L a recto-colite hémorragique, on le sait, est une maladie récidivante de cause inconnue caractérisée par une diarrhée sanglante. Son traitement repose largement sur les effets anti-inflammatoires non spécifiques des aminosalicylates (mesalamine et sulfasalazine) et sur l'effet immunosuppresseur des corticoïdes et d'autres immunomodulateurs puissants.
Des données chez l'animal et chez l'homme ont mis en évidence le rôle de la microflore entérique dans la pathogénie de la RCH ; pourtant, dans des essais cliniques, les antibiotiques et les probiotiques n'ont qu'une activité limitée contre l'activité de la maladie.
Contrairement à la maladie de Crohn, peu d'essais ont été menés dans la RCH avec l'infliximab et d'autres agents biologiques.
La RCH pourrait résulter d'une exposition excessive à la flore intestinale du fait d'un défaut de la barrière muqueuse, d'un défaut de réparation de la muqueuse lésée ou des deux. Plusieurs facteurs de croissance sont impliqués dans la préservation de la fonction barrière et de l'intégrité de la muqueuse colique. Parmi eux, l'EGF (Epidermal Growth Factor), qui a été le plus étudié.
Pourquoi les animaux lèchent leurs plaies
L'EGF a été isolé en 1962 dans les glandes salivaires de souris. Des études chez l'animal et chez l'homme suggèrent qu'il a un rôle fondamental dans la cicatrisation orale et intestinale ; sa haute concentration dans la salive constitue une base scientifique qui permet d'expliquer pourquoi les animaux lèchent leurs plaies.
Puissant peptide mitogène, l'EGF est produit non seulement par les glandes salivaires mais aussi par les glandes de Brunner duodénales. Des travaux préliminaires chez l'homme suggèrent que l'EGF humain en topique favorise la cicatrisation cutanée et que l'EGF systémique est bénéfique contre l'entérocolite nécrosante du nouveau-né.
Il était licite de tester l'EGF humain en lavements chez des patients ayant une forme distale active : RCH gauche ou proctite ; c'est ce qu'ont fait des chercheurs du Royaume-Uni et de Cuba (Atul Sinha et coll.) dans le cadre d'un essai en double aveugle chez 24 patients (12 dans le groupe EGF et 12 dans le groupe placebo). Pour être certain que tous les patients bénéficiaient d'un traitement actif, ils ont reçu une préparation de mesalamine.
Les patients étaient évalués (clinique - avec le score de St Mark -, recto-sigmoïdoscopie, histologie) à l'entrée de l'étude, à deux semaines et à douze semaines. A quatre semaines, les patients en rémission revenaient à leur traitement initial.
Les lavements (soit 5 μg d'EGF dans 100 ml de gélatine modifiée, soit gélatine seule comme placebo) étaient autoadministrés une fois par jour pendant quatorze jours, au coucher, en décubitus dorsal ; les patients devaient garder la préparation le plus longtemps possible puis se tourner de chaque côté pendant quinze minutes pour assurer un contact maximal entre le lavement et la muqueuse.
A la fin des deux semaines de lavements, les 12 patients du groupe EGF (contre seulement 2 des 12 du groupe placebo) avaient une baisse significative du score clinique de St Mark (p = 0,005) et du score d'activité de la maladie (p < 0,001).
Rémission
Si elle est définie par un score de St Mark de 4 ou moins, une rémission a été obtenue chez 10 des 12 patients sous EGF (contre 1 sur 12 sous placebo) ; définie par un index d'activité de la maladie de 0 ou 1, elle a été obtenue chez 4 patients sous EGF (contre 0 sous placebo) ; enfin, définie par un score simplifié des symptômes à 0, elle a été observée chez 10 des 12 patients sous EGF (contre 1 des 12 sous placebo).
Aucun effet secondaire n'a été noté sous EGF.
Au bout de douze semaines, on n'a pas observé de manifestation clinique de rechute précoce chez les patients ayant eu une rémission sous EGF.
« Nous avons observé qu'un lavement quotidien à l'EGF induit une rapide amélioration d'une RCH active localisée à gauche ou d'une proctite, lorsqu'il est administré avec de la mesalamine orale », concluent les auteurs. « Cette étude apporte des données préliminaires suggérant que les lavements sont un traitement efficace pour la RCH localisée à gauche. »
« Bien que les résultats soient impressionnants, tempère un éditorialiste, nous devons être prudents dans l'interprétation des résultats. » Cela en raison, notamment, du petit nombre de patients inclus dans l'étude et de l'utilisation d'un score non validé qui empêche la comparaison avec des travaux antérieurs.
«New England Journal of Medicine » du 24 juillet, pp. 350-357 et 395-397.
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