L'AVENEMENT DES ANTI-TNF dans l'arsenal thérapeutique a révolutionné la prise en charge spondylarthropathies (SpA). Ces affections fréquentes ont une prévalence similaire à celle de la polyarthrite rhumatoïde en France (0,3 % de la population générale). Le concept de SpA regroupe un ensemble d'affections ayant des caractéristiques cliniques et génétiques communes : la spondylarthrite ankylosante, le rhumatisme psoriasique, les manifestations articulaires des maladies inflammatoires chroniques de l'intestin (MICI), les arthrites réactionnelles, et les spondylarthropathies indifférenciées.
Même si ces affections sont encore considérées comme des entités différentes au regard des critères diagnostiques, le concept de SpA a évolué au regard de la prise en charge thérapeutique vers la notion de SpA à forme axiale prédominante et de SpA à forme périphérique prédominante, quelle que soit l'affection diagnostiquée.
Jusqu'à présent, le traitement des formes axiales de SpA faisait essentiellement appel aux anti-inflammatoires non stéroïdiens (Ains) et à la kinésithérapie, car les traitements de fond conventionnels n'avaient pas démontré d'efficacité. Les biothérapies - anticorps monoclonaux ou récepteurs solubles - ciblant le TNFa permettent d'obtenir une amélioration rapide, significative et durable de la symptomatologie. Cette efficacité leur confère une place de choix dans l'arsenal thérapeutique des SpA axiales et périphériques.
Cependant, l'estimation adéquate du rapport bénéfice-risque à l'échelon individuel est un réel défi pour le rhumatologue :
- d'une part, la présence de signes objectifs cliniques, biologiques, et/ou iconographiques fait souvent défaut dans ces affections, en particulier au cours des premières années d'évolution, compliquant la certitude diagnostique et l'évaluation de l'activité de la maladie ;
- d'autre part, ces molécules ont des effets indésirables potentiellement graves : hypersensibilité, infection dont la tuberculose, complications neurologiques, possible risque néoplasique...
Afin d'aider le médecin dans sa pratique quotidienne, la Société française de rhumatologie a souhaité établir un référentiel sur l'utilisation des anti-TNF au cours des SpA. Cependant, l'état actuel des connaissances n'a permis d'élaborer ces recommandations que pour la spondylarthrite ankylosante (SA) et le rhumatisme psoriasique (RP). Ces recommandations, établies selon les règles méthodologiques de l'Anaes de l'Agree Collaboration, ont pour objectif à la fois d'optimiser la qualité de la prise en charge des personnes souffrant de ces affections et d'homogénéiser la pratique des rhumatologues à travers la France, tout en respectant leur liberté de prescription. A ce titre, elles n'ont pas de caractère opposable. Elles sont un guide pour identifier les SA et les RP pouvant relever d'un traitement par anti-TNF, l'initier en pratique et le surveiller et seront adaptées en fonction de l'évolution des données de la littérature.
Chez quels patients les anti-TNF sont-ils indiqués ?
Pour retenir l'indication d'un traitement par anti-TNF, quatre conditions doivent être respectées :
1. Le diagnostic de SA ou de RP doit être certain. Cette certitude s'appuiera sur les critères de New York modifiés pour la SA et sur les critères de Moll et Wright pour le RP (tableau 1).
Cependant, seuls les patients avec une sacroiliite radiologique répondent aux critères de New York modifiés. Afin de ne pas exclure les formes précoces, les patients ne répondant pas aux critères de New York modifiés, mais présentant une atteinte inflammatoire des sacro-iliaques ou du rachis objectivée par une imagerie (radiographie, IRM ou scanner, selon la localisation), pourront aussi être considérés comme potentiellement candidats aux agents anti-TNFa.
2. Le rhumatisme inflammatoire doit être actif depuis au moins quatre semaines à deux visites d'intervalle. L'activité a été définie en fonction de l'atteinte principale de la maladie, qu'il s'agisse de la SA ou du RP, en plaçant ses atteintes en deux catégories : format prédominance axial et format prédominance périphérique.
Une maladie sera jugée comme active si :
1) L'indice Basdai est ≥ à 4 (sur une échelle de 0 à 10) pour les formes à prédominance axiale. Le Basdai (Bath Ankylosing Spondylitis Disease Activity) est un autoquestionnaire en six questions.
2) Le nombre d'articulations douloureuses et d'articulations gonflées est ≥ 3 pour les formes à prédominance périphérique (compte sur 66/68 articulations au total).
3) Quelle que soit la forme clinique de la maladie, le jugement global du médecin devra être ≥ 4 sur une échelle numérique de 0 à 10. Le jugement global de l'activité par le médecin sera fondé sur l'examen clinique, les résultats des examens biologiques et iconographiques, et particulièrement sur la présence des éléments suivants : coxite active, synovites et/ou enthésites actives, uvéite active ou récidivante, vitesse de sédimentation ou taux de protéine C-réactive élevés, présence d'une inflammation du rachis ou des sacro-iliaques mise en évidence en IRM et/ou progression radiologique articulaire périphérique.
3. Avant d'envisager un traitement par agents anti-TNFa, le médecin devra être certain de l'échec des traitements conventionnels chez son patient.
4. Les contre-indications doivent être respectées ( cf. encadré dans l'article concernant les recommandations de la SFR pour l'utilisation des agents anti-TNF chez les personnes souffrant de polyarthrite rhumatoïde). Une fiche pratique sous forme d'une check-list pour le bilan préthérapeutique avant initiation d'anti-TNF est disponible sur le site du CRI*.
En pratique, comment se passe l'initiation et la mise en place un traitement par anti-TNF ?
L'initiation d'un anti-TNF doit être précédée d'une évaluation préthérapeutique complète, avec notamment la mise à jour éventuelle des vaccinations, la recherche de foyers infectieux occultes, et la recherche d'antécédents tuberculeux.
L'association avec un traitement de fond conventionnel tel que le méthotrexate est recommandé si???? dans les formes périphériques, afin de gagner en efficacité et en tolérance. En revanche, l'intérêt de l'association des traitements conventionnels aux anti-TNF n'a pas été démontré dans les formes axiales.
Comment évalue-t-on la réponse aux anti-TNF ?
L'objectif thérapeutique est la mise en rémission du rhumatisme inflammatoire, ou à défaut, son maintien dans un niveau d'activité faible (caractère suspensif du traitement). On utilisera pour cela des outils d'évaluation validés, que le rhumatologue utilisera à chaque consultation, en particulier l'évaluation globale de la maladie et de la douleur par le patient, les mesures de mobilité rachidienne, le Basdai, le nombre d'articulations gonflées et/ou douloureuses et le bilan biologique inflammatoire. Le suivi clinique et biologique comprendra aussi la recherche systématique d'effets indésirables des traitements (anti-TNF et traitements associés).
La prescription d'agents anti-TNFa en l'état actuel des connaissances ne modifie pas les pratiques usuelles de surveillance par imagerie des SpA.
Ces recommandations sont d'ores et déjà disponibles (article scientifique, fiches pratiques, sites internet médicaux*). Leur objectif est d'homogénéiser les pratiques médicales rhumatologiques, d'apporter une aide aux praticiens lors de leur exercice quotidien et d'optimiser la qualité des soins.
Hôpital La Conception, Marseille.
*Liens utiles :
Site de la SFR : http://www.rhumatologie.asso.fr/05-Bibliotheque/fiches-anti-tnf.asp
Site du CRI : http://www.cri-net.com
Légende des figures
Figure 1 : Recommandations de la Société française de rhumatologie pour l'utilisation des agents anti-TNF dans la spondylarthrite ankylosante et le rhumatisme psoriasique
Remerciements :
aux membres du groupe de bibliographie : Pascal Claudepierre, Mathieu Luc, Corinne Miceli-Richard,
aux membres du groupe de rédaction : Michel de Bandt, Maxime Breban, Bernard Combe, Bruno Fautrel, Philippe Goupille, Jean-Francis Maillefert, Xavier Mariette, Charles Masson, Alain Saraux, Thierry Schaeverbeke, Daniel Wendling.
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