« La prévalence est estimée selon certaines études de 2 à 4 % chez les personnes âgées de 60-75 ans en ville et supérieure à 10 % chez les plus de 80 ans. Des chiffres probablement sous-évalués puisque ces études ne prennent pas en compte tous les critères de la HAS (2007) pour évaluer la dénutrition, explique le Pr Bruno Lesourd (Hôpital Nord, CHU de Clermont-Ferrand, France). En fait, la prévalence semble plus proche du double compte tenu des enquêtes réalisées plu récemment en maisons de retraite avec les critères HAS. »
En pratique, le dépistage de la dénutrition est recommandé chez toutes les personnes âgées et doit être réalisé au minimum une fois par an en ville, à l’admission puis une fois par mois en institution et lors de chaque hospitalisation.
Des situations à risque
Certaines situations à risque de dénutrition sont bien connues : isolément, entrée en institution, cancers, pathologies digestives, mauvais état dentaire, syndrome dépressif, maladie d’Alzheimer… Mais il faut aussi y penser en cas de pathologies infectieuses ou inflammatoires chroniques, de fracture entraînant une impotence fonctionnelle, d’escarres, de régimes restrictifs (diabétique, hypocholestérolémiant) ou de prise de médicaments entraînant une sécheresse de la bouche, une modification du goût ou favorisant des mycoses buccales.
En ce qui concerne le poids, il est recommandé de peser les personnes âgées régulièrement (en ville à chaque consultation et en institution au moins une fois par mois). C’est une méthode simple et efficace. Il n’est absolument pas normal qu’une personne âgée perde du poids. « Le patient n’a pas forcément besoin de se déshabiller. Il suffit qu’il enlève son manteau et ses chaussures. » précise le Pr Bruno Lesourd.
Des signes visibles
Un autre critère consiste à voir si le patient flotte dans ses vêtements. Si le médecin généraliste connaît bien son patient, il peut facilement être alerté par de petits signes : fatigue, perte d’équilibre à la marche… qui peuvent être liés à une pathologie, mais aussi à un problème nutritionnel sous-jacent.
Il faut également surveiller le comportement alimentaire. Il suffit pour cela de demander à son patient ce qu’il a mangé la veille au soir « car c’est généralement le soir que la personne âgée ne mange pas assez (un potage, un fromage…) », précise Bruno Lesourd. Si le médecin se rend au domicile du patient, il peut ouvrir le réfrigérateur : « s’il est plein c’est le signe que la personne ne mange pas, s’il est vide, le signe qu’elle ne fait pas ses courses », illustre-t-il.
Poser le diagnostic
La diminution de la prise alimentaire et une perte de poids récente doivent alerter le praticien. Le diagnostic de la dénutrition repose sur la présence d’un ou plusieurs des critères suivants :
. perte de poids ≥ 5 % en un mois ou ≥ 10 % en six mois.
.IMC < 21 kg/m2 (cependant un IMC ≥ 21 n’exclut pas le diagnostic de dénutrition en cas de surpoids voire d’obésité avec perte de poids).
.albuminémie inférieure à 35 g/l (l’hypoalbuminémie n’est pas spécifique de la dénutrition et elle peut être observée dans de nombreuses situations pathologiques indépendantes de l’état nutritionnel, en particulier en présence d’un syndrome inflammatoire. La HAS recommande donc de l’interpréter en tenant compte du dosage de la protéine C réactive).
« Le questionnaire MNA (Mini Nutritionnal Assessment MNA) est un bon outil. Malheureusement, il faut reconnaître qu’en pratique, cela prend du temps et que peu de médecins le font. De toute façon, le poids, l’IMC, le repas du soir, l’albuminémie et la CRP suffisent à renseigner le généraliste. » conclut le Pr Bruno Lesourd.
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