Rossini sur DVD

Raretés rossiniennes

Publié le 12/10/2008
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EN 1981, Jean-Pierre Ponnelle reprenait pour Unitel sa production de 1973 de la très mozartienne «Cenerentola» réalisée à la Scala de Milan. Beaucoup plus cinématographique, mais toujours proche des bonnes ficelles du théâtre, cette version est magnifique de didactisme et de clarté avec des interprètes exceptionnels comme Frederica von Stade qui, quoique moins bien chantante, avait repris le flambeau du rôle des mains de Teresa Berganza (avec qui elle alternait en 1977 à l'Opéra de Paris), Francisco Araiza en Prince et surtout les excellents Paolo Montarsolo (Don Magnifico) et Claudio Desderi (Dandini). Comme à Milan, c'est Claudio Abbado qui dirige le magnifique ensemble scaligere (1).

Il est dommage que le seul témoignage disponible de la «Cenerentola» de Cecilia Bartoli soit dans une production un peu grimaçante, jouant la carte buffa sans nuances, du Houston Grand Opera. Bartoli tient là son meilleur rôle rossinien car la personnalité bonne et simple d'Angelica semble se superposer à sa nature propre. Le chant est superlatif, à la fois par la chaleur et les ornements plus riches qu'habituellement, la mezzo italienne recelant des trésors de virtuosité. Ses partenaires (Enzo Dara, Alessandro Corbelli, Raúl Giménez) ne sont pas au même niveau mais tout de même bons, et la direction de Bruno Campanella scintille le plus théâtralement possible (2). Encore Cecilia Bartoli dans « le Turc en Italie » mais pour un rôle qui lui sied moins bien, dans lequel elle force le naturel pour essayer de se mettre à la hauteur d'un comique un peu grimaçant et caucasse qui n'est pas son style naturel. Cette production de l'Opéra de Zurich, pas très bien filmée en 2002, dans une mise en scène très basique de Cesare Lievi, ne fait rien pour essayer de donner un peu de relief a une action bien fade. Ruggero Raimondi et Oliver Widmer, bons chanteurs, restent de piètres acteurs. Non conseillé, sauf pour qui voudrait connaître la moindre note enregistrée par Bartoli (3).

Autre monstre sacré de la tradition rossinienne, la mezzo-soprano américaine Marilyn Horne. En janvier 1986, elle chantait Isabella de «l'Italienne à Alger» dans une exquise production signée J.-P. Ponnelle réalisée pour le Metropolitan Opera de New York en 1973. Maria Callas avait enregistré le rôle avec une voix plus claire, Horne le restitue dans sa tessiture originale avec l'incroyable virtuosité requise dont elle est capable. Son sens de l'humour est réel et, face au grand mais un peu vieux désormais Paolo Montarsolo en Mustafà, elle tire son rôle vers des sommets de drôlerie. Formidable aussi la direction brillante et pétillante de Levine.

Un bonus royal.

Ce DVD offre un bonus royal : une interview pleine de charme de Miss Horne sur le rôle d'Isabella, et deux extraits d'autres rôles dans lesquels elle a brillé : Dalila bien sûr, mais le rarissime et kitchissime « The Gost of Versailles », de Corigliano et Hoffman, dans lequel elle fait un numéro digne des Marx Brothers (4).

« Guglielmo Tell » n'est pas non plus le chef-d'oeuvre de Rossini. Tous les atouts semblent pourtant réunis dans ce spectacle filmé à la Scala de Milan en 1988 sous la direction du maestro Riccardo Muti. Chris Merritt, Giorgio Zancanaro et Cheryl Studer font de leur mieux en restant moins légendaires que, en leur temps, Nicolai Gedda et Montserrat Caballé (CD EMI). La production, avec ses belles vues alpestres suisses, déçoit car, quoique signée Luca Ronconi, un homme de théâtre, elle reste très sombre et bien peu dirigée. Pour fanatiques du Rossini historique (5). Beaucoup plus excitant est « Ermione », filmé en 1995 au festival de Glyndebourne, dans une mise en scène sobre de John Cox et sous la direction électrisante d'Andrew Davis. L'inspiration racinienne du drame offre à Rossini matière à de magnifiques duos, ensembles, scènes tragiques. Le rôle-titre marquait les vrais débuts internationaux d'Ana Caterina Antonacci, superbe de ligne, de timbre et de style dans un rôle semblant taillé pour sa superbe tessiture. À ses côtés, Bruce Ford et Diana Montague sont d'excellents partenaires mais c'est Antonacci et le London Philharmonic Orchestra qui font le prix de ces représentations (6).

1) 1 DVD Deutsche Grammophon/Universal.
2) 1 DVD Decca/Universal.
3) 2 DVD Arthaus Musik (distribution Integral).
4) 2 DVD Deutsche Grammophon/Universal (collection The Metropolitan Opera).
5) 2 DVD Opus Arte (distribution Codaex).
6) 1 DVD Warner Classics.

Pour amateurs du genre Grand Opéra

Pour composer « Moïse et Pharaon, ou le passage de la Mer Rouge » pour l'Opéra de Paris en 1827, Rossini a coulé dans le moule du Grand Opéra en cinq actes avec ballet obligatoire son « Mosé in Egitto », composé en 1818 pour Naples. Succès considérable, mode égyptienne postnapoléonienne oblige, mais ayant sombré dans l'oubli comme tant d'autres œuvres lyriques de cette époque. En 2003, la Scala de Milan, alors sous la direction artistique de Riccardo Muti, décida de le remonter dans l'original français. Funeste idée car le français chanté est un horrible sabir ayant autant de variétés que d'interprètes (seul le ténor Giuseppe Fillanoti, excellent dans le rôle d'Aménophis, échappe à ce désastre linguistique). La mise en scène de Luca Ronconi est d'un conventionnel achevé, le ballet un peu ridicule (avec Roberto Bolle, étoile maison pourtant) et le décor monumental, un buffet d'orgues Cavaillé-Coll fiché dans le désert, n'aide en rien. Le Moïse de Ildar Abdrazakov est grandiose et, débutait dans le rôle de Pharaon le jeune Erwin Schrott, baryton allemand aujourd'hui une des coqueluches des scènes européennes. Le travail de Muti sur l'orchestre et le Chœur de La Scala est considérable. Réservé cependant aux amateurs du genre Grand Opéra .

1 DVD TDK.

> OLIVIER BRUNEL

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8438