LE QUOTIDIEN
Les assureurs s'engagent à mettre en place un pool de réassureurs et à prolonger de six mois au maximum les contrats du GTAM pour laisser au BCT le temps de traiter tous les dossiers. En revanche, rien n'indique qu'ils seront plus nombreux l'an prochain à assurer la RCP. N'êtes-vous pas inquiet ?
JEAN-FRANÇOIS MATTEI
Les professionnels et les établissements de santé ont fait état depuis plusieurs mois de leurs craintes de se trouver sans assurance à la fin de l'année. Craintes légitimes et que j'ai voulu dissiper aussi rapidement que possible. Ainsi le bureau central de tarification (BCT) - chargé d'assurer tous les « orphelins » d'assurance - a été installé au 1er semestre 2003 et l'ensemble des informations pour le saisir ont été diffusées dès le début du mois de septembre.
Les assureurs, quant à eux, ont décidé de mettre un terme à l'activité du Groupement temporaire d'assurances médicales (GTAM) mis en place fin 2002 pour assurer les non-assurés. Mais j'ai absolument tenu à ce que les assureurs s'engagent à ce que la disparition de ce dispositif transitoire ne se traduise pas par une crise comparable à celle de la fin 2002.
Je suis en mesure de vous dire aujourd'hui que j'ai obtenu à cet égard de la Fédération française des sociétés d'assurance des garanties écrites, claires et sans ambiguïté.
La FFSA m'indique que les professionnels et les établissements qui ont saisi le BCT, pour lequel le BCT n'aurait pas été en mesure de statuer au 31 décembre 2003, et qui se trouveraient donc sans assurance, même temporairement, au 1er janvier 2004, seront automatiquement assurés à cette date aux prix 2003, les assureurs ayant constitué à cette fin un pool de co-réassurance.
L'engagement de la FFSA vaut à la fois pour les professionnels et les établissements assurés auprès du GTAM en 2003 et pour ceux qui auraient directement souscrit en 2003 une assurance auprès d'une compagnie qui aurait résilié le contrat pour 2004.
Professionnels et établissements de santé doivent être rassurés sur ce point.
Voilà pour la fin de l'année. Sur le retour des assureurs, voyons d'abord d'où nous partons : la loi du 4 mars 2002 fondait sur l'assurance des professionnels et des établissements rendue obligatoire la totalité de l'indemnisation des dommages fautifs ; à la mi-2002, les deux plus gros assureurs du marché avaient déjà plié bagages et plusieurs autres s'apprêtaient à en faire autant. Grâce à la loi du 30 décembre 2002 que nous avons fait voter dans l'urgence, nous avons stabilisé la situation en rendant à nouveau assurable le marché de la responsabilité civile professionnelle. Le marché est encore convalescent et fragile mais il n'est plus condamné : le gouvernement se fondera sur les conclusions du rapport IGF-IGAS qui doit m'être prochainement remis, ainsi qu'à Francis Mer, pour apprécier si nous pouvons continuer à nous fonder sur un système d'assurance qui aurait retrouvé un fonctionnement normal.
La question du renouvellement des contrats d'assurance en 2004 semble donc en passe d'être réglée, mais le problème des tarifs, lui, reste entier. Certains médecins demandent au gouvernement de plafonner les primes fixées par le BCT (à 5 000 euros par an), ce à quoi les assureurs, attachés à leur liberté de tarification, sont formellement opposés. Allez-vous prendre une décision en ce sens ? Médecins et cliniques ne sont-ils pas condamnés à payer toujours plus ?
Le gouvernement ne peut pas fixer unilatéralement et arbitrairement - même si la mesure est limitée à 2004, et même via le BCT - le prix d'un service fourni par un agent économique privé. Il n'en a pas la compétence juridique et cela n'a aucun sens économiquement : obliger un opérateur privé à fixer un tarif de prestation en dehors de son coût économique, à supposer que cela soit juridiquement possible, reviendrait à tuer le marché et à supprimer toute offre de service.
Ou alors il faudrait que l'assurance-maladie subventionne directement et de manière pérenne la différence entre le montant de 5 000 euros et le montant de la prime qui rend cette activité économiquement viable. Faire financer une compagnie d'assurance privée par l'assurance-maladie, voilà une situation dont on voit bien qu'elle serait totalement incohérente.
Je préfère à ces propositions inapplicables l'esprit de responsabilité avec lequel les professionnels et les établissements de santé, d'une part, les assureurs, d'autre part ont réussi, au sein du BCT, à définir une grille de référence qui permet de donner une norme raisonnable de tarification, assez proche des tarifs GTAM de 2003 en l'absence de sinistre renouvelé.
A la fin d'octobre, vous avez reproché aux assureurs de « ne pas donner le sentiment de vouloir respecter les engagements qu'ils avaient pris » après le vote de la loi About. Etes-vous prêt à modifier la loi une seconde fois pour les inciter à revenir durablement sur le marché de la RC médicale à des prix acceptables ? Que pensez-vous du projet de certains syndicats médicaux, qui, pour réduire le montant des primes, voudraient créer une assurance nationale basée sur la solidarité de manière à limiter l'assurance classique à la faute inexcusable ?
Je n'ai fait qu'exprimer très exactement ce qu'était encore la situation au début d'octobre : j'ai attendu, d'abord en vain, des signaux des assureurs et j'ai clairement signifié à leur instance représentative - ainsi que mon collègue Francis Mer, chargé du secteur des assurances - qu'il y avait une ligne jaune à ne pas franchir après les dispositions législatives auxquelles le gouvernement avait consenti à la fin de 2002. Je constate avec satisfaction que le bon sens a prévalu même si je reste très vigilant pour la suite.
Quant aux divers projets, ils sont naturellement examinés avec attention mais s'il y avait une solution miracle, elle aurait d'ores et déjà été mise en uvre. Attention aux fausses bonnes idées, y compris à celles qui prétendent lutter contre la judiciarisation en taillant dans la notion de faute comme on découpe de la dentelle. La faute inexcusable en matière médicale, qu'est-ce que c'est ? Et la faute intentionnelle ? S'agit-il de transférer sur la solidarité nationale ou sur les ménages la charge des indemnisations résultant des fautes que l'on considérerait comme normales ?
Ces notions sont trop sensibles pour qu'on traite ce sujet dans la précipitation.
Quand allez-vous prendre une décision ?
Nous n'avons pas voulu légiférer dans l'urgence car, contrairement aux propositions des uns et des autres, il n'y a pas de solution clés en main ou qui s'impose de manière évidente.
C'est la raison pour laquelle j'ai souhaité avoir un diagnostic impartial de la situation. Les solutions les plus bruyamment avancées ne sont pas forcément les plus pertinentes. Les propositions de la mission IGF-IGAS nous permettront de voir les choses calmement au début de 2004.
Je précise qu'il y aura bien pour 2003 une aide à la souscription d'assurance pour les spécialités concernées par les niveaux les plus élevés de primes : les contrats de pratique professionnelle qui en sont le support et portant sur la chirurgie, l'anesthésie et l'obstétrique sont parvenus au ministère vendredi dernier seulement ; ils seront publiés dans les prochains jours. Il s'agit de la prise en charge, pour 2003, du différentiel de prime entre 2002 et 2003 pour toute prime qui aura été supérieure à 1 000 euros.
Je souhaite qu'une mesure analogue - qui résulte d'un contrat de pratique professionnelle signé entre la CNAMTS et les syndicats médicaux - soit envisagée pour 2004.
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