La mise en uvre de la réforme des services de santé au travail est interminable et décidément très controversée. Un front syndical conteste aujourd'hui les projets de décret et d'arrêté gouvernementaux qui doivent parachever cette réforme, programmée pourtant depuis plus de trois ans par un accord des partenaires sociaux (1).
Le dernier rebondissement en date s'est déroulé vendredi à la commission permanente du Conseil supérieur de la prévention des risques professionnels (CSPRP). La totalité des centrales syndicales de salariés (CFDT, CFE-CGC, CFTC, CGT et CGT-FO) se sont « opposées » à la dernière mouture du projet de décret d'application de la réforme, texte présenté par le gouvernement. Avant de claquer la porte, les représentants syndicaux ont fait une déclaration commune demandant au gouvernement de revoir sa copie afin qu'elle devienne « conforme à l'intérêt de la santé au travail de tous les salariés et particulièrement de ceux des petites entreprises ». IlS reprochent au projet de décret d'être « notablement différent » de sa version précédente, « largement inspiré des revendications patronales » et enfin « rédigé sans concertation au mépris du dialogue social ».
Un effectif de 3 300 salariés par médecin
Le gouvernement envisage de relever à 3 300 l'effectif maximal de salariés suivis par chaque médecin du travail (contre 2 700-2 900 en moyenne aujourd'hui), avec un maximum de 450 entreprises ou établissements surveillés et 3 200 examens médicaux AU maximum par an pour chaque praticien à plein temps. En plus, il prévoit que les médecins du travail consacrent « au moins 150 demi-journées chaque année » aux actions en milieu de travail.
Pour Nathan Liepchitz, de la CGT, le texte impose aux médecins un rythme « impossible à tenir », si bien qu'ils « vont avoir du mal à apprécier les situations concrètes dans les entreprises ».
Outre l'organisation du temps médical, le projet gouvernemental précise le dispositif destiné à renforcer l'indépendance des médecins, l'organisation des services de santé au travail (SST) et leur contrôle social. Par la voix de Dominique Olivier, la CFDT se dit « préoccupée par les statuts, la façon de travailler des personnels, et la bonne articulation de la santé au travail en lien avec les préoccupations de santé publique ». Selon lui, le contrôle social « ne va pas du tout », tant que les membres des commissions de contrôle n'ont qu'un « strapontin et non un vrai poste d'administrateur » dans les conseils d'administration des SST. La CFE-CGC, qui avait signé l'accord du 13 septembre 2000 sur la réforme avec les organisations patronales, la CFDT et la CFTC, dénonce « la duplicité » du MEDEF qui « signe des accords sous un gouvernement socialiste et les fait modifier par le gouvernement lorsqu'il est à droite ».
« Dans l'ensemble, ce qui nous choque, indique Pierre-Yves Montéléon de la CFTC, c'est que cette réforme a une vue très comptable des problèmes et ne tient pas compte des risques professionnels. On ne voit plus, dans ce projet-là l'intérêt des salariés et celui de la santé au travail elle-même. »
Ce nouveau « clash » avec le ministère du Travail et des Affaires sociales ne fait qu'amplifier le mécontentement syndical depuis quelques mois. Le premier décret qui a instauré fin juin la pluridisciplinarité des services de santé au travail est déjà attaqué au Conseil d'Etat par la CFE-CGC et le Syndicat national professionnel des médecins du travail (SNPMT), premier syndicat de médecins du travail, au motif qu'il ne garantit pas l'indépendance des nouveaux intervenants spécialisés dans la prévention des risques professionnels.
Le problème du temps de travail
Mi-novembre, plusieurs centrales syndicales et le SNPMT se sont émues des projets de licenciements visant les personnels des services de santé au travail (« le Quotidien » du 17 novembre). Une « rumeur » que le CISME (un organisme qui regroupe 350 services interentreprises de santé au travail) juge « absurde et dénuée de fondement, et ce d'autant plus que les services interentreprises de santé au travail souffrent de la pénurie de médecins du travail depuis plus de quinze ans ». Le CISME souligne néanmoins que la visite médicale obligatoire des salariés, effectuée désormais tous les 24 mois au lieu de 12 (sauf pour les surveillances médicales renforcées), devrait libérer du temps aux médecins du travail.
Quoi qu'il en soit, la reconfiguration de la médecine du travail en système de santé au travail ne se fera pas sans anicroches.
(1) Accord du 13 septembre 2000, dans le cadre du chantier de la refondation sociale, retranscrit en grande partie dans la loi du 17 janvier 2002 sur la modernisation sociale.
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