«L'HOMME EST NÉ pour souffrir, oublier et se taire», a dit le poète Léon Dierx*. Catherine Millet a certainement souffert, mais elle n'a rien oublié et elle consacre un livre entier à ce qui fut pour elle pendant des jours, des mois, des années, un tourment délectable. Un récit aussi intime que le précédent, mais une entreprise plus risquée dans la mesure où le thème est moins excitant et où l'écrivaine — par ailleurs critique d'art et directrice du mensuel « Art Press » – ne se montre pas toujours à son avantage.
La libertine avait donc une faille, qu'elle avait volontairement passée sous silence mais que, dans un sursaut d'hônneteté, elle détaille sans fléchir. Une crise d'autant plus aiguë et incompréhensible, souligne-t-elle, qu'elle avait été traversée par quelqu'un qui revendiquait pleinement et très sereinement la liberté sexuelle. Une crise douloureuse qui l'a conduite à la limite de la folie et qu'elle détaille en une alternance de chapitres de réflexion et d'autres, plus courts, de descriptions, dans une volonté de précision, voire de crudité – une mise à nu qui est aussi une mise à mal où elle n'hésite pas à se montrer, par exemple, masochiste ou voyeuse.
En explorant ce sentiment tellement partagé et galvaudé de la jalousie, Catherine Millet met en lumière ses paradoxes et les conflits intérieurs qui en ont résulté, dans le contexte particulier d'une femme qui ne craint pas de n'être plus aimée et délaissée pour une autre. Elle précise d'ailleurs : «Je n'ai effectivement pas l'impression d'avoir vécu la jalousie comme un sentiment. Pour moi, il s'agit plus d'une pulsion. Une pulsion sexuelle qui vous fait jouir de cette souffrance extrême.»
Second, et donc dernier volet de son récit autobiographique, complémentaire à « la Vie sexuelle de Catherine M. », « Jour de souffrance » signe certainement, à soixante ans, une manière de clore un pan de vie, de baisser une jalousie.
Éditions Flammarion, 265 p., 20 euros.
* Léon Dierx est un poète parnassien et un peintre académicien français né à Saint-Denis de La Réunion (1838-1912).
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