Histoire des sciences et des techniques

Réflexions sur l'évolution de la médecine

Publié le 28/11/2004

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L'« HISTOIRE DES SCIENCES de l'Antiquité à nos jours », dirigée par Philippe de la Cotardière et destinée au grand public, est organisée en six parties correspondant aux principaux champ du savoir, mathématiques, physique, chimie, astronomie, sciences de la Terre et de la vie. Le remarquable travail de synthèse et de vulgarisation des sept auteurs (M. Mashaal, M. Crozon, D. Savoie, J.-L. Heudier, O. Lafont, Y. Gautier et R. Platel) permet d'avoir une vision claire des étapes essentielles de l'acquisition des connaissances sans perdre de vue la dimension culturelle de la science. Chaque lecteur y trouvera des développements sur tel ou tel sujet selon ses préoccupations grâce à aux excellents index par personnes et par notions. Voilà donc un ouvrage de référence, consultable à tout moment pour répondre à des questions précises et comprendre l'actualité, comme une saga palpitante de l'intelligence humaine à lire de bout en bout.

Science et philosophie.

La science et la philosophie ont longtemps marché de concert. Jean Lombard (« Aristote et la médecine »), philosophe, montre en quoi la philosophie d'Aristote constitue un moment historique de la médecine en reconnaissant l'expérience comme voie d'accès à la science. La lecture de ce petit opuscule souligne le caractère visionnaire et monumental de la réflexion du célèbre philosophe, qui s'est intéressé à la psychiatrie comme à la gynécologie, au contrôle des naissances comme à la santé publique et a cherché à élaborer une physiologie exprimant d'une façon générale les lois du vivant. Ses propos et ses idées, qu'il s'agisse de l'élimination des enfants difformes ou de l'euthanasie sont d'une surprenante actualité et alimenteraient bien des débats actuels. « Aristote aura fait de la médecine une investigation particulière du monde dans laquelle l'observation vient de plein droit alimenter la spéculation (...) D'abord inventif, ce savoir médical, par besoin de certitude, se condamne au renoncement », explique J. Lombard.

Science et conscience.
Une analyse se prêtant sans doute à nos interrogations actuelles que Bruno Halioua expose avec clarté (« Science et conscience »). Les découvertes médicales de la deuxième partie du XXe siècle sont responsables de nos interrogations d'aujourd'hui, qu'il s'agisse de thérapie génique, d'AMP, de réanimation ou de soins palliatifs, et des plus grands défis que l'histoire des sciences ait connus nous explique ce médecin, fin connaisseur de l'histoire de la médecine. De petits chapitres concis fourmillant d'anecdotes lui permettent de nous faire accéder à une vue synthétique des progrès majeurs de la médecine et des questions engendrées. L'auteur articule son analyse autour de plusieurs périodes : Nuremberg et ses questionnements, la révolution thérapeutique de l'après-guerre (1945-1969) avec l'apparition de la réanimation, du contrôle des naissances et des PMI pour arriver à la révolution génétique, ses questionnements et aux débats sur l'euthanasie.

Sciences et outils.
Le Dr Guy Gaboriau, médecin collectionneur passionné, propose la visite de son « cabinet de curiosité » dans un bel ouvrage illustré préfacé par Marie-Véronique Clin, conservateur du musée d'Histoire de la médecine. Sa collection d'objets médicaux, est un hommage aux soignants et aux soignés, des hommes de Cro-Magnon à nos confrères du siècle dernier. Des « poupées médecine » chinoises destinées à désigner au médecin la région dont on souffre sans avoir à exposer sa nudité aux appareils d'irrigation utilisés par les femmes du XIXe pour leur contraception (il y a même un clysopompe de voyage) en passant par les spéculums en fer forgé du XVIe, ces objets et les anecdotes auxquelles ils se rattachent ont une âme et racontent l'histoire de l'art médical. Comme Bruno Halioua, Guy Gaboriau, montre qu'en cent ans, il s'est passé, dans le domaine des applications scientifiques, bien plus qu'en dix mille ans. « Les médecins de jadis étaient des artisans, des praticiens d'un art aux résultats plus qu'aléatoires. Ils ne pouvaient le pratiquer que modestement en ayant de beaux outils », écrit-il.

Laennec, artisan de l'art diagnostique.
Artisans du soin mais aussi médecins célèbres continuent en effet à vivre derrière ces instruments pour notre plus grand plaisir. L'ingéniosité de Laennec est légendaire ; son côté bricoleur peut-être moins. G. Gaboriau raconte qu'après avoir découvert l'auscultation médiate en roulant en tube un cahier pour parvenir à entendre le cœur d'une patiente à la poitrine généreuse, il fabriqua lui-même près de 300 stéthoscopes qu'il offrît, y compris à ses détracteurs. Ceux qui s'intéressent à cet étonnant clinicien, médecin des grands mais aussi des humbles, découvreur du stéthoscope, désormais symbole du médecin moderne à côté du serpent d'Esculape, mais aussi de l'application diagnostique de l'auscultation, pourront lire l'intéressante biographie de René Théophile Laennec (sans trémas, précise l'auteur, le Dr Etienne Subtil).

Les artisans de la réparation.
Si l'histoire de la chirurgie maxillo-faciale remonte à l'Antiquité et que les rhinoplasties se pratiquaient déjà au Moyen Age, cette discipline a connu un essor sans précédent du fait des mutilations de la première Guerre mondiale : 500 000 blessés de la face, dont 15 000 resteront défigurés. La collection du Service de santé de armées au Val-de-Grâce est un témoignage impressionnant et émouvant des prouesses et de l'ingéniosité des chirurgiens de cette période, présentées par Karine Ferret-Dussart. Nouvelles techniques chirurgicales, prothèses de plus en plus élaborées naissent pour tenter de restaurer les fonctions détruites par ces traumatismes monstrueux et de réparer le préjudice esthétique de ces « gueules cassées ». L'audace et l'adresse de chirurgiens comme Dufourmentel, Sébileau, Morestin et bien d'autres ouvrirent brillamment la voie à la chirurgie maxillo-faciale moderne.

« Histoire des sciences de l'Antiquité à nos jours », sous la direction de Philipe de la Cotardière, Editions Tallandier, 656 pages, 32 euros.
« Aristote et la médecine », Jean Lombard, L'Harmattan, 145 pages, 14,50 euros.
« Science et conscience », Bruno Halioua, Editions Liana Levi, 390 pages, 22 euros.
« Outils de la santé et médecine d'autrefois », Dr Guy Gaboriau, Editions de la Reinette,194 pages, 45 euros.
« René Théophile Laennec », Etienne Subtil, L'Harmattan (distribué par l'auteur, 11, rue Ernest-Cresson, 75014 Paris), 132 pages 12,50 euros.
« La Chirurgie maxillo-faciale à travers l'histoire », Karine Ferret-Dussart, Glyphe et Biotem éditions, 362 pages, 34 euros.

Les écorchés de l'autre Fragonard

Les amateurs d'histoire de la médecine seront séduits par « les Trésors de l'école vétérinaire d'Alfort », disponibles sur cédérom, et tout particulièrement par la partie consacrée aux écorchés de Fragonard (pas le peintre, mais son cousin Honoré), révolutionnaire engagé, mais aussi chirurgien et professeur d'anatomie d'Alfort, qui réalisera des centaines de pièces anatomiques selon la méthode traditionnelle de conservation utilisée au XVIIIe siècle. Quelques-uns de ses écorchés sont reconstitués ici en réalité virtuelle.
>>>>>>DVD PC et Mac, édité par l'école nationale vétérinaire d'Alfort, musee@vet-alfort.fr.

> DR CAROLINE MARTINEAU