À LA FAVEUR de la prochaine loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS), le dispositif antifraude installé par Philippe Douste-Blazy en août 2004 (1), sous la houlette des directeurs de caisse d'assurance-maladie, pourrait bien être à la fois remis à plat et étoffé.
Un article d'un avant-projet de cette loi (« le Quotidien » d'hier) prévoit en effet de réviser l'arsenal inventé il y a quatre ans, qu'il s'agisse de sanctionner les abus, fautes ou fraudes des assurés, des établissements ou des professionnels de santé (mais aussi des transporteurs et des prestataires de dispositifs médicaux).
L'opération vise tout d'abord à élargir le champ d'application des pénalités. Les fraudes à la couverture maladie universelle complémentaire (CMUc) ou à l'AME (aide médicale de l'État) sont, par exemple, désormais concernées – une disposition qui touche plutôt les assurés –, mais des innovations apparaissent aussi pour les professionnels de santé : un éventuel refus de reporter dans le dossier médical personnel «les éléments issus de chaque acte ou consultation» devient sanctionnable, tout comme la discrimination dans l'accès à la prévention ou aux soins (un article qui fait doublon avec des mesures en projet dans le cadre… de la future loi Hôpital, santé, patients, territoires – voir encadré).
L'étonnement de l'Ordre.
Il s'agit également de «simplifier» la procédure des pénalités et, surtout, d'adapter leur montant en fonction du grief et de l'acteur concerné. Les plafonds en valeur absolue sont supprimés pour les pénalités liées à un indu et, en cas de fraude, des montants planchers d'amendes sont établis. Pour les professionnels de santé, par exemple, la pénalité infligée s'il y a fraude ne peut pas être inférieure à un demi-plafond mensuel de la Sécurité sociale.
Autre cas d'école : si des dépassements d'honoraires «dépassent le tact et la mesure» ou se révèlent «non conformes à la convention», la pénalité sera proportionnelle aux dépassements facturés, dans la limite de deux fois le montant des dépassements en cause.
Face à ce projet de réforme de la lutte antifraude, l'Ordre national des médecins s'étonne de voir les directeurs de caisse d'assurance-maladie érigés en «nouveaux juges de la déontologie médicale». «Nous ne pouvons pas tolérer, explique l'institution, que des pouvoirs exorbitants (leur) soient attribués au détriment de l'Ordre des médecins(…) .»
(1) L'assurance-maladie estime avoir économisé plus de 206 millions d'euros sur la période 2006-2007 grâce à ce programme de lutte contre les abus et les fraudes ; elle s'est fixé pour 2008 un objectif de 138 millions d'euros.
Refus de soins aux CMU : l'assuré sera présumé innocent
Le projet de loi Hôpital, santé, patients et territoires comporte lui aussi un chapitre « sanctions » qui s'attache en particulier à limiter les refus de soins aux bénéficiaires de la CMUc. Des pénalités financières «plus dissuasives» qu'aujourd'hui sont prévues, assorties de mesures qui peuvent aller jusqu'au retrait du droit à dépassement pour les secteurs II et de la prise en charge des cotisations sociales pour les secteurs I, et à la publication de la sanction.
Les peines nouvelles s'accompagnent d'un renversement de logique. En cas de plainte d'un assuré pour refus de soins, la présomption de preuve se fera en sa faveur. Cela signifie qu'il appartiendra au médecin «de prouver que le refus en cause est justifié par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination». Dans ce cadre, le ministère ouvre également la porte à des procédures de tests aléatoires de l'accueil des patients dans les cabinets conduits par les caisses.
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