De notre correspondante
à New York
O N présume que les effets secondaires de la radiothérapie sont dus à ses dégâts directs sur l'ADN des cellules normales, provoquant ainsi leur apoptose. Par exemple, les sévères effets secondaires gastro-intestinaux de la radiothérapie abdominale sont attribués à la mort des cellules souches épithéliales dans les cryptes de l'intestin.
Une équipe de chercheurs du Memorial Sloan-Kettering Center (New York) propose maintenant un tout autre scénario pour expliquer la toxicité gastro-intestinale de la radiothérapie.
Le « syndrome gastro-intestinal », on le sait, est la principale toxicité associée à la radiothérapie abdominale des tumeurs. Il consiste en une diarrhée, une déshydratation, une infection entérobactérienne et, dans les cas sévères, un choc septique avec décès. Il est attribué, selon l'hypothèse la plus en vue, à une atteinte directe des cellules souches épithéliales dans les cryptes de l'intestin.
Inhibition du signal apoptotique
Paris et coll. (Memorial Sloan-Kettering Center, New York), inspirés par de précédentes observations ont exploré une autre possibilité : l'endothélium microvasculaire de l'intestin pourrait être atteint en premier et entraîner ensuite une dysfonction des cellules souches épithéliales qui dépendent de cet endothélium pour survivre.
Les précédentes observations étaient les suivantes :
1) des facteurs de survie pour l'endothélium (VEGF, FGF, et IL11) protègent l'intestin de l'atteinte radique ;
2) l'irradiation des cellules endothéliales microvasculaires génère la production de la céramide, un lipide proapoptotique qui facilite la mort des cellules endothéliales.
Dans leurs nouvelles expériences chez la souris, les chercheurs montrent que l'administration I.V. de bFGF (Basic Fibroblast Growth Factor) inhibe le signal apoptotique de la céramide et protège l'endothélium et les cellules souches épithéliales cryptiques des effets de l'irradiation corporelle totale (une seule large dose). Les souris ne meurent plus du syndrome gastro-intestinal. Toutefois, le bFGF ne protège pas la moelle osseuse, et les souris meurent de sa destruction. Les cellules endothéliales microvasculaires, montrent les chercheurs, expriment le récepteur pour le bFGF, tandis que les cellules souches épithéliales des cryptes intestinales ne l'expriment pas. Cela prouve donc bien que les cellules souches des cryptes ne sont pas les cibles directes de la protection conférée par le bFGF.
Des souris protégées contre la destruction radique
Enfin, dans une expérience qui est peut-être la plus convaincante, les chercheurs ont examiné des souris knock-out déficientes en acide sphingomyélinase, une enzyme requise pour la production de céramide (signal proapoptotique) et fortement exprimée dans l'endothélium. Ces souris, dont l'apoptose endothéliale est génétiquement inhibée, sont protégées de la destruction radique de l'intestin. Ces résultats suggèrent le scénario suivant pour la mort des cellules intestinales induite par l'irradiation : les cellules endothéliales dans les microvaisseaux de la muqueuse intestinale meurent en premier, suivies par les cellules souches épithéliales qui dépendent de l'apport de ces cellules endothéliales.
Objectif : gain thérapeutique
« Nos expériences, déclarent les chercheurs, suggèrent que des petites molécules, comme le bFGF, pourraient améliorer l'indice thérapeutique lors de l'irradiation corporelle totale pour la leucémie, ainsi que lors de la radiothérapie abdominale pour les tumeurs gastro-intestinales, génito-urinaires et gynécologiques. » Le gain thérapeutique, notent-ils toutefois, risque d'être limité chez les patients dont la tumeur est insensible au bFGF.
Selon les Drs Folkman et Camphausen (Harvard Medical School, Boston), auteurs d'un commentaire associé, si cette hypothèse se confirme, à savoir que la cellule endothéliale microvasculaire est la principale cible des radiations ionisantes, « alors le traitement des tumeurs en premier lieu par des inhibiteurs de l'angiogenèse pourrait sensibiliser les tumeurs aux radiations ionisantes et permettre d'utiliser de plus faibles doses de radiation ».
« Science » du 13 juillet 2001, p. 293.
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