LE QUOTIDIEN - Avec un peu de recul, comment analysez-vous la décision du Medef de ne pas renouveler ses administrateurs dans les organismes de Sécurité sociale ?
Raymond SOUBIE - C'est une réaction classique. Depuis des mois, le Medef considère que le paritarisme ne peut durer que s'il a un véritable contenu, autrement dit si l'Etat ne prend pas toutes les décisions à la place des partenaires sociaux. A cet égard, le prélèvement imposé à la Sécurité sociale dans l'affaire des 35 heures, contre l'avis des conseils d'administration des caisses, a été uniquement la goutte d'eau. Le patronat s'est saisi de cette opportunité pour réagir, mais l'attitude de l'Etat à l'égard des régimes paritaires n'est absolument pas nouvelle. Le Medef veut aujourd'hui instaurer un nouveau modèle de relations sociales.
La décision du patronat semble avoir une première conséquence : Lionel Jospin a décidé de lancer, dès cette semaine, « sa » refondation sociale.
La menace du Medef est une menace en demi-teinte. Le patronat a dit qu'il ne nommerait pas d'administrateurs dans les caisses de Sécurité sociale à l'occasion du renouvellement du 30 septembre. Mais, en fait, il ne se retire pas formellement. Il a laissé une porte ouverte. Et le gouvernement, on le voit très bien, a aujourd'hui l'intention, dans la foulée des entretiens entre Lionel Jospin et les partenaires sociaux, d'ouvrir sans tarder le chantier de la démocratie sociale, de la négociation collective et des relations entre l'Etat et les régimes paritaires. Le gouvernement a donc, cette fois, bien senti la grogne des partenaires sociaux, qui ne se sentent plus du tout consultés depuis des années. Comme le risque politique est grand, il décide aujourd'hui de mettre un peu d'huile.
Ouverture
La décision soudaine du gouvernement de convier les syndicats de salariés et le Medef au « Grenelle de la santé » du 12 juillet est-elle une porte de sortie ?
Bien sûr. Aujourd'hui, l'intérêt du gouvernement, comme celui des syndicats et du Medef, c'est de conserver le paritarisme, mais avec une répartition des rôles beaucoup plus claire. Le lancement du chantier de la démocratie sociale est une ouverture, le « Grenelle de la santé » élargi aussi.
La CNAM peut-elle être déstabilisée par le départ du Medef ?
Il n'y a aucune conséquence immédiate pour les assurés sociaux et les praticiens. En revanche, la présidence de la CFDT, qui ne tient que grâce aux représentants du Medef, est fragilisée. C'est un paradoxe, mais la principale victime de cette affaire, c'est la CFDT qui est l'organisation avec laquelle le patronat entretient les moins mauvaises relations.
Que veut exactement le Medef lorsqu'il presse Lionel Jospin d'engager une négociation tripartite (employeurs, syndicats, gouvernement) pour refonder la Sécu ?
Je ne crois pas que le Medef ait des positions extrêmement marquées sur la réforme de l'assurance-maladie. Il soutient plutôt les propositions de la Caisse nationale d'assurance-maladie ; mais il ne plaide pas, par exemple, pour la privatisation du système, qui est politiquement non viable. A mon avis, le problème actuel du Medef est beaucoup moins le contenu des mesures que la méthode de discussion et la non-prise en compte des propositions des partenaires sociaux par le gouvernement. A cet égard, le Medef n'a toujours pas supporté que Martine Aubry, à l'époque, balaye le plan Johanet de réforme de l'assurance-maladie (du nom du directeur de la CNAM) sans répondre sur le fond.
Quel geste fort le gouvernement peut-il faire pour calmer le jeu ?
Pour l'instant, la seule mesure consiste en une clarification des rôles entre l'Etat et les partenaires sociaux au sein de l'assurance-maladie. Toutes les autres mesures seront difficiles à mettre en uvre avant la présidentielle.
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