LE RÉTRÉCISSEMENT valvulaire aortique de l'adulte est la valvulopathie la plus fréquente. L'étiologie principale est la forme dégénérative, calcifiée, évoluant avec l'âge. Sa prévalence est estimée à 5 % chez les sujets de plus de 75 ans, 3 % ayant une sténose valvulaire aortique serrée.
La prise en charge des valvulopathies a considérablement évolué. Les avancées techniques chirurgicales, interventionnelles et l'expertise échocardiographique permettent d'opérer aujourd'hui des patients porteurs de valvulopathie sévère, parfois asymptomatique qui, autrefois, n'étaient pas détectés à temps.
Il existe plusieurs documents faisant office de recommandations pour la prise en charge du rétrécissement aortique. Les recommandations européennes (1), les plus récentes, datent de 2007, les recommandations américaines de 2006 (2) et celles de la Société française de cardiologie de 2005 (3). Il existe des différences entre ces recommandations, mais elles tiennent à des nuances.
Les recommandations européennes sont celles à appliquer en France.
Il existe ainsi trois indications de classe I pour lesquelles l'intervention est formellement indiquée : rétrécissement aortique serré défini par une surface valvulaire inférieure à 1 cm2 (ou < 0,6 cm2/m2) et symptomatique (dyspnée à l'effort, angor, malaises à l'effort) ; dysfonction ventriculaire gauche (fraction d'éjection [FE] < 50 %) et anomalie cardiaque associée au rétrécissement valvulaire aortique (valvulopathie mitrale, sténose coronaire) nécessitant, par exemple, un pontage associé au remplacement valvulaire.
L'intérêt du test d'effort.
Mais de nombreux patients ayant une sténose valvulaire aortique sont asymptomatiques. Dans cette situation, les recommandations européennes accordent une place plus importante à l'épreuve d'effort pour décider de l'intervention que les recommandations américaines. Dans les sténoses valvulaires aortiques serrées asymptomatiques, son intérêt est maintenant bien validé, afin de vérifier le caractère asymptomatique du patient. En effet, les patients asymptomatiques souvent adaptent et réduisent leur activité physique, ce qui masque leurs symptômes. L'épreuve d'effort est considérée comme anormale si des symptômes apparaissent (dyspnée, angor ou lipothymie…), s'il n'y a pas d'élévation de la pression artérielle (PA) (ou afortiori, si l'effort s'accompagne d'une chute de PA), s'il existe des modifications électrocardiographiques significatives ou encore en présence d'une arythmie ventriculaire.
«Le test d'effort doit être réalisé avec prudence par un cardiologue qui en a l'habitude. Il permet de dépister dans un quart à un tiers des cas des faux asymptomatiques, souligne le Dr Jean-Luc Monin (CHU Henri-Mondor, Créteil). Ainsi, dans les recommandations européennes, lorsque l'on démasque à l'effort des symptômes, l'indication opératoire est formelle, de classeI, alors que, dans les recommandations américaines, il s'agit d'une recommandation de classeIIb.»
À côté de ces quatre indications formelles, il existe des indications de classe II : patient ayant une sténose valvulaire aortique serrée asymptomatique et dont la PA n'augmente pas assez (ou chute) lors du test d'effort ou en cas d'extrasystolie ventriculaire, par exemple.
La décision d'intervenir s'appuie également sur la vitesse d'évolution de la maladie. La combinaison « calcification aortique modérée à sévère et augmentation de la vitesse maximale aortique de plus de 0,3 m/s par an » représente une indication raisonnable (ESC IIa, ACC-AHA IIb) de remplacement valvulaire en l'absence de comorbidités.
«Ces patients asymptomatiques, dont la pathologie progresse rapidement, risquent dans 80% des cas de devenir symptomatiques dans les deux ans, déclare le Dr Jean-Luc Monin. Ainsi, les Européens sont plus interventionnistes en fonction des résultats du test d'effort.»
Ne pas opérer le patient réellement asymptomatique.
«La recommandation la plus importante à retenir pour nous, et qui apparaît chez les Américains, c'est la recommandation de classeIII (c'est-à-dire une contre-indication) pour les patients ayant une sténose valvulaireaortique certes serrée, mais asymptomatique, vérifiée par un test d'effort. Il n'y a aucune raison d'opérer ces patients. La seule raison théorique serait la prévention du risque de mort subite et clairement, dans ce cas-là, il est très faible, de l'ordre de 0,5% par an, alors que le risque opératoire se situe en moyenne à 2-3%. On leur ferait donc courir un risque six fois plus grand pour un bénéfice complètement hypothétique», explique le Dr Monin.
Si le patient est réellement asymptomatique, il faut le surveiller étroitement tous les six mois. L'échographie est le meilleur examen de surveillance des patients qui ne justifient pas d'une intervention d'emblée. Il faut également surveiller de près le degré de calcification et mesurer la progression du pic de vitesse transvalvulaire au Doppler continu qui doit être inférieur à 0,3 m/s/an.
Chez les sujets âgés de plus de 65 ans, les bioprothèses sont préférées aux prothèses mécaniques, la durabilité des bioprothèses étant très bonne dans cette tranche d'âge (à quinze ans, 80 % fonctionnent encore). L'avantage important est l'absence de traitement anticoagulant avec ses contraintes et ses risques d'accidents (2 % par an).
D'après un entretien avec le Dr Jean-Luc Monin, CHU Henri-Mondor, Créteil.
(1) Recommandations de la Société européenne de cardiologie 2007 (Guidelines on the management of valvular heart disease (European Society of Cardiology). Eur Heart J 2007;28:230-68.
(2) Recommandations américaines 2006 ACC-AHA (Guidelines for the management of patients with valvular heart disease). J Am Coll Cardiol 2006;48(3): el-148.
(3) Recommandations de la Société française de cardiologie 2005 concernant la prise en charge des valvulopathies acquises et des dysfonctions de prothèses valvulaires. Arch Mal Coeur Vaiss 2005;98(suppl.):5-61.
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