DE NOTRE CORRESPONDANTE
MANGER, BOIRE et se reproduire sont des activités essentielles pour la survie de l'individu et de l'espèce.
Certaines régions du cerveau ont donc été chargées de récompenser ces comportements vitaux par l'apparition d'une sensation de plaisir. C'est le circuit de la récompense, qui a pour principal neurotransmetteur la dopamine. Ainsi, manger ou boire un délicieux chocolat provoque une libération de dopamine dans le striatum dorsal, et le degré de plaisir ressenti est proportionnel à la quantité de dopamine libérée.
La découverte du fait que les individus obèses ont moins de récepteurs dopamine D2 dans le striatum a fait naître l'hypothèse selon laquelle ils ont un hypofonctionnement du circuit de la récompense, ce qui les pousse à manger davantage pour compenser ce déficit.
Moins d'activation du striatum dorsal.
L'équipe d'Eric Stice (Oregon Research Institute) a utilisé l'imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf) pour mesurer le degré d'activation du striatum dorsal en réponse à la consommation d'un milk-shake au chocolat par rapport à un liquide insipide. Une première étude transversale d'IRMf a été conduite chez 43 femmes (de 18 à 22 ans) ayant un indice de masse corporelle (IMC) entre 24 et 33 (28, en moyenne). Une seconde étude, prospective, a porté sur 33 adolescentes (de 14 à 18 ans) ayant un IMC entre 17,5 et 39 (24,3, en moyenne) ; 27 de ces adolescentes ont été génotypées pour l'allèle A1 (TaqA1) du gène du récepteur dopamine D2, qui est associé à un plus faible nombre de récepteurs dopamine D2 dans le striatum et semble prédisposer à l'obésité. Par ailleurs, les chercheurs ont surveillé un an après les prises de poids des adolescentes.
Résultats : les femmes obèses présentent moins d'activation du striatum dorsal en réponse au milk-shake par rapport aux femmes minces. Cet effet est amplifié chez les femmes portant l'allèle A1.
L'étude prospective montre qu'une réponse émoussée du striatum dorsal est associée à un risque accru de prise de poids durant l'année suivante, notamment chez les porteuses de l'allèle A1.
«Par conséquent, des interventions comportementales ou pharmacologiques qui corrigent l'hypofonctionnement striatal pourraient aider à prévenir et traiter l'obésité», concluent les chercheurs.
«Notre découverte d'une réponse émoussée du circuit de la récompense chez les individus obèses est très importante, déclare au “Quotidien” le Dr Stice.
«Cela pourrait suggérer que les individus obèses consomment plus de calories pour compenser ce déficit de récompense. Je pense qu'il est important que le gène DRD2 module cette relation. Des études ont impliqué des processus biologiques mais on en découvre seulement maintenant les mécanismes.»
Prédit la future prise de poids.
«L'observation qu'une réponse anormale du circuit de la récompense prédit la future prise de poids est aussi importante. Cela suggère que la réponse émoussée du circuit de la récompense est un vrai facteur de vulnérabilité pour l'obésité. Toutefois, je ne suis pas encore prêt à écarter la possibilité d'une régulation négative du circuit de récompense qui serait secondaire à la consommation régulière d'une alimentation riche en graisse et en sucre», ajoute-t-il.
«Étant donné que c'est la première étude d'imagerie cérébrale mettant en évidence chez les individus obèses une activation émoussée du circuit de la récompense en réponse aux aliments, je crains que nous soyons loin des applications cliniques. Je parie toutefois que la meilleure façon de prévenir le développement de ces anomalies est de s'assurer que les enfants mangent des aliments sains plutôt que des aliments riches en graisse et en sucre durant le développement. »
«Nous évaluons actuellement une intervention comportementale qui, nous l'espérons, “corrigera” ces réponses anormales du circuit de la récompense aux aliments. Dans une précédente étude, nous avons constaté qu'une brève intervention réduit le risque d'obésité future, et nous aimerions savoir si une version de cette intervention influencerait le traitement de la récompense».
« Science », 17 octobre 2008, p. 449.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature