Les recommandations de l’Ordre des médecins, qui souhaite contraindre les jeunes installés à exercer pendant cinq ans dans la région de leurs études et sur un site choisi par l’Agence régionale de Santé (ARS), ont exaspéré les syndicats étudiants.
Premier à dégainer, le Dr François-Charles Cuisigniez, de la CSMF Jeunes Médecins, se dit « stupéfait » par cette proposition « émanant des seuls élus du CNOM, sans aucune concertation avec les médecins de terrain ». Il aurait aimé voir l’institution « émettre des propos aussi tranchés à l’époque où nous cherchions des appuis pour défendre des mesures incitatives ». L’obligation d’aller exercer dans une zone choisie par l’ARS dans la région des études aura pour premier effet, selon lui, « de voir certains CHU non choisis aux ECN, car les étudiants ne voudront pas y faire leur vie ».
Même tonalité critique à l’ISNIH (Inter syndicat national des internes des hôpitaux) et à l’ISNCCA (Inter syndicat national des chefs de clinique). Dans un communiqué commun, les deux organisations jugent que les propositions ordinales « mettent gravement en péril l’attractivité de la médecine libérale pour les jeunes médecins ». Déplorant ne pas avoir été associés à la réflexion alors qu’ils représentent « les médecins de demain », les deux syndicats calculent que cette mesure aurait pour effet « de contraindre un jeune médecin à s’engager pendant 9 à 15 ans après le début de l’internat à exercer dans une seule région ». Pour eux, « seules de véritables mesures incitatives, correctement conçues et valorisées, offriront une réponse durable à la problématique de l’accès aux soins ».
Pour sa part, le SNJMG feint de s’interroger : « Les médecins exerçant des dépassements d’honoraires sont donc autorisés à continuer à quadrupler le tarif Sécu, regrette son président, Alexandre Husson, quand les jeunes médecins généralistes se doivent d’être corvéables et à la disposition des ARS et du Conseil de l’Ordre. Si le CNOM voulait opposer les spécialistes et les généralistes d’une part, les jeunes médecins et leurs prédécesseurs d’autre part, il a très bien réussi sa manœuvre ».
Du côté de l’ANEMF (Association nationale des étudiants en médecine de France), de l’ISNAR-IMG (Intersyndicale nationale autonome représentative des internes de médecine générale), et de REAGJIR (regroupement autonome des généralistes jeunes installés et remplaçants), on se dit « consterné » par les propositions de l’Ordre. « Aurait-il trouvé le moyen de tuer la médecine ambulatoire et de tuer les vocations ? », s’interrogent-ils. Les trois syndicats font opportunément le rapprochement avec la proposition de loi du député du Nouveau Centre Philippe Vigier. Celle-ci prévoyait en novembre 2011 d’obliger les médecins à exercer pendant trois ans dans un secteur géographique insuffisamment doté, avant d’être vidée de sa substance lors de sa discussion. À l’époque, rappellent les trois formations, le CNOM avait jugé que ces mesures mettraient « un terme définitif à l’installation libérale de jeunes médecins ».
Charline Boissy, présidente de l’ISNAR-IMG, est manifestement très remontée : « Nous sommes associés depuis longtemps à la cellule jeune du CNOM, et ils ne nous ont même pas tenu informés de leur projet. Nous demandons à en discuter avec le Dr Legmann » (président du CNOM). Rejetant toute approche coercitive « qui ne concerne que les jeunes », Charline Boissy attend « de Marisol Touraine et François Hollande qu’ils réaffirment leur attachement aux mesures incitatives ».
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