Alors que le climat social est orageux, le gouvernement a acquis la certitude que la grande réforme de l'assurance-maladie et du système de santé qu'il a promis de lancer au deuxième semestre 2003 sera au moins aussi périlleuse que celle des retraites. Et sans doute encore plus explosive car cette réforme concernera tous les citoyens sans exception et aura un impact immédiat, et non pas différé.
Les signes ne trompent pas. Le calendrier de la réforme est désormais évoqué avec une prudence de Sioux. Dans un long entretien à « la Tribune » publié mardi, le Premier ministre redouble de précautions oratoires. « Comme prévu, dit-il, nous lancerons au second semestre de nouvelles démarches. Mais, à l'inverse de la décentralisation ou de la réforme des retraites, la santé ne se prête pas à une démarche concentrée. J'entend parfois : " après la réforme des retraites, celle de la santé " . Mais nous ne voyons pas les choses comme ça .» Le gouvernement compte donc utiliser tout le temps de la législature pour boucler « plusieurs textes » à l'horizon « 2007 ». Déjà, les chantiers lourds de la réforme de la politique hospitalière et du médicament ont été engagés dans une perspective pluriannuelle.
Il y a pourtant urgence à s'attaquer aux déficits vertigineux de la branche maladie : 6,1 milliards d'euros en 2002, 9,7 milliards en 2003... et combien en 2004 ? Depuis des mois, Bruxelles exige de la France la maîtrise de ses dépenses publiques. Si rien n'est fait, l'Europe pourrait lui imposer prochainement de lourdes pénalités financières. Face à la réalité brutale des déficits sociaux, la « méthode Mattei », qui consiste à défricher chaque pan de réforme grâce à un groupe de travail préparatoire, tend à montrer ses limites. Le ministre de la Santé a gagné du temps, mais sans lever les inquiétudes sur ses intentions, comme en témoigne, par exemple, le tollé soulevé par le rapport Chadelat sur la répartition des interventions entre les assurances obligatoires et complémentaires en matière de dépenses de santé.
L'opinion n'est pas préparée
Aujourd'hui, Jean-François Mattei semble confronté à un problème insoluble : l'opinion publique n'est toujours pas préparée à la réforme de la Sécu, mais le temps de la décision politique est désormais très proche. Dès juillet, le ministre dévoilera ses orientations sur la réforme de la « gouvernance » avant une phase de concertation avec les partenaires sociaux et un projet de loi spécifique. A la rentrée de septembre seront également connues les grandes lignes du PLFSS 2004... « Le niveau d'angoisse monte, confirme un très bon expert de ces dossiers. Les uns et les autres sont à la recherche d'idées simples. Il y a toute une équipe, des énarques, des apparatchiks des caisses, qui cherchent à ne pas faire une vraie réforme et qui pondent des rapports de 20 pages. L'affaire est en train de se coaguler sur quelques points. Car il faut absolument faire des économies. » Le congrès de la Mutualité française, qui s'ouvre aujourd'hui à Toulouse avec une intervention de Jacques Chirac (voir ci-dessous), devrait marquer une accélération politique de la réforme attendue. Récemment, en privé, Jean-François Mattei ne cachait pas son inquiétude. Il expliquait qu'une réforme de cette nature serait difficile et qu'elle entraînerait d'importantes discussions. Comparant le chantier de l'assurance-maladie à celui des retraites, il redoutait que le premier soit encore plus compliqué à mettre en uvre que le second. D'autant que le gouvernement s'interdit toujours la hausse de la CSG, solution la plus « simpliste » mais aussi la plus efficace en termes strictement comptables. Un point supplémentaire procurerait en effet 9 milliards d'euros à la Sécu. Le gouvernement résistera-t-il longtemps à cette tentation ? Et s'il y résiste, quelle solution alternative proposera-t-il ? « Nos choix ne sont pas arrêtés », affirme Jean-Pierre Raffarin, qui ne veut sans doute pas en rajouter dans les effets d'annonce. Au PS, en tout cas, François Hollande prédit un « automne difficile » au gouvernement.
Des médecins libéraux toujours à cran
Dans l'immédiat, Jean-François Mattei est attendu sur le dossier de la médecine de ville, sujet au tout premier plan de ses préoccupations. Alors que se poursuit un mouvement inédit de déconventionnement des spécialistes, le contenu du règlement conventionnel minimal (RCM), attendu avant le premier juillet, aura valeur de test. Si le ministre de la Santé n'obtient pas de Matignon un arbitrage financier permettant au moins de « sauver les meubles » (Bercy plaide de son côté pour un RCM sans revalorisations tarifaires), une nouvelle période de tensions fortes s'ouvrira avec les médecins libéraux. Un autre conflit dont le gouvernement, qui s'efforce actuellement de ménager son assise électorale traditionnelle, ferait volontiers l'économie.
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