« Aujourd'hui, un gynéco-obstétricien doit faire 100 accouchements pour payer son assurance, ça n'est plus tenable. » Le Dr Jean Marty ne veut plus voir ses confrères abandonner sa spécialité. Cet élu de l'URML de Midi-Pyrénées (union régionale des médecins libéraux), épaulé par un professeur de droit, a élaboré un projet offrant une issue à la crise.
Soutenu et repris par la Conférence nationale des présidents des URML, le projet, baptisé « Réconcilier droit et soins », a été présenté aux pouvoirs publics le 12 septembre lors d'une table ronde en présence des assureurs. Quinze jours sont passés, et le gouvernement n'a encore rendu aucun avis. Jugeant inacceptable la hausse des primes annoncée pour 2004, le Dr Marty implore les pouvoirs publics de prendre rapidement une décision. Car son projet ne peut voir le jour sans une modification importante de la loi.
Son idée est la suivante : « Je propose de contourner le système actuel en instaurant une nouvelle garantie relevant de la solidarité, cogérée par les usagers, les médecins et la CNAM (Caisse nationale d'assurance-maladie) , à l'intérieur de l'ONIAM (Office national d'indemnisation des accidents médicaux) , mais dans une deuxième section créée spécialement à cet effet par une nouvelle loi. » Cette deuxième section couvrirait la quasi-totalité des préjudices subis par les patients en cas de fautes médicales en dehors des fautes inexcusables et intentionnelles, à côté de la première section prévue seulement pour prendre en charge les dommages les plus graves dus aux risques nosocomiaux et aux aléas thérapeutiques.
Le financement de cette sorte d'assurance nationale serait triple : y participeraient les médecins, les usagers et l'assurance-maladie. « L'instauration d'une péréquation permettrait de répartir les risques entre les différentes spécialités, dit le Dr Marty. Je pense qu'une cotisation de 5 000 euros pour les spécialités les plus à risque suffirait à couvrir tous ces risques. » Les usagers, eux, pourraient abonder le fonds sous forme d'un forfait risque médical, comme l'a suggéré le rapport Domergue sur la chirurgie. Son montant reste à définir. Quant à la CNAM, sa participation supprimerait son droit de recours subrogatoire contre les praticiens (sauf en cas de faute intentionnelle et inexcusable).
Les fautes intentionnelles et inexcusables restent « à la charge exclusive et entière des médecins » et seraient comme aujourd'hui couvertes par les assureurs privés habituels. Pour un coût modique, imagine le Dr Marty. « Car il n'est pas fréquent de se tromper d'organe ou de refuser de venir après avoir été appelé, explique-t-il. En fait, je me suis inspiré des médecins hospitaliers : ils payent très peu d'assurance, 300 euros par an en moyenne, car seules les fautes inexcusables sont à leur charge. Pour eux, la solidarité joue à chaque fois que la part des responsabilités est difficile à établir. » Ce système qui réduit à peau de chagrin le rôle des assureurs ne les fâchera nullement, « car la responsabilité civile médicale ne les intéresse pas », affirme le Dr Marty.
Création d'une assurance nationale fondée sur la solidarité, limitation de l'assurance classique à la faute intentionnelle : « Voici l'unique solution capable de faire fondre durablement nos primes en RCP », estime le Dr Jacques Caton, président de l'URML Rhône-Alpes et président du SNCO (Syndicat national des chirurgiens orthopédistes). Le projet a également tout le soutien du SML, qui exige cependant certains garde-fous. « On veut un plafonnement des indemnisations versées aux patients pour pouvoir contenir le montant des primes que les médecins paieront à la deuxième section de l'ONIAM », demande le président du Syndicat des médecins libéraux (SML), le Dr Dinorino Cabrera.
Mais le projet ne fait pas l'unanimité au sein de la profession. Le Dr Serge Laruë-Charlus, qui préside l'Association de gestion du risque médical (AGRIM), est, « comme la CSMF », « tout à fait opposé à cette démarche ». Pourquoi ? « Parce que l'ONIAM est un organisme d'Etat financé par la Sécurité sociale : organiser notre RCP au sein de l'ONIAM, c'est quelque part se subordonner à la Sécurité sociale. Avec le centralisme qui existe en France, c'est impossible d'imaginer une deuxième section de l'ONIAM indépendante. » Un argument que rejette aussitôt le président du SML : « Il n'y a pas de dépendance à la Sécu dès lors que la contribution des caisses à la deuxième section de l'ONIAM se fera par voie législative, en dehors de tout accord conventionnel .»
L'inquiétude du Dr Cabrera est ailleurs : « Ce dossier n'avance pas à la vitesse souhaitée. On a déjà perdu un an. Les modifications législatives nécessaires peuvent se faire dans des délais rapides, en s'accrochant au PLFSS 2004, par exemple. Mais je crains que le gouvernement reporte cette décision à l'an prochain, en même temps que la réflexion sur la réforme de l'assurance-maladie. C'est pourquoi je vais prendre une décision dans moins de dix jours en vue d'une éventuelle mobilisation syndicale. »
Le Dr Jean Marty est conscient que le temps presse. « J'aimerais que ce dispositif fonctionne au 1er janvier 2005. Il faudra un palliatif en 2004 ; pourquoi pas une reconduction de la prise en charge du surcoût par les caisses pour les spécialistes de secteur I dont la prime RCP dépasse 1 000 euros. »
Le projet est également soutenu par la Fédération de l'hospitalisation privée (FHP), qui demande, pour sa part, un taux important de reconduction des moyens des cliniques pour 2004, leur permettant de faire face au surcoût engendré par la hausse des primes.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature