Il y a deux façons d'apprécier le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS 2004), dont le gouvernement achève l'élaboration dans la douleur, mais dont les grandes orientations sont connues.
Pour les uns, ce deuxième budget, de transition consécutif, qui devrait ignorer toute mesure structurelle (Matignon ne veut pas anticiper sur les décisions qui interviendront à l'automne 2004), ne prend pas la mesure des déficits vertigineux que la Commission des comptes de la Sécurité sociale confirmera dans quelques jours : 10 milliards d'euros en fin d'année et peut-être une quinzaine de milliards l'année prochaine. Un record. C'est principalement le discours de la gauche qui, lors de la discussion parlementaire en octobre, accusera le ministre de la Santé de laisser plonger les déficits et de préparer sciemment une douche glaciale pour les assurés sociaux (hausse des cotisations sociales et mutualistes et diminution des prestations en 2005). « La situation est extrêmement grave », a averti François Hollande.
Equation insoluble
Dans un registre voisin, la CFDT n'a pas hésité à évoquer son départ de la présidence de la Caisse nationale d'assurance-maladie (avant de l'exclure à court terme) si le gouvernement retardait par manque de courage l'indispensable clarification des responsabilités de chacun dans la gestion d'un système caractérisé par une incessante fuite en avant.
Mais pour les autres, majorité UMP en tête, ce PLFSS a le mérite de mettre sur de bons rails une réforme à hauts risques, à laquelle les Français ne sont pas suffisamment préparés. « Le PLFSS 2004 inaugure une nouvelle démocratie sociale et sanitaire », jure Pierre Morange, député UMP, rapporteur du projet de loi pour l'équilibre général et les recettes. Comment ? Par la création d'un « Haut Conseil de l'avenir de l'assurance-maladie » qui posera, veut croire Matignon, un diagnostic « partagé ». Par une première clarification indispensable des circuits de financement, qui améliorera la transparence budgétaire. Par un engagement plus ferme des professionnels de santé sur la voie de la maîtrise médicalisée. Par la recherche, enfin, de 4 milliards d'euros de recettes nouvelles censées « stabiliser » le déficit 2004 au niveau de 2003. Un objectif qui relève toutefois du casse-tête chinois malgré le relèvement programmé des droits sur le tabac, la surtaxe des alcools forts, de nouveaux déremboursements de médicaments, voire un contrôle renforcé des arrêts de travail. Quant à la hausse du forfait hospitalier, bloqué à 10,65 euros depuis 1996, Jean-François Mattei ne l'exclut toujours pas. « On va voir, c'est en discussion », a précisé le ministre de la Santé en fin de semaine dernière.
Les mauvais esprits noteront que cette longue préparation de l'opinion permet de laisser passer les élections cantonales, régionales et européennes. Egalement sur leurs gardes, les médecins libéraux n'apprécient guère ce calendrier au ralenti qui risque, redoutent-ils, de reléguer leurs revendications urgentes au second plan des préoccupations des pouvoirs publics. « Quand je pense qu'on repart en 2004 sur des groupes de travail sur les relations ville-hôpital ou l'avenir du système conventionnel, c'est surréaliste! », grince un président de syndicat.
Jean-Pierre Raffarin a pris la mesure du risque d'exaspération, lui qui a décidé, en cette rentrée sociale indécise, de piloter depuis Matignon la gestion du dossier de l'assurance-maladie.
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