C'est un petit tour de chauffe.
Alors que le débat sur le PLFSS 2004 aura lieu dans l'hémicycle à la fin du mois, avec son lot de joutes verbales et de discussions expertes nocturnes, Jean-François Mattei a pu roder ses arguments face aux députés de la commission des Affaires sociales de l'Assemblée nationale. L'occasion, pour le ministre de la Santé, de défendre avec fermeté un projet de loi de « clarification » dont chacun aura compris qu'il ne fait que poser quelques jalons de la réforme annoncée pour l'année prochaine. « Notre objectif, a répété Jean-François Mattei après Jacques Chirac , est de proposer des solutions aux Français avant l'été 2004. »
Premier oral réussi
L'exercice était délicat car le ministre mesure les limites d'un texte hétéroclite, forcément décevant, puisqu'il s'apparente à un cocktail de mesures d'urgence visant à contenir tant bien que mal le déficit de l'assurance-maladie autour de 11 milliards d'euros, sans préjuger de la modernisation à venir, et donc sans mesure structurelle. Force est de constater que Jean-François Mattei a plutôt réussi cet oral, justifiant sa méthode et son calendrier. « J'aurais pu venir devant vous en annonçant un point de CSG supplémentaire. On aurait alors moins parlé des déficits ! Mais l'augmentation des prélèvements n'est pas le choix du gouvernement. Il ne sert à rien de mettre de l'eau dans un bassin qui fuit de toutes parts (...) Cette année, la clarification et l'ambition, l'année prochaine, la responsabilisation. » Et en attendant, le temps de la « pédagogie ». Les députés ont surtout pu vérifier que ce ministre de la Santé maîtrise l'ensemble de son dossier, pourtant d'une complexité rare. Ce ne fut pas toujours le cas par le passé. Qu'il s'agisse d'expliquer les ressorts de la tarification à l'activité (qui soulève de vives inquiétudes relayées par les députés), de décrire la clarification du financement ou les outils de la maîtrise médicalisée (« notre devoir prioritaire pour 2004 »), Jean-François Mattei est apparu à l'aise, en répondant le plus souvent sans notes. Et sans dérobade , lorsqu'il reconnaît, par exemple, la « responsabilité partagée depuis vingt ans » par les différents gouvernements.
La charge de Claude Evin
Le Parti socialiste, qui met la dernière main à un contre-projet Sécu, mais reste encore peu audible, a choisi ses angles d'attaque : l'absence de régulation volontariste des dépenses, le matraquage des assurés, le tout conduisant à une privatisation rampante. C'est l'ancien ministre de la Santé, Claude Evin, qui, comme toujours, est invité à porter le fer dans la plaie au nom du PS. « Vous nous tenez le même discours que l'année dernière, a-t-il lancé à Jean-François Mattei. Il y a un an, vous avez fait le pari de la confiance avec les professionnels ! Mais vous savez très bien que, tant qu'il n'y a pas de mesure structurelle, notamment pour organiser la médecine libérale, il n'y a pas de comportement naturel de maîtrise. Le risque, c'est la remise en cause de notre pacte de solidarité nationale, car ce sont les assurés qui seront amenés à compenser les déficits. »
La charge a fait bondir Jean-François Mattei, qui a accusé à son tour le gouvernement socialiste d'avoir « laissé de côté le système de santé pour financer les 35 heures ».
L'inquiétude sur la croissance incontrôlée des dépenses traverse aussi les rangs de la majorité UMP, même si celle-ci fera bloc. Pierre Méhaignerie (UMP, Ille-et-Vilaine), président de la commission des Finances, a presque imploré Jean-François Mattei. « Pour que le 22e plan de la Sécu... ne précède pas le 23e, il ne peut y avoir qu'un seul fil directeur : la responsabilité. » Celle des prescripteurs : « La maîtrise médicalisée n'a pas vraiment réussi », juge-t-il, malgré des résultats avérés sur les visites, les génériques ou les antibiotiques. Mais aussi la responsabilité des patients. « Regardons ce qui se fait en Allemagne. »
Dans le même registre, François Goulard (UMP, Morbihan) a proposé d'étudier « l'impact du tiers-payant, qui a un effet inflationniste ».
Jean-François Mattei s'est efforcé de rassurer son camp. Les patients « seront responsabilisés d'une manière ou d'une autre » même si la réforme allemande « n'est pas applicable chez nous ». Les prescripteurs ? « La médecine rationnelle est une médecine économe. Econome des efforts des médecins. Econome du temps des patients. Econome des deniers publics. » L'hôpital ? « La réforme indispensable de la tarification à l'activité est enfin lancée. »
Aux députés communistes qui réclament comme chaque année « un débat sur les recettes », notamment par une réforme de l'assiette des cotisations, Jean-François Mattei a une réponse toute trouvée. « Lorsqu'il y a une croissance de 4 %, nous n'avons aucun problème. Mais je ne sais pas ajuster le nombre de malades au taux de croissance. »
L'appel de Chirac
Lors du dernier conseil des ministres, à l'occasion de l'examen par le gouvernement du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2004, le président Jacques Chirac a fait une déclaration dans laquelle il en a appelé à « la responsabilité de tous », en affirmant que « chaque Français a des droits sur la Sécurité sociale », mais aussi « le devoir de contribuer à éviter les gaspillages et les abus ».
Le chef de l'Etat, dont les propos ont été rapportés par le porte-parole du gouvernement Jean-François Copé, s'est posé en « garant » du système de santé qui, a-t-il dit, est « au cur de notre contrat social ». Il a fait de la modernisation de ce système « un impératif national ». « A l'été prochain, nous devons avoir réussi (car) il n'y a pas de dynamisme possible pour la France sans la garantie d'une protection sociale efficace ».
« Nous devons moderniser notre système de santé. C'est un bon système, mais il est en danger. Son financement est trop dépendant de la conjoncture. Ses dépenses évoluent trop vite depuis trop longtemps », a également observé Jacques Chirac. Commentaire du chef de l'Etat sur le PLFSS de 2004 : « Le texte du gouvernement comporte des mesures de redressement importantes et nécessaires. Mais beaucoup de chemin est encore à faire, en privilégiant le dialogue et la concertation. »
Pour le président de la République, « chaque Français a des droits sur la Sécurité sociale. Mais chaque Français a aussi le devoir de contribuer à éviter les gaspillages et les abus. Pour garantir l'accès de tous aux meilleurs soins, nous devons faire appel à la responsabilité de tous ».
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