Les 8 952 étudiants ayant validé le deuxième cycle des études de médecine ont passé, en juin, les épreuves classantes nationales (ECN). Pour eux, l’enjeu est d’importance car ils devront choisir leur affectation pour le troisième cycle des études médicales selon leur rang de classement aux épreuves.
Ce choix porte sur la spécialité et sur leur ville d’affectation. Les étudiants classés dans les premières centaines pourront obtenir la spécialité qu’ils souhaitent dans la ville de leur choix. Pour les étudiants plus mal classés il faudra diversifier les vœux d’affectation et prioriser. Pour les derniers du classement il n’y aura pratiquement plus de choix car le nombre de postes offert est déterminé par le nombre de candidats. Les ECN ont remplacé en 2004 le concours d’internat qui était la voie d’accès au troisième cycle de spécialisation. La médecine générale étant devenue une spécialité à part entière, les épreuves de l’internat sont devenues nationales et obligatoires pour tous les étudiants en fin de deuxième cycle.
À l’origine, en 2004, les épreuves étaient rédactionnelles reposant sur des dossiers cliniques et des articles médicaux sur lesquels étaient posées des questions ouvertes. Les copies étaient corrigées en double lecture par plusieurs centaines de professeurs de médecine.
Depuis 2016 les ECN ont été dématérialisées et les étudiants composent sur des tablettes électroniques dans leur faculté de médecine. Les ECN informatiques, ou ECNi, reposent toujours, pour l’essentiel sur des dossiers cliniques et des analyses d’article, mais les étudiants doivent répondre à des questions fermées comportant 5 propositions de réponse. La correction est informatique et quasi immédiate. Le dispositif informatique est moins coûteux que le système papier car il évite d’avoir à regrouper les étudiants sur un petit nombre de sites pour passer les épreuves et évite d’avoir à regrouper un grand nombre d’enseignants sur un seul site pour la correction. Le dispositif des ECNi est cependant plus fragile car exposé à des aléas techniques. Il faut en effet que les serveurs informatiques centraux soient parfaitement opérationnels et que les réseaux internet des 34 facultés de médecine où les étudiants composent simultanément n’aient aucune défaillance pendant toute la durée des épreuves.
On peut aussi se poser la question de l’impact des ECN sur la formation des futurs médecins. Actuellement les étudiants du deuxième cycle concentrent leurs efforts sur la préparation des ECNi et ils adaptent leurs méthodes d’apprentissage à la nature des épreuves qu’ils auront à passer. Les facultés de médecine les accompagnent dans leur projet et la pédagogie du deuxième cycle est orientée vers la préparation des ECN. Ainsi l’objectif pédagogique central n’est plus de former des médecins compétents mais d’obtenir les meilleures performances aux ECN.
Les ECN représentent aussi un enjeu pour les personnes impliquées dans leur organisation : administrations centrales, facultés et enseignants de médecine. Il faut en effet que tous les étudiants composent en même temps sur les mêmes sujets dans des conditions qui garantissent l’équité.
Au vu de ces inconvénients – processus lourd et coûteux, stress des étudiants qui jouent leur carrière sur trois journées, docimologie et pédagogie discutables –, on peut se poser la question de l’utilité des ECN. Elles ne servent pas à valider des connaissances car il n’y a pas de note minimale, le dernier étudiant au classement est admis dans le troisième cycle, quelle que soit sa note. Elles servent encore moins à valider des compétences médicales. Elles ne servent, de fait, qu’à classer les étudiants pour organiser les affectations dans les spécialités et les villes.
En conservant le principe d’une organisation nationale des affectations fondées sur le mérite et permettant la mobilité des étudiants, on peut envisager d’autres modes de classement, sans passer par des épreuves nationales. On peut imaginer que chaque faculté classe ses étudiants sur l’ensemble des évaluations réalisées cours du deuxième cycle. On pourrait prendre en compte les notes obtenues aux examens par disciplines. On pourrait faire passer localement un examen de synthèse, proche du format des ECN, qui servirait à valider le deuxième cycle. On pourrait surtout prendre en compte des évaluations des stages hospitaliers portant sur l’implication de l’étudiant dans la prise en charge des patients et dans le travail en équipe et sur ses compétences cliniques.
Il faudrait ensuite organiser, au niveau national l’ordre du choix des affectations en interclassant les étudiants des différentes facultés en se fondant par exemple sur les percentiles de distribution des rangs dans chaque faculté.
Une telle évolution permettrait de redonner la maîtrise de la pédagogie aux facultés de médecine, d’avoir des étudiants plus impliqués dans les stages hospitaliers, et de pouvoir tenir compte des compétences évaluées sur l’ensemble du deuxième cycle.
* Président du Collège universitaire des Enseignants de Santé publique
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