L'ANRS a été créée en 1992 pour dynamiser la recherche sur le sida, en pleine épidémie. Dès l'origine, la question de la structure la plus adaptée pour soutenir l'action sida est posée. Comme le rappelle Christian Bréchot, directeur général de l'INSERM, si c'est bien le Groupement d'intérêt public (GIP) qui a été choisi, « une intégration à l'INSERM avait déjà été envisagée ».
La discussion n'est pas nouvelle et ressurgit à chaque renouvellement de la convention constitutive établie entre les différents membres du groupement. En effet, le GIP regroupe différents partenaires : trois représentants de l'Etat (ministère de la Recherche, ministère de la Santé, ministère des Affaires étrangères) et trois établissements publics ayant une activité de recherche et de développement technologique (CNRS, INSERM et Institut Pasteur).
La convention, signée pour une durée limitée, est régulièrement discutée. Constitué à l'origine pour une durée de six ans, le groupement a déjà été prorogé, par arrêté ministériel, en 1998 et en décembre 2000, date à laquelle lui a été confiée, pour trois ans, la recherche clinique sur l'hépatite C, en raison du caractère inquiétant des coïnfections par le VIH.
C'est donc le 31 décembre 2003 que s'achève la mission de l'ANRS. Son statut et ses nouvelles missions doivent être redéfinies. Les deux groupes de travail mis en place à la demande du ministère de la Recherche, l'un chargé d'une étude sur la structure GIP, l'autre, de l'expertise scientifique, rendront leurs rapports dans le courant du mois de mars.
Et c'est dans le cadre des discussions en cours que Christian Bréchot a fait des propositions claires. Il souhaite l'intégration de l'ANRS, qui deviendrait « un institut de recherche sur le sida (INRS) ». Cette démarche, qui s'inscrit, selon lui, dans l'évolution qu'il souhaite imprimer à l'INSERM, a suscité des réactions vives, voire « passionnées », selon ses termes.
Une pétition sur Internet
Une pétition circule sur Internet à l'initiative du groupe de travail interassociatif Traitements et Recherche thérapeutique regroupant huit associations de lutte contre le sida.
Dans une lettre au Premier ministre, le groupe estime que « le non-renouvellement des activités de l'ANRS dans sa forme actuelle signerait l'arrêt de mort de la recherche française sur le sida ». Raisons invoquées : depuis sa création, l'ANRS a su uvrer pour « une recherche de qualité et reconnue au plan international l'adéquation de la recherche aux besoins des personnes séropositives (qui participent aux commissions), une approche multidisciplinaire qui fait son originalité et son efficacité, un accès en faveur de l'accès aux traitements dans les pays du Sud ».
Arguments que partage le Pr Kazatchkine, qui souligne la place que tient aujourd'hui l'ANRS en France et dans le monde. Sous l'impulsion de son prédécesseur, Jean-Paul Lévy, puis de lui-même, « la France publie 9 % des papiers qui paraissent sur le sida et est, avec l'Angleterre, en deuxième position, derrière les Etats-Unis, dans la recherche sur le sida ». De plus, ces quatre dernières années, et « c'est ma fierté et ma priorité, dit le Pr Kazatchkine, la recherche s'est développée dans les pays en développement parce que l'épidémie est clairement là ». Tout cela a été possible, selon lui, parce que « nous sommes une agence de moyens, ce qui nous permet de financer des recherches en dehors de l'ANRS, de développer des interactions entre différents domaines de recherche, de la virologie fondamentale aux sciences humaines ».
Des actions concertées
Face à ces revendications, Christian Bréchot se défend d'avoir une « attitude hégémonique et corporatiste qui consisterait à "vouloir avaler l'ANRS" ». Il comprend la crainte d'une perte de visibilité et de soutien financier que son projet a pu susciter : « Depuis maintenant deux ans, sur le mode des actions concertées de l'ANRS, pour lesquelles j'ai une appréciation très positive, l'INSERM s'attache à soutenir de façon visible et thématisée un certain nombre de priorités en santé publique. La mise en place des instituts de recherche thématisée répond à cet objectif. Et il me paraît normal qu'un soutien très fort soit maintenu pour le sida et les hépatites. »
Son souci, assure-t-il, est de stimuler la réflexion sur l'organisation de la recherche en France. Débat qui lui semble aujourd'hui « occulté ». « Doit-on multiplier les structures indépendantes qui ont du mal à développer des programmes transversaux et qui, chaque fois, recréent leur propre administration et leur propre communauté ? Ou doit-on évoluer vers un modèle inspiré de celui des Etats-Unis avec des instituts de recherche thématisés qui ont une vraie autonomie, avec des directeurs, des commissions et des programmes spécifiques. Au NIH (National Institute of Health), les centres développent de la recherche fondamentale, de la recherche clinique, des banques de tissus et des bases de données qui sont des programmes transversaux aux différents instituts. »
L'INSERM pourrait tenir ce rôle : « Il est très important de maintenir une recherche non thématisée à côté d'une recherche thématisée. Les deux ne sont pas contradictoires. »
Il rejette les arguments de ceux qui reprochent à l'INSERM de n'avoir pas une culture de la recherche clinique et de manquer de flexibilité de fonctionnement. L'activité de recherche clinique existe à l'institut, même si elle n'est pas suffisamment visible. Quant à la flexibilité, il rappelle que le « GIP ANRS n'est pas un GIP dérogatoire. Il est donc régi, comme l'INSERM, par le code des marchés. De plus, le personnel de l'ANRS vient en grande partie de l'INSERM et, à un moindre degré, du CNRS et des autres institutions. L'ANRS dépend donc totalement de ces organismes pour ses chercheurs, ses ingénieurs, ses techniciens, et pour la conduite de ses grands programmes de recherche ». Cette situation crée, à son avis, « un manque de coordination entre moyens humains et moyens financiers. C'est un facteur de manque d'efficacité ».
Un seul organisme pour les hépatites
De même le problème de la recherche sur l'hépatite C doit être posé en termes d'efficacité. « Nous sommes dans une situation bizarre dans laquelle, d'un côté, la recherche clinique et en santé publique est confiée à l'ANRS, et, de l'autre, la recherche fondamentale est conduite par l'INSERM. Je pense que les hépatites doivent être gérées par un seul organisme, INSERM ou ANRS, peu importe. Je rappelle que je suis spécialiste des hépatites B et C, et que, il y a quelques années, j'ai fait partie de ceux qui ont milité pour que les hépatites soient prises en charge par l'ANRS. »
Enfin, Christian Bréchot assure que, si l'ANRS est intégrée à l'INSERM, son souhait est que « ceux qui dépendent de l'ANRS ne s'aperçoivent pas du changement », car il veillerait à préserver le même mode de fonctionnement.
Mais il ne semble guère optimiste sur l'avenir de son projet : « La pression est forte pour que l'ANRS soit renouvelée, pour des raisons que je comprends. Il existe une volonté politique, qui va peser lourd, de ne pas faire peur à une communauté et de ne pas donner l'impression que l'on baisse la garde sur un grand problème de santé publique. » La réponse interviendra probablement au printemps.
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