L'INCIDENCE de la maladie d'Alzheimer continue à croître de façon préoccupante. Pouvoirs publics et professionnels de santé sont alertés sur l'évolution épidémiologique dramatique de cette maladie chez les personnes âgées. Pourtant, diagnostic et prise en charge restent insuffisants. D'après les données épidémiologiques, seulement une démence sur deux serait diagnostiquée. La sensibilité du dépistage s'améliore avec le degré de sévérité : 33 % pour les démences légères, 46 % pour les démences modérées et 73 % pour les démences sévères. Et la maladie est souvent ignorée après 85 ans, alors que 45 % des cas de démence surviennent après cet âge.
Actuellement, environ 870 000 cas de démence sont recensés en France. Ce chiffre devrait passer à 1 200 000 en 2020, puis à 2 100 000 en 2040 si le niveau de prise en charge reste inchangé. La démence évolue vite, cinq ans en moyenne, vers une perte complète de l'autonomie. Le retentissement sur les activités quotidiennes se manifeste rapidement et s'accompagne souvent de troubles psychologiques et comportementaux. Le défaut de prise en charge de la maladie a plusieurs explications : la priorité d'autres pathologies à traiter, le déni de la maladie par les patients eux-mêmes, le manque de temps en consultation courante pour réaliser des tests cognitifs, et peut-être le manque de confiance de certains professionnels vis-à-vis de l'intérêt des traitements.
Les connaissances sur cette maladie ne cessent pourtant de s'améliorer. Des données récentes prouvent notamment l'impact de l'alimentation et des traitements sur le cours de la maladie, pour en ralentir l'évolution, au bénéfice de quelques années d'autonomie supplémentaire pour les malades.
La prévention primaire passe par l'alimentation.
Le contrôle alimentaire est très important, dès l'annonce du diagnostic. L'altération du statut nutritionnel est un facteur de mauvais pronostic. «Une perte de 5% du poids corporel en un an est prédictif de mortalité, compte tenu du risque accru de fonte musculaire, de chute, de l'augmentation du risque infectieux, d'escarres ou encore de la perte d'autonomie», précise le Pr Fati Nourhashemi. «Or plusieurs travaux menés dans les années 1990 ont montré que la perte de poids n'est pas observée uniquement dans les formes sévères mais concerne l'ensemble des malades, quel que soit leur degré de sévérité. Ce déficit nutritionnel apparaît très tôt et pourrait même précéder l'apparition de la démence», précise-t-elle.
La maladie entraîne effectivement l'atrophie du cortex temporal interne qui provoque une perte d'appétit et une modification du comportement alimentaire.
Environ 30 % des malades, atteints de degrés divers de démence, perdent plus de 4 % de leur poids corporel en un an. «Cette perte est le plus souvent liée à l'insuffisance des apports caloriques. Il faut donc mieux informer les patients sur leurs besoins nutritionnels et sur ce que cela représente en termes d'alimentation. L'augmentation de l'apport calorique n'implique pas forcément d'augmenter le volume des aliments mais surtout de privilégier des produits riches en protéines et plus riches en énergie. A ce titre, les autorités de santé ont émis des recommandations nutritionnelles spécifiques pour les patients atteints de la maladie d'Alzheimer au travers de son Programme national nutrition santé (Pnns). Il est également important de peser les malades chaque mois et de noter leur poids sur un cahier de surveillance», explique Fati Nourhashemi.
Au-delà des aspects alimentaires, les traitements médicamenteux, et notamment les anticholinestérasiques, sont parfois considérés comme en partie responsables de cette perte de poids. Or les conclusions du suivi pendant quatre ans de 511 patients inclus dans la cohorte REAL.FR n'ont pas permis de confirmer cette donnée. Aucun lien n'a été observé entre la prise médicamenteuse et la perte de poids. Il s'agissait de patients présentant une démence légère à modérée au moment de l'inclusion, vivant à leur domicile et pris en charge par un aidant informel. Plus de 85 % des patients inclus étaient traités par anticholinestérasiques. Les résultats montrent que la prise en charge thérapeutique n'aggrave en rien la perte de poids et a permis, au contraire, un meilleur suivi nutritionnel.
Convaincre les médecins de l'intérêt des traitements.
Les essais cliniques des anticholinestérasiques ont apporté la preuve de leur efficacité dans les démences légères à modérées comparativement au placebo. Le donépézil permet notamment de freiner l'évolution de la maladie. En un an, seulement 4,9 % des patients traités par donépézil avaient un déclin rapide contre 18,6 % dans le groupe placebo. En outre, la forme orodispersible permet aux patients présentant des troubles dysphagiques de poursuivre leur traitement.
Le bénéfice de ces traitements se traduit par une économie de points sur l'échelle d'ADAS-cog. «Cette échelle d'évaluation n'est pas utilisée en pratique clinique, les médecins ne savent donc pas exactement ce que représente ce bénéfice pour les malades. A ce titre, une nouvelle étude a permis de corréler l'économie de points de l'échelle ADAS-cog avec le bénéfice clinique pour les patients. Les résultats seront présentés en détails au cours du MEDEC», avance le Dr Catherine Helmer. L'étude montre notamment que l'aggravation de la maladie sur six mois se traduit par une perte de 6 points sur l'échelle d'ADAS-cog et que celle-ci est prédictive d'une démence sévère dans les deux années qui suivent.
D'après un entretien avec le Pr Fati Nourhashemi et le Dr Catherine Helmer. Session « Impact de la nutrition et des traitements au cours de la maladie d'Alzheimer », mercredi 14 mars de 13 h 45 à 15 h 15, présidée par le Pr Fati Nourhashemi, service de gériatrie, CHU de Toulouse, Inserm 558, université de Toulouse, et le Dr Catherine Helmer, Inserm U330, université de Bordeaux-II, et parrainée par les Laboratoires Eisai et Pfizer. Pour s'inscrire : www.lemedec.com ou secretariat@lemedec.com. Renseignements : 02.38.90.80.06.
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