OBJECTIVEMENT, le chef du gouvernement n'a pas beaucoup de raisons de se réjouir. Il met l'accent sur son oeuvre de réformateur, que personne ne nie, mais qui lui a coûté cher en popularité. De toutes façons, l'année 2005 ne sera pas facile : la baisse du dollar et la hausse du prix du pétrole ont entamé la croissance : la progression du produit intérieur brut (PIB) ne dépassera pas les 2,1 % en 2004, ce qui aura été insuffisant pour créer des emplois. Or ni le pétrole ni le dollar ne devraient revenir en 2005 à des niveaux plus confortables. Non seulement la majorité a perdu deux grands scrutins l'année dernière, mais le gouvernement a perdu son pari de réduire le chômage de dix pour cent.
Baisser l'IR.
Et il continue à faire d'autres paris aussi dangereux : il veut encore baisser l'impôt sur le revenu (IR) et les membres de l'équipe Raffarin affirment d'une seule voix que c'est « possible ». Certes, tout est possible, par exemple augmenter le déficit budgétaire. On voit mal pourquoi le gouvernement se cherche des quadratures du cercle alors que la conjoncture lui en offre suffisamment. C'est tout simplement que Jacques Chirac veut à tout prix tenir ses engagements électoraux de 2002. Il l'a dit, il le fait.
Finalement, M. Raffarin tire sa plus grande satisfaction de la mise sur orbite UMP de Nicolas Sarkozy. Son sourire s'accompagne d'un ouf de soulagement. Les ambitieux, dit-il en pratiquant peu la nuance, n'ont qu'à bien se tenir. Le chef du gouvernement est enfin content d'être maître chez lui, sans avoir à ramer pour rattraper un ministre agité et encombrant. L'arrangement proposé - imposé - par M. Chirac à M. Sarkozy (il a pris la tête de l'UMP, mais a dû - à son grand regret - quitter le gouvernement), convient tout particulièrement à M. Raffarin, auquel l'énigmatique et très discret Hervé Gaymard, nouveau ministre de l'Economie, ne fait pas d'ombre.
Enfin le patron.
On dirait même que le Premier ministre est enfin le patron si on n'avait le sentiment que toute sa stratégie pour 2005 a été conçue par le président de la République. Mais au moins revient-il dans des normes acceptables. Il est logique qu'il obéisse à son chef hiérarchique, il était étrange qu'il eût à se battre en permanence contre un des membres de son équipe.
Si le Premier ministre se découvre un horizon d'un an, les Français ont moins de raisons de se réjouir : ils ont rouspété contre les réformes, mais le vrai malheur vient de ce que les réformes sont inachevées ou incomplètes et qu'elles ne rétabliront pas de sitôt les équilibres fondamentaux ; une éventuelle diminution de l'impôt sur le revenu profitera plus aux classes supérieures qu'aux pauvres ; les prix des services augmentent ; et le manque de confiance dans l'avenir perpétue le chômage ; fait le plus troublant, ces entreprises auxquelles on a fait tant de concessions croient si peu à la croissance qu'elles ont réduit leur effort d'investissement, facteur principal de recrutement.
ON N'A TOUJOURS PAS DIT AUX FRANÇAIS POURQUOI LA CROISSANCE EST AUSSI MÉDIOCRE
Et les Français ?
L'optimisme de M. Raffarin est donc surtout politique. Et curieusement, c'est l'opposition au sein de sa majorité qu'il estime avoir jugulée, pas l'opposition tout court. S'il ne lui fallait que le départ de M. Sarkozy (d'ailleurs observé avec vigilance sans ses œuvres, car l'ancien ministre n'a jamais dit son dernier mot) pour faire son bonheur, tant mieux pour lui. Toutefois, la question ne porte pas sur le bonheur de M. Raffarin mais sur celui des Français. On ne leur a toujours pas expliqué pourquoi nous perdons chaque année un à deux points de croissance par rapport aux Etats-Unis, deux par rapport au Royaume-Uni, six par rapport à la Chine ; pourquoi nos exportations ralentissent alors que celles de la Chine, de l'Inde et du Japon explosent ; pourquoi 10 % de nos concitoyens actifs sont au chômage, pourquoi ce taux semble incompressible, pourquoi il grève irrémédiablement nos systèmes de santé et de retraite ; pourquoi M. Raffarin, qui applique une politique socio-économique volontariste, parvient à des résultats aussi médiocres ; pourquoi la France est tellement vulnérable à la hausse de l'euro. Bref, pourquoi 2005 commence dans la morosité.
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