AU REVEIL d'une anesthésie, les souvenirs de faits dont le patient n'aurait pas dû avoir conscience (remémorations intempestives) sont rares (0,1 % à 0,2 % des cas dans les anesthésies correctement réalisées). Mais ils sont sources de désagréments divers, pouvant aller jusqu'au stress post-traumatique, lorsque le patient n'a pas été déconnecté complètement des sensations douloureuses.
Les patients rapportent après le réveil des conversations qui ont eu lieu pendant l'intervention, voire le déroulement des gestes chirurgicaux.
Ils évoquent des sensations de paralysie et de détresse, de peur et aussi parfois de douleurs. Ces remémorations au réveil sont plus fréquentes en chirurgie cardiaque, lors des césariennes et de la chirurgie post-traumatique. Des publications indépendantes ont mentionné ces types de rapport par des patients une heure, un jour ou un mois après l'intervention.
L'index bispectral.
L'index bispectral (BIS), mesuré à partir des motifs de l'électroencéphalographie (EEG), est un moyen de monitorer la profondeur de l'anesthésie et qui est approuvé par la FDA aux Etats-Unis. Ses résultats se présentent sous la forme d'une échelle qui ne reflète pas une dimension, mais où, par convention, on a placé l'état d'anesthésie profonde au 0 et l'éveil à 100. Une cotation entre 40 et 60 convient à l'anesthésie chirurgicale. La validité du BIS est témoignée par les résultats des études ayant montré une bonne corrélation avec l'état hypnotique et les concentrations des anesthésiques.
C'est la première fois que cet outil fait l'objet d'une évaluation pour prédire un risque de remémoration postanesthésique.
Les résultats de cette grande étude prospective randomisée, menée en double aveugle chez 2 463 patients (P.S. Myles et coll.), montrent que l'utilisation du BIS diminue de 82 % le risque de remémoration au réveil chez les adultes qui ont ce risque.
Les sujets choisis devaient avoir une intervention parmi celles où cet événement est plus fréquent (césarienne, bronchoscopie rigide...), ou bien présentaient un état comportant ce risque (insuffisance respiratoire terminale, antécédent de remémoration, nécessité d'intubation non planifiée, alcoolisme chronique, traumatisme crânien...).
Parmi les 2 463 patients éligibles, 1 225 ont été inclus dans le groupe où l'anesthésie a été évaluée par un BIS et 1 238 en tant que témoins. Aux évaluations finales, on relève 11 cas de remémoration postchirurgicale dans le deuxième groupe contre seulement deux dans le premier.
Risque réduit de 82 %.
D'où la conclusion : « L'utilisation d'une anesthésie guidée en se fondant sur l'évaluation par un BIS réduit le risque de remémoration indésirable postchirurgicale de 82 %. »
Ces remémorations indésirables sont le résultat d'un déséquilibre entre le besoin d'anesthésique et l'effet des produits au niveau individuel. Les sujets sont différents les uns des autres, mais aussi chaque type de chirurgie comporte ses spécificités algologiques (chirurgie des parties molles, des centres nerveux, des os...).
Les résultats ne peuvent pas être généralisés, indique-t-on à la fin de l'article. Le coût du geste est d'environ 16 dollars par patient et la prévention d'un cas dans une population à risque revient à 2 200 dollars. Elle ne devrait donc concerner que les groupes à risque.
P.S. Myles et coll., « The Lancet », vol. 363, 29 mai 2004, pp. 1757-1763 et commentaires pp. 1747-48.
Le cas historique
Le premier cas de remémoration du geste chirurgical après l'intervention est aussi celui du premier patient ayant bénéficié d'une anesthésie... Gilbert Abbott, patient historique opéré par le chirurgien Morton, à Boston, en 1846, avait le souvenir de l'intervention sur sa tumeur au cou, mais grâce à l'effet de l'éther qui a été utilisé comme anesthésique, il n'a pas ressenti de douleur.
Le curare a été ajouté en 1942 pour obtenir le relâchement musculaire.
La première étude recensant les cas de souvenirs pendant une anesthésie rapporte une prévalence de 1 à 2 % en 1962. Les progrès des protocoles anesthésiques ont ramené ce taux à 1,2 %.
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