DE NOTRE CORRESPONDANT
L'INCERTITUDE et l'incompréhension planent sur l'hôpital de Quimperlé où chacun s'interroge. Que va devenir l'aile B destinée jusqu'à cet été à la chirurgie digestive ? En quoi sera reconvertie l'aile C qui reste consacrée à la chirurgie orthopédique apriori jusqu'à décembre ? Les femmes qui vont accoucher désormais sur Lorient pourront-elles encore à l'avenir poursuivre leur séjour dans ce qui était la maternité de Quimperlé, transformée depuis juillet en centre périnatal avec suites de couches ? Le nouveau pôle mère-enfant, ouvert récemment à Lorient et distant d'une vingtaine de kilomètres, sera-t-il un jour engorgé puisque les femmes vont y venir des secteurs de Concarneau, de Hennebont, désormais de Quimperlé et, peut-être demain, de Carhaix ? A quel service vont être affectés les salariés concernés par les restructurations ?
Même le maire de la ville, également chef de service à l'hôpital, doit se contenter de ce jeu de questions sans réponses. «Maintenant que la chirurgie digestive et que la maternité ont fermé, que vont devenir les urgences assurées 24heures sur24?», se demande le Dr Daniel Le Bras. «Tout cela est déstabilisant pour un hôpital général car tout est lié, précise-t-il, avant d'expliquer : L'existence d'une maternité, qui réalisait environ 500accouchements par an, permettait d'avoir une équipe complète avec des anesthésistes et des chirurgiens digestifs. Ces derniers donnaient des avis aux urgentistes. Leur disparition entraîne une diminution de la qualité des soins des urgences. Idem demain avec la fermeture programmée de la chirurgie traumatologique. Le recours aux anesthésistes ne sera plus nécessaire. Ce qui fragilisera encore davantage les urgences. Sans compter que, dans cette situation, les urgentistes ne se sentent plus suffisamment épaulés. Si les urgences disparaissent, cela sera grave pour la population dans ce secteur plutôt rural et compte tenu des problèmes liés à la permanence des soins.» Si ce scénario venait à être concrétisé, d'autres questions ne manqueront pas d'être posées alors. Par exemple : pourquoi avoir construit un nouveau bâtiment tout juste achevé avec des lits de courte durée et des lits de surveillance continue, tous rattachés aux urgences ? Inutile de dire que le sentiment d'une mutation en marche forcée serait encore un peu plus prononcé.
En réalité, les cartes de la restructuration hospitalière désormais engagée à Quimperlé, si elles n'ont pas été abattues avant cet été, semblaient être connues de l'ensemble des acteurs sans que ces derniers n'aient accepté de jouer la même partie. C'est en tout cas ce que pense Jeanne Le Guyader, présidente du collectif de défense de l'hôpital créé en août 2005 mais aujourd'hui en sommeil : «Excepté au tout début, avec notre première manifestation en septembre 2005, les syndicats, les élus et la communauté médicale n'ont pas agi dans la même direction car ils se sont laissé bercer par l'ARH qui promettait d'accompagner la restructuration, ce qui signifiait fermer la chirurgie et la maternité.» Un syndicat a estimé que le collectif lui faisait de l'ombre auprès des salariés. Un autre aurait suivi les directives de l'instance départementale et a fini par démissionner du collectif. Peu d'élus ont rejoint le collectif ou bien, quand ils l'ont fait, c'était à titre personnel. Les médecins auraient préféré miser sur les projets de réorganisation. Sans parler du personnel peu présent ou totalement absent (comme le personnel de la maternité) dans les cortèges ou aux assemblées générales. «C'est regrettable qu'il n'y ait pas eu de mobilisation forte, comme cela a été le cas à Saint-Affrique, souligne Jeanne Le Guyader , car, on voit bien aujourd'hui la limite de cette volonté d'“accompagner la restructuration” , le maître mot de l'ARH, avec une réorganisation qui se fait au coup par coup, sans vision d'ensemble, et une perspective pour nous certaine de voir se poursuivre le phénomène de cascade: hier, la chirurgie et la maternité; demain, les urgences et ensuite la médecine!» Cela en serait alors terminé de l'hôpital général tel qu'il a été conçu à la fin des années 1970 après qu'il a été construit pour être au départ un sanatorium. Parmi les projets qui devraient ainsi matérialiser la mue de l'établissement local, celui, innovant, de gérontopsychiatrie devrait aboutir à la fin de cette année. D'ailleurs, le Dr Thierry Bonvalot, chef de service en psychiatrie de l'hôpital de Quimperlé et initiateur du projet, parle volontiers de «mutation» dans le cadre d'une «recomposition hospitalière». «Au-delà des regrets et des souffrances, le plus important est bien que l'hôpital continue de vivre, considère celui qui a été président de la CME jusqu'en janvier 2007. Tout le monde pouvait faire aisément le diagnostic de la fragilité d'un système: des recrutements rendus difficiles dans certaines spécialités, entre autres chez les gynécologues, la présence d'établissements devenant de plus en plus gros et des enveloppes financières limitées. De plus, certaines activités de chirurgie ne faisaient pas le plein. Avec, en parallèle, des problématiques de santé publique nouvelles. Nous savions qu'il y aurait recomposition, mais pas sous quelle forme. Mais, fondamentalement, on n'a pas raisonné en se disant que l'on prendrait la place de la maternité. D'ailleurs, en tant que président de CME, j'ai toujours défendu la chirurgie et la maternité.»
L'argument sécuritaire.
Il aura fallu qu'un décès d'une patiente prise en charge initialement à Quimperlé intervienne au cours de son transfert de Lorient à Rennes, mais soit imputé à l'équipe locale pour que le processus de restructuration actuelle s'engage. «Une enquête administrative a été menée par des médecins de santé publique –ce qui est contestable– et a porté sur l'organisation globale de la chirurgie, explique le Dr Daniel Le Bras. Il a été reproché de ne pas avoir suivi un protocole adapté, sans que l'on voit de quel protocole il s'agit. En réalité, et tous mes collègues maires confrontés à ce type de procédé le disent, on disqualifie une activité en disant qu'elle est dangereuse. La population se pose alors des questions.Dans cette situation, les praticiens cherchent alors à partir, ce qui n'arrange rien étant donné le contexte de démographie médicale que l'on connaît.» Mais le maire a aujourd'hui un autre sujet de préoccupation : les menaces qui pèsent sur le tribunal d'instance de la ville. «Ce sont toujours les populations les plus en difficulté qui pâtissent de la fermeture de ces services de proximité», souligne Daniel Le Bras.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature