux de deux métabolites des estrogènes : les 16 et 2 hydroxylate d'estrogène. Ces deux données ont fait longtemps conclure à une implication des estrogènes dans l'apparition du LED. Cette hypothèse a, en outre, été renforcée par des expériences animales montrant que chez la souris modèle de lupus, la mise en place d'un traitement par estrogènes pouvait induire une poussée de la maladie alors qu'un traitement par androgène pouvait améliorer l'état clinique.
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