La dermatite atopique (eczéma constitutionnel, eczéma atopique) est la manifestation la plus précoce du terrain atopique, prédisposition génétique pouvant favoriser également la survenue d'un asthme ou d'une rhino-conjonctivite allergique. Elle débute vers l'âge de 2-3 mois, se prolonge souvent pendant la petite enfance et parfois à l'âge adulte.
La multiplicité des gènes candidats potentiellement associés au terrain atopique ne laisse entrevoir aucune possibilité de diagnostic prénatal ou de prise en charge de type thérapie génique dans un proche avenir.
L'hypothèse hygiéniste n'est pas universellement admise
Selon l'hypothèse hygiéniste, des contacts fréquents avec les micro-organismes dans la vie infantile réduiraient la fréquence des maladies allergiques et des maladies auto-immunes.
Des études épidémiologiques suggèrent, en effet, que les allergies seraient moins fréquentes chez les enfants exposés aux bactéries telluriques (pays en voie de développement) que chez ceux exposés aux allergènes de la poussière de maison (pays développés). Selon d'autres études, la césarienne, mode d'accouchement relativement stérile, comparativement à l'exposition à la flore vaginale, favoriserait la survenue d'allergies ultérieures. Citons aussi les travaux suggérant que la flore commensale digestive est moins abondante chez les enfants allergiques et ceux évaluant l'administration de probiotiques (lactobacilles) à titre préventif chez les femmes enceintes appartenant à une famille atopique ou dans le traitement de la dermatite atopique du nourrisson.
Les conclusions de ces travaux ne sont pas unanimement reconnues. L'absence de consensus sur le rôle des facteurs d'environnement dans les manifestations atopiques a des conséquences pratiques.
Mesures non médicamenteuses : quelle est la bonne attitude ?
Les parents des nourrissons présentant une dermatite atopique reçoivent des avis et des conseils contradictoires, y compris de la part des professionnels de santé.
Tel est le cas pour le régime alimentaire. De nombreux pédiatres ou allergologues conseillent un changement de lait. Cette attitude repose en fait sur l'habitude et quelques données publiées ne constituant pas une base rationnelle bien solide. L'allergie au lait se manifeste par des troubles digestifs, et non par un eczéma ; elle est exceptionnelle chez les enfants qui présentent une dermatite atopique. Ces derniers doivent manger normalement s'ils ne présentent ni troubles digestifs ni retard de croissance (soit la quasi-totalité des cas), à cela près que la diversification de l'alimentation, correspondant à l'arrivée de nouveaux allergènes potentiels dans le tube digestif, doit être retardée.
Les mesures de type dermo-cosmétique, qui consistent à éviter toute irritation cutanée (produits de toilette, vêtements appropriés), et le traitement de fond dit émollient, qui permet, à l'aide de crèmes hydratantes neutres, de rompre le cercle vicieux entre sécheresse cutanée et inflammation, restent quant à eux d'actualité. Là encore, certaines idées, émises éventuellement par les médecins (par exemple, ne pas baigner ces enfants), doivent être combattues.
La corticothérapie locale aujourd'hui
La corticothérapie locale est un traitement symptomatique très efficace de l'eczéma. Prescrite selon des règles de prudence maintenant bien définies, éventuellement associée à une antibiothérapie lorsque l'on craint une surinfection, elle n'a que peu ou pas d'effets secondaires.
C'est plutôt la corticophobie qui pose aujourd'hui problème. Traiter les poussées de dermatite atopique en utilisant des crèmes non cortisonées revient en réalité à se priver de traitement...
Quand le traitement conventionnel ne donne pas de résultats satisfaisants, il est possible de recourir à d'autres moyens : photothérapie, exceptionnellement immunosuppresseurs, comme la ciclosporine (très toxique), dans les formes très résistantes et invalidantes. A cette liste, il faut désormais ajouter le tacrolimus topique, immunomodulateur local commercialisé en France depuis juin 2003 et disponible en deux dosages (0,1 % pour adultes et 0,03 % pour adultes et enfants).
Le tacrolimus topique, médicament d'exception en France
Le tacrolimus (de même que le pimecrolimus, non disponible en France) est moins puissant à court terme que les dermocorticoïdes, mais n'en présente pas les inconvénients potentiels. Sensation d'échauffement, rougeur et prurit au niveau du site d'application sont les effets secondaires, tous transitoires, le plus fréquemment rapportés. Le recul est cependant insuffisant pour éliminer les risques, jusqu'ici purement théoriques, de favoriser les infections à court terme et les cancers cutanés à long terme.
La dermatite atopique avec atteinte du visage est une très bonne indication de ce traitement. En effet, les dermocorticoïdes peuvent dans cette situation provoquer des rosacées ou de l'érythrose, et leur utilisation au niveau des paupières est contre-indiquée, car ils augmenteraient le risque de glaucome.
Plusieurs schémas d'utilisation des immunosuppresseurs locaux pourraient être imaginés, mais les réalités réglementaires rendent cette discussion prématurée. La seule indication reconnue est, chez l'adulte comme chez l'enfant, la prise en charge de la dermatite atopique modérée à sévère, en cas de réponse inadéquate aux traitements conventionnels.
L'AMM accordée au tacrolimus lui donne un statut de médicament d'exception. La prescription est réservée aux dermatologues et aux pédiatres. Le prescripteur doit remplir un formulaire spécial certifiant le respect des critères d'indication, de prescription et de suivi précisés par la fiche d'information thérapeutique. Les raisons avancées sont la prudence quant aux effets secondaires à long terme, mais il est plus que probable que le prix du tacrolimus, considérablement plus élevé que celui des dermocorticoïdes, ait également été pris en considération.
Malgré la prescription très « encadrée » du tacrolimus et sous réserve de confirmation de sa bonne tolérance, les véritables débats sur le rôle des immunosuppresseurs locaux dans la prise en charge de la dermatite atopique sont à venir. Ils concerneront vraisemblablement la place relative de cette nouvelle approche thérapeutique par rapport à la corticothérapie locale.
D'après un entretien avec le Dr Daniel Wallach, hôpital Tarnier-Cochin, Paris.
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