Sérieusement secoué par la crise sanitaire du mois d'août, le ministre de la Santé se fait rare, ces temps-ci, sur le front de la réforme annoncée de la Sécurité sociale. Qui le remplace ? François Fillon, ministre en charge des Affaires sociales ? Non. C'est Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre, qui s'y colle et prend la main sur ce dossier ultrasensible. Avec, en toile de fond, des déficits monstres.
Dans une interview publiée le 4 septembre par « le Figaro », le chef du gouvernement emploie, certes, un « nous » bienséant pour parler de son action - « Notre objectif est de stabiliser le déficit en 2004. Puis nous proposerons un plan santé », explique-t-il - mais il ne trompe personne, c'est bien à Matignon que loge le pilote de toute l'opération. Une preuve ? La première pierre de l'édifice de la réforme sera posée lors de la création prochaine du « haut conseil de l'assurance-maladie » (« le Quotidien » du 5 septembre). Or qui va présider à la mise en place de cette structure ? Le Premier ministre. « Je présenterai notre démarche, précise-t-il même, à l'occasion de son installation. »
Voilà Jean-François Mattei, qui s'était battu au printemps 2001 pour que son portefeuille tout neuf de ministre de la Santé comprenne aussi l'assurance-maladie, sur la touche. Ainsi en ont décidé à la fois l'actualité météorologique de l'été, l'expérience éprouvante pour le gouvernement de la réforme printanière des retraites... et surtout l'énorme pression que font peser sur les pouvoirs publics des déficits dont l'ampleur leur rappelle des années - 1995 en particulier - qu'ils préféreraient sans doute oublier. Dix milliards d'euros dans le rouge pour le régime général de la Sécurité sociale à la fin de l'année, 15 milliards l'an prochain, si l'on en croit des indiscrétions de la commission des comptes de la Sécurité sociale ; un déficit public de 4 % cette année : les trous sont si profonds qu'un Premier ministre n'est sans doute pas de trop pour, sinon les reboucher, du moins en surveiller le périmètre d'accès afin qu'ils ne se creusent pas encore un peu plus. Et puis face aux exigences économiques de Bercy, cette reprise en main est imparable. Un Raffarin pèsera toujours plus lourd qu'un Mattei. En position d'arbitre et de négociateur, le Premier ministre aura la tâche grandement facilitée pour faire, s'il y a lieu, lâcher du lest à son ministre des Finances - il a d'ailleurs déjà tranché en défaveur d'une hausse de la CSG qui lui aurait permis d'alimenter les caisses de la Sécurité sociale.
Pour autant, s'il fait une entrée tonitruante sur le dossier de l'assurance-maladie, s'il n'entend pas s'en dessaisir de sitôt (il est déjà prévu qu'à la fin de septembre, lors de son passage à l'émission « Zone interdite », sur M6, il évoque largement l'avenir du système de santé), Jean-Pierre Raffarin ne donne aucun coup d'accélérateur à la réforme telle qu'elle a été dessinée au printemps non pas, déjà, par son ministre de la Santé, mais par le président de la République - lors du congrès de la Mutualité, Jacques Chirac a préféré parler de « modernisation » plutôt que de « réforme ».
« Nous maîtriserons les déficits, affirme aujourd'hui Jean-Pierre Raffarin, mais nous ne pouvons pas prétendre régler tous les problèmes d'un seul coup. » La CFDT peut bien presser le gouvernement de faire une « vraie réforme » et de ne pas se contenter de rafistolages, Jean-Pierre Raffarin garde son cap. Les objectifs restent ambitieux. Il s'agit de « sauver notre système d'assurance-maladie » tout en répondant « aux souhaits des Français en matière de santé », mais on va les atteindre lentement, en essayant d'éviter les frottements et les heurts, en tenant compte de ce qui constitue pour le Premier ministre « le mal français » : « la peur » des réformes.
Prêt seulement à l'automne 2004, le « plan santé » du gouvernement n'oubliera personne (pas plus la médecine de ville que l'hôpital ou le médicament) et sera élaboré dans la concertation la plus large. « Ce programme, prévient Jean-Pierre Raffarin, fera l'objet d'une discussion avec tous les acteurs du monde de la santé. » La méthode rappelle vaguement quelque chose. Elle inspire en tout cas, au sein même de la majorité, cette réflexion désabusée à un observateur averti : « Tout cela va se terminer comme les retraites et déboucher dans un an sur une réforme un peu partielle. »
Le PS s'interroge
Le Parti socialiste demande au gouvernement de faire connaître « les principes » de sa réforme de l'assurance-maladie et redoute « que les consultations entamées » avec les partenaires sociaux « ne (soient) une fois de plus qu'une forme de poudre aux yeux ». Le PS s'interroge dans un communiqué sur une méthode de travail « qui conduit à repousser toute décision à un an » et exige « qu'avant toute expertise et toute concertation le gouvernement fasse enfin connaître très clairement à la représentation nationale et aux partenaires sociaux les principes qui vont guider ses projets de réforme ». Pour les socialistes, « la réforme du système de santé doit reposer sur quatre grandes priorités : l'égalité d'accès aux soins, la qualité des soins, la responsabilité des acteurs et l'utilité sanitaire ».
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