L A première difficulté pour reconnaître et traiter un RGO est l'existence d'un continuum entre le physiologique et le pathologique. La remontée d'une partie du contenu gastrique dans l'sophage après le repas est un phénomène normal et le plus souvent non perçu. En revanche, chez certains sujets, un reflux, plus important, génère des symptômes gênants sans pour autant engendrer des lésions. Enfin, à un stade plus avancé, le RGO s'accompagne de lésions inflammatoires et érosives de l'sophage et cette sophagite peut elle-même être responsable de complications.
En réalité, les symptômes de RGO sont très fréquents puisque de 30 à 45 % de la population occidentale adulte présentent un pyrosis une fois par mois, 20 % une fois par semaine et de 5 à 10 % tous les jours. Ces chiffres doivent sans doute être majorés car les enquêtes dont ils sont issus ne prennent pas en compte les formes atypiques (conférence consensus franco-belge: Gastrnterol Clin Biol, 1999, 23, 56-57).
Les formes trompeuses
En effet, une des difficultés pour diagnostiquer la maladie est l'existence de formes trompeuses : précordialgies atypiques, asthme (suscité ou aggravé par le reflux), bronchites, enrouement et toux chroniques, pharyngites... De tels tableaux cliniques nécessitent que l'on élimine la pathologie directement liée au symptôme présenté, puis qu'on fasse la preuve de la responsabilité du reflux. Deux examens sont utiles : la fibroscopie et la pHmétrie. Il faut également se méfier des formes intriquées, associant un RGO et un angor, un RGO et une pathologie respiratoire ou ORL. Une dysphagie, un amaigrissement, une anémie et la persistance des symptômes après un traitement bien conduit doivent entraîner à un bilan plus approfondi.
Deuxième difficulté, repérer les formes susceptibles de s'aggraver et se compliquer, afin de proposer un traitement et une surveillance plus soutenus. Le médecin peut s'appuyer pour cela sur l'histoire naturelle de la maladie : les formes bénignes le restent le plus souvent, même si elles ne guérissent pas et les formes graves le sont d'emblée. La présence de facteurs de sévèrité est également un critère pronostique : intensité des symptômes et des lésions, antécédents familiaux, âge supérieur à 60 ans, sexe masculin, traitement anti-inflammatoire.
Surveillance des endobrachysophages
Les principales complications sont : l'endobrachysophage (12 %), la sténose (de 1 à 2 %) et l'adénocarcinome de l'sophage (représentant un cancer de l'sophage sur dix). Il semble exister un continum entre le RGO, l'endobrachysophage, la dysplasie et bas grade, la dysplasie de haut grade, l'adénocarcinome in situ et l'adénocarcinome invasif, sans que l'on puisse prédire que l'endobrachysophage se transformera en adénocarcinome. Seule la surveillance régulière des endobrachysophages (fibroscopie avec biopsies et colorations) permettra de dépister et de traiter précocement un adénocarcinome (un cas dépisté par an pour 100 endobrachysophages surveillés). Un endobrachysophage est recherché dans une population à risque (âge supérieur à 50 ans, intensité et fréquence des symptômes de RGO, lésions endoscopiques sévères).
Ainsi le traitement du RGO poursuit différents objectifs : dans tous les cas, soulager les symptômes ; cicatriser les lésions seulement si celles-ci sont sévères ou compliquées ; prévenir ou dépister précocement les complications en ciblant les formes graves.
Les mesures hygiéno-diététiques sont contraignantes et peu efficaces. Les prokinétiques sont efficaces dans les formes légères. Si bien que le traitement repose essentiellement sur la diminution de l'acidité gastrique. Dans ce domaine, plusieurs options : les antiacides ont une action éphémère et présentent un risque de rebond ; les alginates procurent un soulagement limité dans le temps ; les antisécrétoires représentent l'option la plus efficace.
La place des IPP
Les anti-H2 bloquent la cellule qui secrète l'acide gastrique ; les inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) agissent en amont en empêchant la production d'hydrogène.
Ainsi, dans les formes bénignes (90 % des cas), on propose des alginates ou des anti-H2 à la demande si les symptômes sont intermittents, des IPP (à demi-dose) si les symptômes sont fréquents. En cas d'échec, on augmente la dose d'IPP. En cas d'sophagite sévère, on prescrit d'emblée des IPP à pleine dose. Le traitement d'attaque est généralement prescrit de quatre à huit semaines. Dans les formes dépendantes ou lorsqu'il existe une complication, l'IPP peut être maintenu de six à douze mois. La récidive à l'arrêt du traitement fait discuter la poursuite de l'IPP ou le recours à la chirurgie.
Les traitements endoscopiques se sont développés ces dernières années. Une sténose sophagienne entraînant une dysphagie peut être dilatée à la bougie. La réduction d'une hernie hiatale peut être pratiquée soit sous endoscopie, soit par une technique chirurgicale classique.
L'indication d'intervention doit toujours être mûrement réfléchie après échec de toutes les tentatives médicales. Enfin, l'apparition d'une dysplasie sur un endobrachysphage doit être traitée soit par brûlure à l'argon associée à une prescription d'IPP, soit par résection sous muqueuse.
En réalité, le RGO est le plus souvent une pathologie bénigne et destinée à le rester. L'objectif est alors de soulagner les symptômes quand ils apparaissent ; cette stratégie laisse une certaine place à l'automédication (proposée et acceptée par le médecin).
Club Santé à Istanbul, conférence parrainée par les Laboratoires AstraZeneca avec la participation du Pr Raymond. Jian (hôpital européen Georges-Pompidou, Paris) et du Dr Jean François Rey (institut Arnault-Tzanck, Saint-Laurent-du-Var).
Une pathologie méconnue du public
Une enquête sur le RGO menée en Europe auprès de 5 000 personnes dont 1 000 en France montre que 65 % des Français n'ont jamais entendu parler de RGO. Tel est le cas de 92 % des Allemands, 63 % des Italiens, 86 % des Suédois et 85 % des Anglais. Dans l'échantillon français, 21 % des patients interrogés avaient déjà présenté des symptômes de reflux. La moitié d'entre eux avait modifié ses habitudes alimentaires et 24 % présentaient des troubles du sommeil. Les deux principales causes citées par les personnes souffrant de RGO sont le stress (93 %) et l'alimentation (47 %).
En conclusion, l'enquête conduite par la société Research international pour le compte d'AstraZeneca démontre la faible connaissance du RGO dans la population, aussi bien en termes de symptomatologie et de risques évolutifs que de traitement. L'information du public est nécessaire.
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