La proposition de loi sur la recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires - qui remplace le régime d’interdiction assorti de dérogation par un régime d’autorisation encadrée - sera examinée en séance publique à l’Assemblée nationale le jeudi 28 mars, après le vote du Sénat en décembre dernier. La commission des affaires sociales, présidée par la députée PRG Dominique Orliac, l’a adopté ce mercredi 20 mars. « Cette avancée est logique, je peux comprendre qu’il y ait eu interdiction pendant quelques années, cela a permis de voir qu’il n’y avait pas de dérives ni en France, ni ailleurs. Il est temps de franchir le pas de l’autorisation », a déclaré Jean-Louis Touraine, député socialiste.
La réforme de la loi de bioéthique en faveur de l’autorisation de la recherche sur les embryons humains est plébiscitée par plusieurs scientifiques comme le Pr Philippe Menasché, directeur de l’unité de thérapie cellulaire en pathologie cardiovasculaire de l’hôpital Georges Pompidou, Marc Peschanski, directeur scientifique d’I-Stem (Évry), ou encore le gynécologue-obstétricien René Frydman. Selon eux, le régime actuel d’interdiction avec dérogation est mal compris à l’étranger et représente un frein à l’innovation thérapeutique en France.
Persistance de l’opposition
Une dizaine de députés UMP, Philippe Gosselin en tête, dénoncent une « réforme en catimini ». « Ce n’est pas un projet de loi (présentée par le gouvernement, NDLR) mais une proposition de loi (du RDSE, NDLR), le Sénat l’a fait voter dans une niche parlementaire, les auditions de la commission des affaires sociales se sont déroulées lors de la vacance parlementaire... Alors que la loi de bioéthique du 7 juillet 2011 demande des États Généraux pour la modifier. C’est une offensive libertaire qui s’attaque aux fondements de la société », dénonce le député de la Manche. Au-delà de l’aspect politique, ce sont des arguments scientifiques et juridiques que Philippe Gosselin souhaite faire entendre, en invitant le Pr Alain Privat, neurobiologiste et ancien directeur de recherche à l’INSERM, et Bertrand Mathieu, professeur de droit constitutionnel à la Sorbonne.
Selon le Pr Privat, l’utilisation d’embryons humains n’est plus nécessaire. En terme d’embryologie (recherche sur le développement de l’embryon), « 95 % des travaux sont menés sur des modèles animaux, comme ceux de l’Académicienne Nicole Le Douarin sur la caille et le poulet ».
Lorsque ces modèles atteignent leurs limites, les chercheurs peuvent depuis 2004 avoir recours au système de dérogation. « Chaque année, une vingtaine de dérogations sont accordées par l’agence de biomédecine. Ces recherches pourraient aussi être pratiquées sur des primates, mais cela a un coût », souligne le Pr Privat. Une telle recherche sur l’embryon humain « sera de plus en plus rare grâce à l’accumulation des connaissances », prédit-il.
Cellules souches adultes (iPS)
Selon lui, les recherches sur les cellules souches, utilisant les cellules iPS (cellules souches adultes inductibles), élaborées grâce aux travaux du Pr Yamanaka, prix Nobel de médecin 2012, seraient plus intéressantes que les cellules embryonnaires. Ces cellules possèdent en effet la même capacité à se multiplier et à se différencier et ouvrent en outre la voie à la médecine personnalisée, comme le montre un premier essai clinique au Japon sur la DMLA.
« Les cellules iPS coûtent cher. Avec les cellules embryonnaires, l’industrie pharmaceutique souhaite aller au plus rapide, mais cette loi conduirait à l’abandon des principes humanistes », estime le neurobiologiste, qui y voit la porte ouverte à des « embryons médicaments », à l’eugénisme, et au clonage thérapeutique et reproductif. Sans compter qu’avec la vitrification qui diminue les embryons surnuméraires (actuellement 150 000 dans les SECOS), une filière de production dédiée pourrait voir le jour, craint-il.
Pour le Pr Bertrand Mathieu, passer d’un régime d’interdiction avec dérogation à l’autorisation conduirait à nier le principe de dignité qui s’applique aujourd’hui à l’embryon. « On transforme alors l’embryon en chose, en matériau ». Une continuité existe entre l’embryon, être humain, et la personne dont les droits sont protégés. La rompre consisterait à faire s’effondrer toute protection : « dès lors, il n’y a plus d’argument pour s’opposer au clonage thérapeutique ni reproductif » craint aussi le Pr Mathieu.
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