Le ministère de la Santé est en train de mettre la dernière main à un projet de décret qui détermine de nouvelles procédures d'autorisation d'exercer pour les médecins, chirurgiens-dentistes, sages-femmes et pharmaciens diplômés hors de l'Union européenne. La parution de ce texte permettrait de combler le vide juridique qui existe depuis la loi qui, en juillet 1999, a créé la couverture maladie universelle (CMU) et mis fin aux anciens canaux de régularisation de ces professionnels sans en inventer de nouveaux.
Que concoctent les pouvoirs publics pour les médecins ? La dernière version en date de leur projet propose aux candidats à l'exercice en France un parcours en plusieurs étapes. Une fois par an, seront organisées des épreuves de vérification des connaissances. Le ministre de la Santé décidera, chaque année, des disciplines ou spécialités concernées et du nombre maximal de personnes susceptibles d'être reçues. Il y aura donc des quotas, en fonction des besoins du système de soins français. Les candidats, de nationalité française ou étrangère, seront tous titulaires d'un diplôme de médecine acquis en dehors de l'Union européenne ou de l'espace économique européen. Ils ne pourront présenter l'examen que deux fois. S'ils échouent, sauf quelques cas particuliers, ils ne pourront pas exercer en France.
Ecrites et anonymes, les épreuves seront élaborées et corrigées par un jury national, composé par tirage au sort de professeurs et de praticiens hospitaliers (PH). Elles se répartiront en trois volets : vérification des connaissances fondamentales, vérification des connaissances pratiques et maîtrise de la langue française. Il faudra obtenir la moyenne générale ; une note inférieure ou égale à 6/20 sera éliminatoire. Dans la limite des quotas arrêtés par le ministre, le jury arrêtera la liste des reçus, classés - mis à part les candidats réfugiés politiques, apatrides et bénéficiaire de l'asile territorial ou bien français ayant regagné le territoire national à la demande des autorités - par ordre de mérite.
Un levier démographique
Admis, les aspirants à l'intégration devront effectuer trois années de fonctions hospitalières en tant qu'assistant généraliste associé ou d'assistant spécialiste associé, avant de pouvoir demander l'autorisation d'exercer la médecine en France - et donc s'installer en ville ou bien passer le concours de PH. Cette autorisation, c'est une commission ad hoc, renouvelée tous les trois ans et adaptée pour chaque spécialité ou discipline, qui la délivrera. Y siégeront le directeur de l'Hospitalisation et de l'Organisation des soins (DHOS), le directeur général de la Santé (DGS), deux conseillers ordinaux, trois représentants syndicaux - hospitalier, libéral et issu des organisations de médecins à diplôme extra-européen -, deux membres des associations professionnelles, deux experts de la profession. Là encore, le ministre décidera en amont du nombre maximal de candidats qui pourront être autorisés à exercer la médecine en France. Il y aura donc une sorte de « quota de sortie », un levier démographique qui permettra à l'Etat d'ouvrir ou au contraire de fermer les vannes de ceux qui seraient susceptibles de quitter l'hôpital pour s'installer en ville.
Le projet de décret devrait être soumis au Conseil d'Etat avant la fin de l'année. Attendu depuis plusieurs années, ce nouveau système pourrait donc entrer en vigueur dès juin 2004. A priori destiné aux médecins à diplôme étranger dès leur arrivée sur le sol français, il va s'adresser aussi, dans un premier temps, à ceux qui, illégalement pour la majorité d'entre eux, travaillent déjà dans nos hôpitaux. Ces praticiens relèvent de deux situations distinctes. Il y a d'abord ceux qui sont arrivés en France après juillet 1999 - ils seraient environ 2 000 - et à qui aucune possibilité d'intégration n'était pour l'instant offerte. Il y a ensuite le petit millier de médecins, pour la plupart de nationalité française, qui étaient déjà en France avant juillet 1999 mais qui n'ont pas réussi à régulariser leur situation selon les voies qui leur étaient proposées à l'époque (épreuves pour devenir PAC - praticien adjoint contractuel -, CSCT - certificat de synthèse clinique et thérapeutique...). Le ministère prévoit que ces médecins-là, une fois admis aux nouvelles épreuves, pourront demander l'autorisation d'exercice sans passer par la case « assistant associé » pour peu qu'ils justifient de trois années (effectuées à temps plein par période d'au moins un an consécutif) de fonctions hospitalières.
Pressé par les organisations de médecins étrangers (la FPS - Fédération des praticiens de santé -, le SM+ - Syndicat Médical Plus -, l'AMFDEC - Association des médecins français à diplôme extracommunautaire ayant exercé dans le cadre de la loi CMU...), le ministère essaierait par ailleurs d'intégrer dans le système de soins un maximum de médecins à diplôme étranger avec les bouts d'outils qui restent des procédures précédentes. Ainsi, la commission dite de 1972, qui s'apprête à examiner pour la dernière fois les demandes d'autorisation d'exercer la médecine générale des titulaires du CSCT, pourrait recevoir favorablement plus des deux tiers des quelque 600 dossiers qui lui sont parvenus.
De la même façon, la commission dite « des dix ans », qui étudie au cas par cas la situation de ceux d'entre les exclus du système qui totalisent dix ans de fonction dans les hôpitaux, ne sera pas pointilleuse. Un tiers des 600 dossiers environ qui auront été déposés à la date limite du 31 décembre pourraient être estampillés « bons pour le service », même s'il manque cinq ou six mois aux médecins demandeurs pour atteindre la décennie de fonctions fatidique. Enfin, tous les médecins, quel que soit leur statut, qui demandent la qualification ordinale dans leur spécialité peuvent souffler. En attendant le décret qui doit revoir les procédures en la matière, le délai de dépôt de dossier a été allongé. La date butoir n'est plus le 31 décembre 2003 mais le 31 décembre 2004.
Le piège pour les diplômes français
Ce report devrait soulager un tout petit peu une catégorie un peu à part de praticiens : les médecins d'origine étrangère mais de nationalité française et diplômés en France. Deux cents spécialistes titulaires d'un DIS (diplôme interuniversitaire de spécialisation), à qui les règles parfois perverses de l'administration - qui ne voit en eux que des généralistes auxquels elle offre des sous-statuts - interdisent toute voie d'intégration. Une situation ubuesque contre laquelle se bat l'AMNRDISE (Association des médecins nouveau régime avec DIS ou équivalent).
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