LA DERMATOLOGIE TROPICALE s'est, jusqu'à il y a peu, essentiellement consacrée à la prise en charge et à l'étude de maladies spécifiquement tropicales et plus ou moins invalidantes, comme la lèpre ou les différentes variétés de filariose. Ces maladies sont, pour la plupart, en récession importante : la prévalence de la lèpre à l'échelon mondial, ainsi que dans de nombreuses régions considérées comme autrefois hautement endémiques pour cette affection, est dorénavant inférieure à 1/10 000. Cette régression nette témoigne d'un succès peu contestable des programmes de lutte menés contre cette maladie ; toutefois, d'autres indicateurs suggèrent que le combat contre cette affection est loin d'être fini, avec notamment une incidence de la maladie qui reste remarquablement stable sur les dernières années. L'intégration des actions de lutte à un niveau périphérique du système de soins, ainsi que le dépistage précoce des cas (avant l'installation de troubles neurologiques handicapants définitifs), en constituent certains des enjeux actuels les plus cruciaux. De même, l'onchocercose - la classique « cécité des rivières », ainsi que les tréponématoses endémiques (bejel, pian...), ont considérablement régressé. D'autres affections, comme les mycétomes ou d'autres variétés de mycoses profondes, sont beaucoup plus rares, voire exceptionnelles.
Comme on pourrait s'en douter, la dermatologie tropicale est aujourd'hui concernée au premier plan par l'infection par le VIH. Les complications cutanées en sont en effet fréquentes, et multiples. Certaines, comme le zona, constituent une cause fréquente de découverte d'une séropositivité VIH. Rappelons en outre que les maladies sexuellement transmissibles « classiques », comme celles à l'origine d'un écoulement urétral (gonocoque, Chlamydia) ou d'une ulcération génitale (syphilis, chancre mou), restent fréquentes dans de nombreux pays tropicaux, où elles constituent un cofacteur majeur de transmission du VIH. La lutte contre ces affections représente ainsi, dans ces régions, un des piliers des programmes de lutte contre la dissémination du VIH.
En fait, bien que moins « tropicales », certaines maladies de peau « banales » apparaissent comme nettement plus fréquentes dans ces régions. Ainsi, plusieurs études menées en population générale dans le contexte de pays tropicaux en développement ont retrouvé des prévalences remarquables pour plusieurs maladies infectieuses contagieuses : pyodermites, gale, et mycoses superficielles notamment. Plus que les taux de prévalence souvent très élevés (par exemple, plus de 10 % des enfants maliens d'une zone rurale à proximité de Bamako étaient porteurs d'une pyodermite, et 4 % d'une gale), c'est la gène occasionnée auprès des familles qu'il faut retenir, tout particulièrement en ce qui concerne la gale et les pyodermites les plus sévères. Ces affections sont l'objet d'une demande thérapeutique, les maladies de peau constituant ainsi un des motifs de consultation les plus fréquents au niveau des centres de santé non spécialisés de ces régions (fréquence évaluée à environ 10 % du total des consultations). La fréquence de ces maladies s'explique surtout par de mauvaises conditions d'hygiène et de promiscuité : en fait, cette situation apparaît sur bien des points similaire à celles connues autrefois en Europe, notamment lors de crises sanitaires graves. Quoiqu'il en soit, un effort se dégage actuellement pour tenter d'améliorer cette situation. Du fait d'une relative bénignité des affections en question (les complications néphrologiques des infections cutanées streptococciques, primitives ou secondaires, par exemple à une gale, prennent rarement l'ampleur d'un problème de santé publique), il importe de promouvoir des actions qui soient proportionnées à la gravité du problème, c'est-à-dire simples, efficaces, et ayant un bon rapport coût/efficacité. Une expérience pilote de formation d'agents de santé non spécialisés à une prise en charge élémentaire (et souvent suffisante) de maladies de peau désignées comme prioritaires est actuellement en œuvre au Mali (figure) : gageons que son évaluation permettra de proposer une arme adaptée à la lutte contre cette nuisance, qui s'ajoute à beaucoup d'autres.
Si ces différentes problématiques concernent avant tout les populations autochtones, les voyageurs, notamment dans le cadre du tourisme, sont à même de contracter certaines affections « exotiques » ; il a été montré que ces affections dermatologiques représentaient l'une des premières causes spécifiques de pathologie du voyageur. A côté d'infections cutanées bactériennes banales et des réactions aux piqûres d'insecte, certaines affections plus originales peuvent être rencontrées : Larva migrans cutanée, leishmaniose, ou encore arboviroses (mais le tableau général est alors marqué), au premier rang desquelles la dengue. Il convient également de souligner les risques encourus vis-à-vis des infections sexuellement transmissibles, du fait d'endémicités locales élevées (VIH, syphilis...) et/ou de comportements à risque facilités par le contexte de voyage.
Du spécifique au banal
Regards sur la dermatologie tropicale
Publié le 17/03/2004
- 0 RéactionsCommenter
- Partager sur Facebook
Facebook
- Partager sur X
X
- Partager sur Linkedin
Linkedin
- Partager par mail
Mail
Article réservé aux abonnés
* Dr ANTOINE MAHE , Dakar-Fann, Sénégal.
- 0 RéactionsCommenter
- Partager sur Facebook
Facebook
- Partager sur X
X
- Partager sur Linkedin
Linkedin
- Partager par mail
Mail
Source : lequotidiendumedecin.fr: 7501
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature