Une polémique oppose la gauche et la droite sur les liens « objectifs » que l'une ou l'autre pourrait avoir avec le Front national. Les socialistes accusent le RPR d'avoir monté une cabale pour empêcher des maires d'accorder leur parrainage à Jean-Marie Le Pen. A quoi Jacques Chirac a répondu que « depuis vingt ans, ce sont les socialistes qui ont partie liée avec le FN, en particulier aux dernières élections législatives » de 1997, marquées par de nombreuses triangulaires qui ont été fatales à la droite RPR-UDF.
Il est vrai que François Mitterrand s'est servi du FN pour affaiblir la droite classique, comme en 1985, année où il a fait adopter le scrutin à la proportionnelle pour les élections législatives, ce qui a permis à l'extrême droite d'envoyer 58 de ses membres à l'Assemblée en 1986. Michel Rocard, ministre de l'Agriculture en 1985 dans le gouvernement Fabius, a d'ailleurs démissionné pour ce seul motif. Et en 1986, c'est Jacques Chirac, Premier ministre de la cohabitation, qui a fait rétablir le scrutin uninominal à deux tours. Preuve qu'il n'était prêt à aucune alliance avec le Front national.
Cette année, c'est toujours le scrutin majoritaire qui est en vigueur. M. Chirac estime que l'extrême droite est affaiblie par la scission Le Pen-Mégret, ce qui expliquerait, selon lui, que les parrainages soient chichement comptés par les maires au leader du FN. Mais il ne fait aucun doute que le président-candidat préférerait représenter la totalité de la droite et que les candidatures de Le Pen, Mégret et Pasqua (peut-être aussi celle de M. Chevènement) réduiront dangereusement son score au premier tour. En clair, il serait à peu près sûr d'être réélu président de la République s'il n'y avait tous ces « gêneurs ».
Cependant, M. Chirac se garde bien de tenter d'attirer vers lui les électeurs de l'extrême droite par des déclarations ou des promesses qui les satisferaient.
On peut soupçonner ses partisans de tenter d'éliminer M. Le Pen en faisant pression sur les maires. Il serait toutefois étonnant que le chef du FN ne trouve pas dans les jours qui viennent les 70 lettres de soutien qui lui manquent. On ne doit pas écarter le fait que M. Chirac peut beaucoup moins compter sur un report des voix de l'extrême droite (surtout après les propos très durs que M. Le Pen a prononcés sur le président), que M. Jospin peut compter sur les votes des communistes et d'au moins une partie de la gauche trotskiste.
La polémique pédale un peu dans le vide, parce que, parmi les voix nombreuses qui vont aux extrêmes, le rejet des partis classiques est infiniment plus fort que l'appartenance idéologique. Des ouvriers votent pour le Front national, des cadres pour Lutte ouvrière et des bourgeois pour le PC. Tout ça fait un peu désordre, mais c'est la démocratie.
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