LA DECLARATION de politique générale à l'Assemblée nationale est toujours un exercice politique périlleux, parfois même cruel. Mais Jean-Pierre Raffarin n'est plus novice en la matière. Pour la troisième fois en deux ans, le Premier ministre a sollicité (et obtenu) la confiance de sa majorité parlementaire. Pour la troisième fois aussi, le chef du gouvernement a évoqué devant les députés la réforme de l'assurance-maladie, sujet désormais « vital » selon Jacques Chirac.
Si le chef du gouvernement ne s'est jamais aventuré sur le terrain miné des mesures concrètes, il a confirmé le calendrier (un projet de loi « débattu au Parlement à l'été, comme prévu »), la méthode (poursuite de la concertation dès cette semaine sous la houlette de Philippe Douste-Blazy) et la finalité : « garantir » l'avenir d'un système solidaire menacé à la fois par des « déficits considérables » et par une « croissance non maîtrisée des dépenses ». Qu'on se le dise : le temps des rapports est révolu, « il s'agit désormais de prendre les décisions qui s'imposent ».
« La santé ne se finance pas à crédit ».
« Quatre objectifs » ont été fixés par le chef du gouvernement, directement inspirés par le diagnostic partagé du Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance-maladie, auquel Jean-Pierre Raffarin a rendu hommage (un état des lieux « éclairé »). Il faudra en premier lieu « améliorer l'organisation de notre système de soins et la qualité des soins ». Le rapport du Haut Conseil avait estimé que des gisements de productivité non négligeables (environ 10 % de marge) existaient dans le système de soins, préconisant un « meilleur rapport qualité-prix ». Deuxième priorité retenue par le Premier ministre : l'évolution des comportements des acteurs (patients, professionnels) pour « lutter contre les gaspillages ». Soins mal coordonnés, nomadisme médical, examens redondants, habitudes de prescription inadaptées, surconsommation médicamenteuse... : là encore, les multiples travers et abus que le Haut Conseil avait dénoncés devraient inspirer le projet gouvernemental. La réforme du pilotage institutionnel ou « gouvernance » de l'assurance-maladie (qui fait quoi ?) est le troisième objectif. Sur ce point, Jean-Pierre Raffarin a souhaité que les partenaires sociaux « jouent un rôle majeur », un nouvel appel du pied au Medef qui a quitté les caisses de Sécu en octobre 2001 .
Enfin, le Premier ministre a confirmé le caractère inéluctable d'un redressement financier, car le déficit de la branche maladie pourrait atteindre 15 milliards d'euros en 2004. « Nous devrons enfin prendre les mesures indispensables pour rééquilibrer les comptes car la santé ne se finance pas à crédit », a-t-il expliqué . Jamais l'allusion n'a été aussi claire. Chacun pense déjà à la CSG (un point supplémentaire équivaut à 9 milliards d'euros) et à la contribution au remboursement de la dette sociale (Crds). Mais d'autres pistes pourraient émerger : la CFE-CGC avance par exemple l'idée d'une « cotisation sociale sur la consommation ».
Enfin, mettant ses pas dans ceux de Jacques Chirac, le Premier ministre a souhaité pour cette réforme « le concours de tous », et notamment la participation active de l'opposition. Un consensus sur la santé et la protection sociale serait, analyse le Premier ministre, un signe de « maturité de notre démocratie ».
Ce discours volontariste, mais sans surprise, a été plutôt bien accueilli par les syndicats de médecins libéraux. Le Dr Michel Chassang, président de la Csmf, se félicite que « le calendrier soit bien maintenu car cette réforme a déjà trop attendu ». Le Dr Pierre Costes, président de MG-France, se réjouit pour sa part des « positions plus claires » qui ont été affirmées , notamment la lutte contre les gaspillages. Il invite le gouvernement à engager la négociation « tout de suite » afin de « mettre du contenu ». La tâche la plus ardue.
Douste-Blazy rêve d'« union nationale »
Concertation poussée et recherche d'un accord au-delà des clivages partisans : à peine installé au ministère de la Santé et de la Protection sociale, Philippe Douste-Blazy a affirmé sa méthode pour réformer l'assurance-maladie. Certes, il ne repartira pas de zéro, après le diagnostic du Haut Conseil et les 57 délégations reçues par son prédécesseur, Jean-François Mattei. « Un travail considérable a été accompli », a-t-il précisé au « Journal du Dimanche ». Pour autant, il prendra le temps de recevoir lui-même les partenaires sociaux, les professionnels de santé, les mutuelles, mais aussi, fait nouveau, l'ensemble des partis politiques (notamment les parlementaires « experts » du dossier). L'objectif est d'aboutir à un accord droite-gauche sur le modèle allemand, même si la culture du consensus n'est absolument pas la même dans les deux pays. Qu'importe : comme Jacques Chirac, Philippe Douste-Blazy en a appelé, sur RTL, à l' « union nationale » sur ce sujet. Il veut au passage « démasquer » ceux qui ne font pas de propositions constructives (sous-entendu, l'opposition). Le PS a assuré qu'il jouerait le jeu, sans préjuger de l'issue des débats. Sur le contenu de la réforme, le ministre de la Santé est resté évasif dans ses premières déclarations, se contentant d'écarter la privatisation et l'étatisation. Un « ni-ni » déjà cher à Jean-François Mattei...
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