M. SARKOZY EST ALLÉ en Israël avec la certitude d'exploiter l'énorme capital de confiance dont il y bénéficie : après George Bush, il est considéré en effet par le peuple juif comme le plus grand ami d'Israël. Mais il ne s'y est pas rendu uniquement pour rassurer les Israéliens sur leur sort. Comme il l'a dit lui-même, «on doit la vérité à ses amis». Il les a donc pressés de hâter les négociations de paix, et surtout de donner un gage aux Palestiniens en gelant définitivement la colonisation, y compris à Jérusalem-Est. Il a même proposé l'ébauche d'un plan où Jérusalem-Est serait la capitale du nouvel État palestinien. Il a aussi rencontré Mahmoud Abbas, le président de l'Autorité palestinienne, et chargé Michèle Alliot-Marie d'aller fleurir les tombes de Yasser Arafat et de Fayçal Husseini. En d'autres termes, même si son premier objectif était de consacrer l'amitié franco-israélienne retrouvée, il n'a pas dit autre chose à la Knesset que ce qu'y avaient déjà dit François Mitterrand et Jacques Chirac et que n'avaient pas nécessairement approuvé alors les dirigeants israéliens.
Six mois utiles.
Bien entendu, le même discours est perçu différemment selon la personne qui le prononce. On reconnaîtra que M. Sarkozy fait le meilleur usage de sa profonde amitié pour Israël ; il montre aux Français que son engagement en faveur de l'État juif ne l'empêche nullement de s'occuper du sort des Palestiniens, bien au contraire. Ce n'est pas de la mauvaise diplomatie. Et le chef de l'État l'exerce dans un contexte compliqué et nouveau à la fois : les Palestiniens sont représentés doublement, par Mahmoud Abbas et par le Hamas, ce qui complique énormément la négociation avec Israël ; en même temps, une trêve a été conclue pour six mois avec le Hamas, ce qui doit permettre au gouvernement israélien et à M. Abbas de trouver un accord au sujet de la création d'un État palestinien. Six mois ne représentent pas une trop courte durée : ce fameux accord, Israéliens et Palestiniens le préparent depuis plus de quinze ans : il n'y a pas une parcelle de Terre sainte qui n'ait été examinée, pas un sujet qui n'ait été mentionné, pas une solution possible pour chacun des conflits formant le contentieux qui n'ait été envisagée. Il ne s'agit plus en vérité que de sauter le pas. De conclure enfin.
"ON DOIT LA VERITE A SES AMIS"
On connaît les difficultés : un long passé de violences, la mainmise du Hamas sur Gaza, la bataille que le Hamas livre contre Israël à partir de Gaza, la poursuite de la colonisation (qui désespère les Palestiniens), la faiblesse politique du gouvernement d'Ehud Olmert, celle de M. Abbas, gravement contesté par le Hamas.
Mais on sait aussi que les explications par les armes n'ont jamais abouti qu'à une impasse et que MM. Abbas et Olmert en sont profondément convaincus ; Israël sait qu'un autre conflit, par exemple avec le Hezbollah et le Hamas, lui coûterait cher, même s'il finissait par triompher des deux mouvements ; en outre, des négociations secrètes se poursuivent avec la Syrie, sous l'oeil bienveillant de la France, ce qui permet d'envisager la restitution du Golan à la Syrie en échange de la neutralisation du Hezbollah, appelé à devenir un parti politique désarmé : ainsi seraient assurées à la fois la stabilité du Liban et la sécurité d'Israël.
On rêve ? Mais que peut-on faire d'autre ? La guerre Liban-Israël de 2006 a apporté la démonstration définitive que, pour les Arabes et pour les Juifs, aucune solution militaire n'est envisageable. L'accord de Doha, qui a permis le retour au calme du Liban et l'élection d'un président libanais, a certes autorisé implicitement le Hezbollah à conserver son statut d'État dans l'État ; il a néanmoins administré la preuve que les États arabes peuvent reprendre le jeu à l'Iran, sont capables de mettre en oeuvre une diplomatie cohérente, et qu'ils veulent tous sincèrement la paix, pas seulement ceux d'entre eux qui ont des relations avec Israël. Aujourd'hui, personne ne peut nier qu'entre le discours négationniste et fasciste du président iranien et celui des pays arabes, Arabie saoudite comprise, il y a la différence qui existe entre la guerre et la paix.
C'est pourquoi Nicolas Sarkozy estime, comme d'autres leaders, que le moment est propice, qu'il ne se représentera pas et que les Israéliens et les Palestiniens doivent saisir leur chance. Aussi bien, les Israéliens ne sauraient lui tenir rigueur de se servir de son amitié pour les presser de trouver un accord de paix avec les Palestiniens : c'est leur intérêt et la plupart d'entre eux le comprennent. Jamais, peut-être, la crise à Gaza et en Cisjordanie n'a été aussi grave ; jamais la création d'un État palestinien n'aura semblé aussi nécessaire, indispensable et… imminente.
> RICHARD LISCIA
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