Raffarin entre le contingent et le durable

Publié le 28/08/2002
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Le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin a commencé une série de discussions avec les syndicats de salariés, ce qui va permettre au ministre des Affaires sociales, François Fillon, de donner la mesure de son talent.

Car il lui en faudra beaucoup pour annoncer à ses interlocuteurs que l'époque de l'Etat-providence est révolue sans provoquer leur colère et surtout les manifestations de cette colère. M. Fillon veut à la fois unifier les cinq ou six SMIC (ce qui aura un coût pour les entreprises), réduire les charges sociales des sociétés, assouplir la semaine de 35 heures, notamment en augmentant le nombre annuel d'heures supplémentaires autorisées.

Un préjugé naturel

La plupart des syndicats, qui n'ont pas été particulièrement conciliants avec le gouvernement Jospin, ont un préjugé naturel, parfois idéologique, contre les dirigeants issus de la droite. Le gouvernement, assis sur une large majorité parlementaire, n'a jamais fait mystère de ses intentions réformistes, même s'il s'efforce de respecter la justice sociale, comme on l'a vu lorsqu'un ministre a été désavoué sur le projet d'augmentation du timbre-poste. Francis Mer, le ministre de l'Economie, venait de supprimer la TIPP dite flottante, ce qui nous a valu une hausse des prix des carburants, et le Premier ministre ne voulait pas ajouter l'insulte à l'injure.
M. Fillon a au moins une qualité apparente : il ne laisse jamais la colère ou l'excitation envahir ses propos. Le calme, la discrétion et le niveau sonore assez bas de ses déclarations lui seront indispensables dans des conversations avec des syndicats combatifs, hostiles au gouvernement et à sa politique, FO et la CGT en particulier. Mais entre les mesures immédiates et les réformes à venir, il n'y aura plus désormais qu'une différence de degré. L'unification du SMIC ou l'aménagement des 35 heures constituent déjà d'importantes réformes. Si le gouvernement ne les obtient pas, il ne fera rien plus tard. Il passe donc, dès maintenant, un test essentiel.
C'est avec une prudence extrême qu'il s'adresse aux syndicats, auquel il répétera sans doute la légitimité de son action sociale, nécessaire en soi et soutenue aussi par une majorité. Il veut en outre se distinguer des méthodes de Lionel Jospin en renouant et en cultivant le dialogue. Mais la finalité de son action s'adresse à l'ensemble des Français. S'il ne les a pas avec lui sur ses premières réformes, il ne peut rien espérer des syndicats.
Quelques ténors du syndicalisme nous ont promis une rentrée mouvementée, souvent en confondant désirs et réalités. Bien sûr, des grèves ne sont nullement à exclure. Reste à savoir si les corps de métier ont envie de les faire. Une récente étude montre que les salaires ont raisonnablement augmenté depuis dix-huit mois, après une stagnation due à la mise en place des 35 heures. Enfin le résultat des législatives tend à montrer que les Français ne sont plus très sûrs que la redistribution est la panacée.
Pour toutes ces raisons et parce que le projet du gouvernement dépend du succès de ses premières mesures, M. Fillon doit réussir à s'allier avec les syndicats ou, si c'est là une tâche insurmontable, les convaincre de ne pas contrecarrer les réformes. Ce qu'il peut avoir de talent lui sera utile. Toutefois, il tire sa force principale du souhait d'une majorité de Français de tenter l'expérience proposée par le gouvernement, en dépit de leur circonspection (pour ne pas dire scepticisme). Si les syndicats sentent que ce désir populaire est fort, ils ne provoqueront pas le pouvoir.

Richard LISCIA

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7165