RECONNUE par l'OMS depuis 1992 et classifiée en rhumatologie (code M79-7), la fibromyalgie est considérée comme une hypersensibilité à la douleur d'origine centrale. Elle fait partie du cadre plus général des douleurs neuropathiques centrales en relation avec un dysfonctionnement des contrôles de la douleur. Chez les fibromyalgiques, le rétrocontrôle du cerveau sur la moelle épinière n'agit pas en modulant la transmission du message douloureux, mais en la facilitant. Des IRM fonctionnelles ont apporté la preuve de l'origine centrale en visualisant les différentes zones impliquées dans la douleur. Entre 2 et 5 % de la population mondiale souffriraient de fibromyalgie dont 80 % de femmes. L'Europe compterait 12 millions de fibromyalgiques dont près de 2 millions en France.
Mais la fibromyalgie reste méconnue. D'après une étude effectuée en 2005, seulement 23 % des rhumatologues et 33 % des généralistes l'identifieraient comme une maladie à part entière. «Les rhumatologues ont été formés de manière très cartésienne (approche cause/conséquence). Or la fibromyalgie remet en cause l'épistémologie médicale: les patients se plaignent de symptômes multiples, parfois difficiles à cerner. Mais, leurs examens complémentaires ne montrent aucune cause organique», souligne le Dr Serge Perrot, rhumatologue à l'Hôtel-Dieu, expert EULAR* (Ligue européenne contre le rhumatisme) pour la France. «Nous nous sommes ainsi rendu compte que certaines personnes peuvent souffrir de symptômes, voire de syndromes, ne reflétant non pas une maladie d'un tissu, mais plutôt un dysfonctionnement (de la douleur, dans le cas de la fibromyalgie)», indique le Dr Perrot.
Un vaste champ de recherche.
Devant des examens complémentaires normaux, le diagnostic est, bien sûr, complexe. C'est un diagnostic d'élimination, effectué après avoir écarté d'autres affections pouvant se révéler par un syndrome douloureux chronique. «Des critères ont été mis au point par l'American College of Rheumatology (ACR) en 1990sur lesquels nous nous fondons aujourd'hui pour le diagnostic. Ce qui a permis d'identifier les patients à partir des données de l'interrogatoire et de la mise en évidence de points douloureux à la pression. Mais ces critères sont incomplets. Les champs de recherche actuels sur la fibromyalgie sont donc importants. Nous devons, en effet, comprendre pourquoi les patients ont une diminution de leur seuil de sensibilité douloureuse. Mais, aussi, comment effectuer un diagnostic valable, améliorer la prise en charge, ou encore mettre en place un outil pour déterminer le degré de sévérité de la maladie», précise le Dr Perrot.
Probablement très diverses, les causes du syndrome restent encore inconnues. «Certains patients deviennent fibromyalgiques à la suite d'une maladie virale, d'un traumatisme psychologique, ou physique. Mais cette maladie est multifactorielle et survient à un moment bien précis de la vie. Les femmes en sont davantage atteintes que les hommes, elles développent souvent la maladie à un âge périménopausique. Des facteurs génétiques interviennent aussi dans le développement de la maladie», poursuit le Dr Perrot.
D'après le Dr Bruno Halioua, historien de la médecine et dermatologue, «la fibromyalgie est probablement une des affections qui a suscité le plus grand nombre de controverses et de polémiques. Certains scientifiques estimant que les troubles évoqués par les patients n'étaient que l'expression d'un mal-être psychologique et social. Mais, aujourd'hui, de plus en plus d'experts essayent de comprendre cette maladie mystérieuse. Et les publications sont de plus en plus nombreuses sur la fibromyalgie: 1280 en 2007 contre 280 en 1997».
La fibromyalgie est un syndrome à multiples visages, sa prise en charge s'effectue au cas par cas. «Les fibromyalgiques sont très hétérogènes, le degré d'évolution de la maladie varie énormément. Certains affirment en souffrir depuis quelques mois, d'autres depuis de nombreuses années. Les symptômes sont multiples et diffèrent selon les patients: douleurs diffuses s'accompagnant de raideurs, troubles du sommeil, fatigue, épuisement, céphalées de tension, problèmes intestinaux, troubles de la mémoire. Chaque cas est donc particulier», assure le Dr Perrot.
Une école pour les patients.
À l'heure actuelle, le plus important, c'est de diagnostiquer la maladie. «Car la nommer permet d'envisager une prise en charge spécifique. Ensuite, il faut construire un programme adapté à chaque patient en fonction du degré de la maladie et des symptômes. Une prise en charge pluridisciplinaire peut être nécessaire dans le cadre de réseaux ville/hôpital, (centres antidouleur, par exemple). À l'Hôtel-Dieu, nous avons crée la “fibro school”, un groupe d'éducation thérapeutique pour apprendre aux patients à gérer au mieux la fibromyalgie. En 2007, nous avons aussi élaboré, dans le cadre de l'EULAR*, les premières recommandations pour la prise en charge de la fibromyalgie», conclut le Dr Perrot.
* La Ligue européenne contre le rhumatisme est une association regroupant 15 000 rhumatologues en Europe.
Une association engagée
Créée en 2001, Fibromyalgie France* se bat au quotidien pour permettre aux malades de reprendre confiance et de sortir de l'indifférence. Mais aussi pour devenir un interlocuteur des institutions nationales. L'association a obtenu l'agrément du ministère de la Santé en mars 2007. Fibromyalgie France a été auditionnée le 7 mai dernier à Bruxelles par des députés européens au cours d'une table ronde consacrée à la fibromyalgie. Mais le combat n'est pas gagné. Carole Robert, délégué général de Fibromyalgie compte sur l'Europe et sur la France pour que les malades soient davantage écoutés. Pour la 15e Journée de la fibromyalgie, l'association a organisé deux journées de sensibilisation à la maladie. Carole Robert est aussi l'auteur de « Fibromyalgie, les malades veulent comprendre » (éditions Publibook).
* http://associationfibromyalgie.word press.com.
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