Recettes, dépenses : le détail du cocktail

Publié le 30/09/2008
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Recettes: 1,4milliard de ressources nouvelles

La Sécu bénéficiera en 2009 de nouvelles recettes pour 1,4 milliard d'euros. Les complémentaires santé verront la taxe sur leur chiffre d'affaires santé revue à la hausse – de 2,5 % à 5,9 % – pour un rendement d'environ 1 milliard d'euros. Cette taxe est censée compenser le transfert de charges des organismes complémentaires vers le régime obligatoire, sous l'effet de l'augmentation du nombre de personnes en affection de longue durée (ALD). Cette mesure avait été annoncée dans le cadre du plan de redressement en échange d'une plus grande implication des complémentaires dans le dialogue conventionnel (optique, dentaire). Le gouvernement a en revanche décidé de prendre des «mesures minimales sur les niches sociales au nom de l'équité du prélèvement social». Quelque 400 millions d'euros proviendront d'un nouveau «forfait social» de 2 % à la charge des employeurs, sur les sommes versées au titre de l'intéressement, de la participation, de l'épargne d'entreprise (PEE et PERCO) et de la retraite supplémentaire. Outre ces recettes nouvelles, la Sécu bénéficiera d'une augmentation du transfert de la branche accidents du travail/maladie professionnelle (AT/MP) vers la branche maladie au titre de la sous-déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles. Cette disposition rapportera 300 millions d'euros. ,Enfin, le gouvernement maintient la taxe de 1 % sur le chiffre d'affaires des laboratoires pharmaceutiques. Créée en 2004, cette taxe avait été fixée à 0,6 % avant d'être augmentée en 2007.

Abus et fraudes dans la ligne de mire

Après avoir mis en place en avril 2008 une délégation nationale de lutte contre la fraude, le gouvernement entend changer de braquet en matière de fraude à l'assurance-maladie en instaurant des peines planchers. En cas de facturation d'actes fictifs, de trafic de médicaments ou de fraude en bande organisée, des peines planchers seront créées comme en matière de travail illégal. Elles correspondront à 1/10e du plafond mensuel de la sécurité sociale soit environ 270 euros, pour un assuré et à un un demi-plafond mensuel de la Sécurité sociale, soit environ 1 350 euros, pour un professionnel ou un établissement de santé. Les sanctions financières seront proportionnées au montant de la fraude et au type de fraudeur. Le montant du plafond, fixé à 5 500 euros quelle que soit la gravité de la fraude, sera maintenu pour les assurés. Pour les autres fraudeurs, l'amende représentera le double du montant de la fraude. La pénalité pour fraude en bande organisée sera encore majorée à 300 % du montant de l'indu.

Assurés: le hors-parcours surtaxé!

Plutôt qu'une contribution supplémentaire de l'ensemble des assurés via une hausse modérée du ticket modérateur, le gouvernement a choisi de pénaliser fortement la minorité de patients « non vertueux » (ceux qui n'ont pas de médecin traitant ou ne respectent pas le parcours de soins). Ces usagers récalcitrants verront leur ticket modérateur «augmenter de 20points», ce qui est une façon claire de surtaxer le hors-piste. Les consultations hors parcours de soins, déjà remboursées à hauteur de 50 % seulement depuis septembre 2007 (contre 70 % pour le régime commun), ne seraient prises en charge qu'à 30 %... Dissuasif.

ONDAM (+3,3%): un «réalisme» au parfum de rigueur

Pas de surprise : le chiffre toujours attendu et commenté de l'objectif national de dépenses d'assurance-maladie (ONDAM, ventilé en plusieurs sous-objectifs) avait filtré avant l'annonce officielle (« le Quotidien » du 29 septembre). En fixant ce taux global en progression de 3,3 % – dont 3,1 % pour la ville, 3,1 % pour l'hôpital et 6,3 % pour les établissements médico-sociaux –, le gouvernement fait preuve d'habileté dans l'affichage. Il peut ainsi revendiquer un objectif à la fois «réaliste» (ce taux de 3,3 % est égal à celui qui devrait être effectivement constaté en 2008 et il est supérieur à la prévision de croissance) et «équilibré» (la ville et l'hôpital étant logés à la même enseigne). «Cela permet de financer la modernisation des établissements et des plans de santé publique», argumente Roselyne Bachelot. Pour autant, ces objectifs ne satisferont ni les médecins libéraux, qui espéraient des marges de manoeuvre beaucoup plus importantes dans le cadre des négociations conventionnelles en cours, ni le secteur hospitalier dont la quasi-totalité des établissements sont dans le rouge. Cette progression de 3,3 % suppose des économies de 2,2 milliards d'euros.

Culture de la performance pour l'hôpital

Déjà poussés à l'efficience par le biais du plan Hôpital 2012 (soutien à l'investissement sous conditions) et bientôt par celui de la future loi Bachelot (coordination accrue entre les établissements, notamment avec les « communautés hospitalières de territoire »), les hôpitaux et les établissements médico-sociaux vont disposer d'un nouvel outil : une « agence d'appui à la performance ».

Cette structure résultera de la fusion des actuels MAINH (Mission pour l'appui à l'investissement hospitalier), MEAH (Mission nationale d'expertise et d'audit hospitaliers) et GMSIH (Groupement pour la modernisation de système d'information hospitalier). Elle aura un rôle d'appui et de conseil, l'idée étant qu'elle permette aux établissements, à une autre échelle et sur un autre plan que ce que feront les agences régionales de santé (ARS), «de mieux utiliser leurs ressources».

Prescriptions, actes, traitements: la HAS prend la main

Le gouvernement veut améliorer sensiblement l' «efficience» du système de soins en améliorant les comportements des prescripteurs selon une logique systématique d'efficacité thérapeutique au meilleur coût. Il a demandé à la Haute Autorité de santé (HAS) de procéder à une évaluation de la portée thérapeutique réelle des produits, de hiérarchiser les traitements, et de valider des référentiels de prescription médicamenteuse ou d'actes paramédicaux. Objectif : «prescrire mieux et à moindre coût». Première mesure forte : les «actes en série des paramédicaux, tels que les séances de masso-kinésithérapie» seront encadrés par des référentiels validés par la HAS donnant des repères précis (nombre d'actes ou de séances pour tel traitement). Des exceptions justifiées resteront possibles. Les prescriptions de médicaments coûteux inscrits sur la « liste en sus » à l'hôpital devront être homogénéisées à partir de recommandations émises par la HAS. De nouvelles recommandations de la HAS seront publiées dans un premier temps sur les hypertenseurs, les statines et les inhibiteurs de la pompe à proton (IPP). Les professionnels pourront bénéficier de logiciels d'aide à la prescription certifiés par la HAS d'ici à la fin de 2008.

Tarifs: radiologie et biologie sous surveillance

Outre le rôle beaucoup plus actif dévolu à la HAS (hiérarchisation des traitements médicamenteux, publication de référentiels, avis médico-économiques), le gouvernement entend infléchir, par des mesures directes, la consommation de soins ou les tarifs dès lors que la justification médicale est discutable ou les coûts de production excessifs.

À l'hôpital, il est proposé d'étendre à d'autres activités (non précisées) le dispositif de mise sous entente préalable déjà prévu pour la chirurgie ambulatoire (afin d'éviter les «facturations atypiques» dans certains établissements). Côté tarifs en médecine de ville, le gouvernement constate des «gains de productivité importants» ou de fortes hausses de volumes . D'où l'idée à nouveau avancée de baisses ciblées de tarifs dans certaines spécialités. Le gouvernement cite (comme l'an passé) la radiologie et la biologie.

Médicament, dispositifs médicaux: baisses de prix ciblées

Le gouvernement évoque pour 2009, d'une part, des diminutions de prix ciblées sur certains médicaments ( princeps et génériques) dans des classes thérapeutiques où les volumes sont élevés, et, d'autre part, des baisses de tarifs de certains dispositifs médicaux. Ces baisses, précise-t-on, seront négociées entre le comité d'évaluation des produits de santé (CEPS) et les professionnels.

Gouvernance: les mutuelles s'invitent aux négos...

Le gouvernement a décidé de mieux associer les organismes complémentaires à la vie conventionnelle. Le PLFSS 2009 propose de rendre obligatoire la signature conventionnelle de l'Union nationale des organismes complémentaires (UNOCAM) dans les secteurs où le financement des mutuelles et assureurs privés est majoritaire (optique, dentaire), faute de quoi l'accord ne serait pas valide. Dans le cas des discussions avec les médecins libéraux, l'UNOCAM serait associée systématiquement, si elle le demande (suppression du droit d'opposition majoritaire des syndicats médicaux), mais un refus de signature des complémentaires ne bloquerait pas l'accord.

En revanche, un délai supplémentaire de mise en oeuvre serait instauré.

> C. D., CH. G ET K. P.

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8430