La majorité des auteurs s'accorde à dire qu'une dépression majeure, après 65 ans, a une prévalence de l'ordre de 2 %. Mais, précise le Dr Clément Pinquier, unité psychogériatrique, service du Pr Pellerin, hôpital Charles-Foix, à Ivry, « cette prévalence pourrait atteindre 50 % des sujets âgés de plus de 65 ans si on tient compte uniquement des symptômes dépressifs. La dépression chez le sujet âgé représente donc un problème important en termes de santé publique qu'il convient de rechercher, de diagnostiquer et de traiter ».
Pourquoi les dépressions chez le sujet âgé sont-elles insuffisamment reconnues ? Pour le Dr Pinquier, plusieurs explications sont possibles. Il peut s'agir de la difficulté du sujet âgé à exprimer sa tristesse ou son émotion, peut-être aussi un déni ou une banalisation de troubles parfois non ressentis comme une tristesse réelle. On peut avoir tendance à traduire une souffrance comme un effet normal du vieillissement avec peut-être une confusion entre le phénomène du vieillissement et une dépression réelle .
Par ailleurs, l'expression propre des dépressions chez le sujet âgé peut être difficile à reconnaître. « Le terme de dépression masquée peut être évoqué, remarque le Dr Pinquier, en sachant que le masque peut être porté par le patient mais aussi par le médecin. En effet, les difficultés de verbalisation du patient sont telles que seules des manifestations somatiques peuvent exprimer la dépression. »
A la recherche des expressions cliniques
Chez le sujet âgé, la dépression peut se manifester par les mêmes symptômes que chez le sujet jeune avec une douleur morale classique, une tristesse, un ralentissement. Toute la difficulté réside dans la distinction entre une tristesse ou un ralentissement liés au vieillissement ou s'intègrant dans un syndrome dépressif. Face à ces symptômes, il est nécessaire de rechercher d'autres éléments pour envisager le diagnostic de dépression :
- la perte de l'intérêt avec une critique de soi disproportionnée par rapport aux aptitudes physiques ou intellectuelles ;
- un sentiment de vide intérieur, généralement exprimé sous forme d'un vécu de solitude ;
- des plaintes somatiques difficiles à évaluer en raison de la fréquence de la comorbidité somatique chez le sujet âgé. En définitive, remarque le Dr Pinquier, « tout symptôme somatique d'installation récente et dont la preuve de l'organicité sous-jacente n'a pas été faite doit être retenu comme un signe de dépression, surtout s'il concerne le sommeil il s'agit d'une asthénie ou de troubles alimentaires comme une anorexie ».
- Des troubles du comportement avec irritabilité, modifications importantes du caractère observées par l'entourage,
- enfin des manifestations anxieuses, surtout si elles sont au premier plan, doivent inciter à rechercher une dépression sous-jacente.
L'évaluation de la gravité
Il faut aussi évaluer la gravité de la dépression liée à la fois aux symptômes et aux complications, notamment l'anorexie, qui pose le problème du diagnostic vital et le tableau plutôt mélancoliforme avec risque de passage à l'acte suicidaire.
La présence d'éléments cliniques évocateurs doit amener à rechercher d'autres signes en faveur de la dépression en se méfiant des formes masquées peu classiques (telles que les dépressions délirantes ou les idées de persécution, de préjudice, de vol). Un autre problème important concerne les dépressions qui s'accompagnent de déficit cognitif. A ce propos, observe le Dr Pinquier, « le terme de dépression pseudo-démentielle a été relativisé en raison du risque d'évolution vers une démence réelle. Ces dépressions justifient un traitement, si ce n'est étiologique du moins adjuvant ».
D'après un entretien avec le Dr Clément Pinquier, unité psychogériatrique, service du Dr Pellerin, hôpital Charles-Foix, (Ivry).
Traiter, hospitaliser ou transférer
La suspicion d'une dépression chez un sujet âgé doit s'inscrire dans le temps, en revoyant le patient de façon rapprochée avant la mise en route d'un traitement.
L'évaluation de la gravité est un élément important afin de savoir si l'hospitalisation se révèle nécessaire ou non.
En cas de doute, ne pas hésiter à faire appel au psychiatre. A la moindre suspicion de démence sous-jacente, ne pas hésiter à orienter le patient vers une consultation spécialisée.
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