Par le Dr Mikael Mazighi*
L'ATHÉROSCLÉROSE est l'une des principales causes d'infarctus cérébral. Elle touche préférentiellement la bifurcation carotidienne dans sa portion extra-crânienne, et l'histoire naturelle de ces lésions est bien documentée, grâce à de nombreuses études prospectives qui ont évalué le traitement chirurgical (1). Mais la situation est tout autre pour les lésions extra-crâniennes plus proximales ou intracrâniennes. Les données sont plus rares et, par conséquent, la prise en charge thérapeutique est moins bien codifiée.
L'athérosclérose extra-crânienne proximale (AEP) et intracrânienne (AI) ont pour point commun d'être considérées comme des causes rares d'infarctus cérébral. Elles divergent toutefois sur leur pronostic : l'AEP est considérée comme bénigne, alors que l'AI est associée à un risque de récidive d'infarctus cérébral culminant à 15 % par an. En pratique courante, ces lésions sont le plus souvent méconnues, pour ne pas dire négligées. La connaissance de leur prévalence permettrait sans doute de mieux apprécier l'impact de ces formes d'athérosclérose sur le risque d'infarctus cérébral, dont le mécanisme reste inconnu dans 20 % des cas.
à partir d'une collaboration entre les services de neurologie de l'hôpital Bichat (Pr Pierre Amarenco) et d'anatomopathologie de l'hôpital la Salpêtrière (Pr Jean-Jacques Hauw), une étude a été menée sur les autopsies pratiquées à la Salpêtrière entre 1982 et 1989, à une époque où le taux d'autopsies dépassait les 70 % (2). Une analyse systématique des artères extra- et intracrâniennes, de la crosse de l'aorte et du myocarde, a été réalisée sur 339 autopsies consécutives de patients décédés d'un accident vasculaire cérébral (AVC), dus à 259 infarctus et 80 hémorragies. Le degré de sténose des lésions d'athérosclérose a été déterminé macroscopiquement et vérifié microscopiquement avant d'être classé en quatre grades : 0 (plaques non sténosantes) ; 1 (sténose : de 30 à 75 %) ; 2 (sténose : de 75 à 99 %) ; ou 3 (occlusion).
L'AEP a été définie par la présence de plaques ou de sténoses (lésions > 30 %) dans les artères suivantes : la carotide primitive (CP), le tronc artériel brachio-céphalique (TABC), la sous-clavière (SC), ainsi que l'artère vertébrale proximale (ostium et segment V2 de l'artère vertébrale [VA]). Dans cette étude, les plaques ont été identifiées chez 46,9 % des patients et les sténoses, chez 19,8 % d'entre eux. à titre indicatif, les sténoses de la bifurcation carotidienne ont été présentes chez 29,8 % des patients. Les sténoses ont été plus fréquemment observées sur la VA, avec une prévalence de 12,7 %, comparées à 5,3 % pour la CP et 5,9 % pour la SC et le TABC. Contrairement aux autres localisations d'AEP, les lésions de la VA ont été associées de façon significative aux infarctus cérébraux de la circulation postérieure (tronc cérébral et cervelet). Cette étude autopsique montre que l'AEP est fréquente (avec une prévalence proche de 50 %), mais également que les sténoses > 30 % s'associent à d'autres lésions sténosantes de la bifurcation carotidienne ou encore des artères coronaires.
Pour l'AI, la prévalence des lésions est encore plus élevée. Les plaques ont été identifiées dans 62,2 % des cas et, dans 43,2 %, des sténoses > 30 % ont été observées. Les sténoses < 75 % ont été associées à la présence d'un infarctus cérébral (3) et considérées comme causales dans 5,8 % des cas, en raison de la présence d'un thrombus sur une plaque ulcérée. Le diabète a été le seul facteur de risque modifiable associé à l'AI (présent dans 21,5 % des cas versus 10,7 %, respectivement, pour les infarctus et les hémorragies ; p < 0,01). De plus, la fréquence du diabète a augmenté avec la sévérité de l'AI (notamment le degré de sténose).
En conclusion, l'AEP apparaît comme un marqueur d'extension de la maladie athéroscléreuse, mais plus spécifiquement une relation de causalité est mise en évidence entre les lésions de la VA et les infarctus cérébraux de la circulation postérieure. En outre, l'AI est hautement prévalante à l'autopsie des patients décédés d'un AVC et les sténoses intracrâniennes de 30 à 75 % sont potentiellement causales d'un infarctus cérébral. à la lumière de ces résultats, il est possible que ces patients soient classés comme des infarctus de cause inconnue si le bilan n'a pas été exhaustif. Des données qui demandent à être confirmées par l'utilisation de nouvelles techniques d'imagerie pour réévaluer la fréquence et le rôle de l'AI chez les patients atteints d'un infarctus cérébral non fatal. L'IRM de haute résolution en est un exemple : cette technique permet d'objectiver des lésions d'AI non vues par les techniques habituelles d'imagerie de luminographie, comme l'angiographie par résonance magnétique (4). L'AI, qui est probablement sous-estimée et sous-diagnostiquée, devrait être systématiquement recherchée dans le bilan étiologique d'un infarctus cérébral.
* Service du Pr Pierre Amarenco, hôpital Bichat - Claude-Bernard, Paris.
(1) North American Symptomatic Carotid Endarterectomy Trial Collaborators. Beneficial effect of carotid endarterectomy in symptomatic patients with high-grade carotid stenosis. N Engl J Med 1991; 325:445-53.
(2) Gongora-Rivera F, Labreuche J, Jaramillo A, Steg PG, Hauw JJ, Amarenco P: Autopsy prevalence of coronary atherosclerosis in patients with fatal stroke. Stroke 2007; 38:1203-10.
(3) Mazighi M, Labreuche J, Gongora-Rivera F, Duyckaerts C, Hauw JJ, Amarenco P: Autopsy prevalence of intracranial atherosclerosis in patients with fatal stroke. Stroke 2008;
39:1142-47.
(4) Klein IF, Lavallee PC, Schouman-Claeys E, Amarenco P: High-resolution MRI identifies basilar artery plaques in paramedian pontine infarct. Neurology 2005; 64:551-2.
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