Par le Dr Patrice Taourel*
Pourquoi l'IRM en sénologie ?
Le développement de l'IRM en sénologie est dû, d'une part, aux manques des techniques conventionnelles (mammographie, échographie) avec par exemple une sensibilité de la mammographie inférieure à 50 % dans le dépistage des cancers du sein chez les femmes à risque génétique et une taille moyenne dépassant 1 cm pour les faux négatifs dans les bilans d'extension des cancers. Il traduit, d'autre part, le potentiel de cette technique pour mettre en évidence l'angiogenèse nécessaire à la croissance tumorale des cancers invasifs et in situ.
Comment est réalisé l'examen ?
L'IRM est réalisée maintenant en bi-sein avec des coupes axiales ou sagittales, avec des séquences sans puis après injection de produit de contraste, pondérées en T1 en écho de gradient ; la séquence dure environ 1 minute et est répétée cinq à huit fois. Une séquence morphologique sans suppression de graisse en T2 est également indispensable dans la caractérisation de certaines lésions. La nécessité de soustraction impose une immobilisation parfaite du sein au cours de l'examen.
La suppression du signal de la graisse est nécessaire. Elle est réalisée par la soustraction, plus ou moins par une acquisition directe en saturation de graisse. L'interprétation de l'IRM repose sur des critères morphologiques en premier lieu et des critères cinétiques en deuxième lieu, avec l'analyse des courbes de rehaussement du signal tumoral.
Quelles performances ?
Cette technique est très sensible dans le diagnostic de cancer du sein, avec une sensibilité, tous cancers confondus, supérieure à 90 %. Elle permet de dépister des cancers manqués par les techniques conventionnelles du fait de difficulté de lecture (seins denses par exemple) et est, par ailleurs, la technique la plus performante pour dépister des petits cancers.
En revanche, l'IRM du sein manque de spécificité. Un certain nombre de processus bénins induisent des rehaussements ressemblant à ceux dus au cancer. Ce manque de spécificité est la principale limite à l'utilisation de l'IRM. Il est, certes, rencontré dans les autres techniques d'imagerie comme la mammographie ou l'échographie, mais a un effet particulièrement délétère en IRM du fait du manque d'accès au prélèvement sous IRM et de la longueur de ces procédures.
Chez quelles patientes ?
Les indications de l'IRM du sein doivent être discutées en fonction de la situation clinique dans laquelle on se trouve : détection, caractérisation, bilan d'extension d'un cancer diagnostiqué, suivi d'un cancer traité.
En détection, chez les patientes à risque fort, un certain nombre d'études multicentriques nord-américaines ou européennes ont démontré les performances et l'impact de l'IRM. Celle-ci permet de dépister deux fois plus de cancer du sein que le couple examen clinique-mammographie, et ces cancers sont de bon pronostic en termes de taille tumorale et de statut ganglionnaire. Il y a deux limites potentielles à l'utilisation de l'IRM chez ces patientes. Il n'a pas été démontré que cette attitude diminuait la mortalité par cancer du sein. Les rehaussements isolés sans substratum mammographique ou échographique imposent dans certains cas la pratique de biopsies sous IRM. En pratique, le principal point discuté est le niveau de risque familial à partir duquel le dépistage par IRM est recommandé. Nous recommandons un dépistage pour des risques cumulés au cours de la vie supérieurs à 30-35 %.
En caractérisation, les indications de l'IRM sont limitées étant donné les performances des prélèvements guidés par mammographie ou échographie. Il faudra surtout l'utiliser dans les lésions difficiles à biopsier (asymétrie de densité vue sur une incidence, distorsion architecturale vue sur une incidence, masses multiples) et se servir de sa bonne valeur prédictive négative pour éliminer un cancer lorsque la présomption avant IRM est faible. En revanche, devant un foyer de microcalcifications ou une masse, l'IRM n'a pas d'intérêt et ne peut se suppléer à la biopsie.
Dans le bilan d'extension d'un cancer du sein diagnostiqué, l'IRM peut permettre de découvrir une multifocalité, une multicentricité ou une bilatéralité non suspectée par l'imagerie conventionnelle. Certains arguments pourraient cependant plaider contre son utilisation dans ce bilan d'extension : les études anatomo-pathologiques avaient déjà démontré depuis longtemps la possibilité de microfocus à distance ou au contact d'une tumeur du sein diagnostiquée, la radiothérapie est un traitement complémentaire pouvant stériliser ces microfocus et surtout sans IRM et avec un traitement bien conduit, le taux de récidive dans un cancer du sein après traitement conservateur n'est que de 1 à 2 % par an. Cependant, les arguments pour cette IRM sont également solides, avec notamment dans 10 % des cas une tumeur homolatérale de taille en moyenne centimétrique siégeant à au moins 2 cm de la tumeur principale. Une étude publiée en 2007 dans le New England Journal of Medicine retrouve chez 3 % des patientes des lésions controlatérales non suspectées sur l'imagerie conventionnelle. Nous réalisons des IRM du sein dans le bilan d'extension d'un cancer du sein chez des patientes qui ont des carcinomes lobulaires infiltrants, chez des patientes qui ont des seins denses, chez des patientes jeunes, chez des patientes qui ont des facteurs de risque familiaux, ou lorsque la tumeur principale n'était pas vue ou pas mesurable en mammographie.
Dans le suivi d'un cancer du sein traité, l'IRM a deux intérêts. Après traitement conservateur, elle est très performante pour différencier récidive et cicatrice. Si la patiente est sous chimiothérapie néoadjuvante, elle a le double avantage d'évaluer l'efficacité de la chimiothérapie néoadjuvante et les possibilités de traitement conservateur à la fin de la chimiothérapie.
Ainsi, l'IRM a aujourd'hui des indications aujourd'hui codifiées. Cependant, les mentalités évoluent avec une place plus large de cet examen aux différentes phases diagnostiques du cancer du sein. Néanmoins, l'IRM ne doit pas être considérée comme un examen de dépistage de cancer du sein, notamment étant donné la difficulté de gestion des rehaussements isolés nécessitant dans certains cas un prélèvement sous IRM. Le développement de l'IRM du sein passe évidemment par un accès plus large aux machines, mais également par le développement des procédures de radiologie interventionnelle guidées par IRM.
* Service d'imagerie médicale, hôpital Lapeyronie, Montpellier.
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