L'orthophonie fait l'objet d'une des dernières recommandations publiées par l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé (ANAES). C'est à la demande de la direction générale de la Santé que l'agence a réuni un groupe de travail pluridisciplinaire destiné à réfléchir sur « l'orthophonie dans les troubles spécifiques du langage oral chez l'enfant de 3 à 6 ans ».
La recommandation s'articule autour de six chapitres suivant l'ordre chronologique du suivi de l'enfant. Elle s'intéresse précisément aux troubles primaires et spécifiques. C'est-à-dire que ces altérations concernent le langage et peu ou pas les autres fonctions cognitives ; sont exclues du propos les altérations du développement oral accompagnés de déficience mentale.
Qu'elle provienne des parents, des enseignants ou de professionnels de santé, toute préoccupation exprimée concernant le langage de l'enfant doit être prise en compte. La plainte doit aboutir à la réalisation d'une évaluation de l'enfant et d'un examen médical, dont dépendra la prescription.
L'identification du trouble du langage repose sur des méthodes très récentes, en début de développement. Les outils utilisés, qu'il s'agisse de questionnaires ou de batteries de tests, connaissent des indications spécifiques à chaque tranche d'âge.
Les auteurs des recommandations s'accordent à dire que le repérage et le dépistage des troubles du langage oral entre 3 et 6 ans doivent être systématiques, même en l'absence de plainte. Entre 3 et 4 ans, ce dépistage repose au moins sur une question. A l'enseignant, il s'agit de demander : « Considérez-vous que cet enfant a un problème de langage ? », aux parents : « Que pensez-vous du langage de votre enfant ? ». Bien sûr des questionnaires d'aide existent (DPL3, Chevrie-Muller), valides jusqu'à 4 ans. Au-delà, il faut avoir recours à des batterie de tests (ERTL4, PER2000, BREV...). Mais le rapport constate « un certain sous-développement en France des méthodes de dépistage basées sur l'avis des parents et des enseignants, qui pourtant seraient efficaces ».
Le bilan médical est essentiel
Une fois le trouble du langage oral identifié, le déclarer spécifique est plus difficile. Le bilan médical est ici essentiel. Il peut affirmer le caractère primaire de l'affection et orienter la prise en charge. Il s'agit pour les médecins d'éliminer : un déficit sensoriel, notamment auditif ; une pathologie neurologique ; un trouble cognitif non verbal ; un trouble envahissant du développement ; des carences importantes dans l'environnement de l'enfant.
Ce préalable achevé la prescription d'un bilan orthophonique peut être envisagée. Elle varie selon l'âge de l'enfant (lire encadré). D'autant que plusieurs travaux ont montré une régression spontanée des retards du langage entre 3 et 5 ans, en quelques mois ou années. Cette évolution est imprévisible. Une formation des prescripteurs apparaît nécessaire.
Au cours du bilan, l'orthophoniste analyse le trouble du langage et sa gravité. Il évalue à la fois l'aspect expressif (vocabulaire, récit...), réceptif (perception et compréhension) et pragmatique (emploi du langage avec autrui). Il précise les déficits et leurs domaines, les potentialités la répercussion du trouble du langage et les potentialités d'évolution de l'enfant. Ce bilan doit faire l'objet d'un compte rendu détaillé.
Faciliter les apprentissages scolaires
La prise en charge orthophonique succède au bilan. Son but est de remédier aux déficits du langage, d'améliorer la communication de l'enfant et de faciliter les apprentissages scolaires. Avant 4-5 ans, cette prise en charge est indiquée en cas d'inintelligibilité et/ou d'agrammatisme ou de trouble de la compréhension. Si l'enfant doit être certes rééduqué, une guidance parentale ne doit pas être négligée. Passé l'âge de 5 ans, en cas de bilan perturbé, une rééducation est toujours nécessaire.
Dernière étape, après la série de séances d'orthophonie, une évaluation est indispensable. Pratiquée quasi exclusivement par l'orthophoniste, elle devrait être aussi le fait des parents, des enseignants ou d'autres professionnels de santé. Elle repose sur les objectifs de la rééducation et sur le suivi d'indicateurs consignés dans un dossier. De fait, cette évaluation permet de décider de l'arrêt ou de la poursuite des séances, d'une modification de leur contenu.
En conclusion, les auteurs de la recommandation constatent qu' « il reste beaucoup de travail à faire » pour compléter les données épidémiologiques, établir des normes, compléter la validation des outils utilisés. Il serait souhaitable de réaliser des études longitudinales sur le nombre d'enfants rattrapant leur retard du langage oral ainsi que des études prospectives sur les thérapeutiques proposées et les populations à cibler. Les différents acteurs impliqués nécessitent aussi une meilleure formation.
Le texte complet de la recommandation est téléchargeable gratuitement sur le site de l'ANAES : www. anaes.fr à la rubrique « publications ».
Indications du bilan
Un bilan orthophonique est indiqué :
- chez l'enfant de 3 à 4 ans, en cas d'absence de langage intelligible pour les personnes non familières ; en cas d'absence de structure grammaticale (3 mots dont un verbe associés, à 3 ans) ; en cas de troubles de la compréhension ;
- chez l'enfant de 4 à 5 ans, pour faire une évaluation quantifiée des troubles de l'expression et de la compréhension. En l'absence de troubles de la compréhension, une surveillance avec réexamen à 6 mois paraît justifiée ;
- chez l'enfant de 5 ans, outre les cas précédents, tout trouble du langage justifie un bilan à condition qu'il soit authentifié par une batterie de tests. Il faut se souvenir que les troubles du langage peuvent perturber l'apprentissage de la lecture.
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