On relativise l'éventuel veto de la France à une intervention militaire des Etats-Unis en Irak en rappelant que le droit de veto a été déjà utilisé 221 fois à l'ONU. Mais la seule fois où la France en a fait usage contre les Etats-Unis, c'était en 1956, à propos de l'expédition franco-britannique à Suez, donc, pour protéger ses propres intérêts et poursuivre sa propre guerre, dont la nature coloniale n'échappa à personne.
Il a en va autrement d'un veto dont le seul bénéficiaire serait Saddam Hussein. Si toute guerre est par nature haïssable, le soutien, fût-il indirect, à une dictature qui n'hésite pas à éliminer ses sujets par milliers ne semble pas conforme à la morale. Les Etats-Unis auraient certes été mieux inspirés s'ils avaient clairement défini leur objectif : ils ont invoqué des arguments différents, parfois contradictoires, souvent mensongers, comme le lien entre Bagdad et Al-Qaïda, auxquels les services secrets américains eux-mêmes ne croient pas. Ils auraient dit d'emblée qu'ils voulaient en finir avec un despote qui terrorise son peuple depuis trente ans qu'ils auraient été plus crédibles.
La maladresse des Etats-Unis n'excuse pas pour autant l'incroyable déchaînement de l'immense majorité du monde qui a trouvé juste de s'en prendre à George W. Bush plutôt qu'à un tyran qui se marie avec le pacifisme comme la carpe avec le lapin, qui se moque des peuples assoiffés de justice et de paix, persécute ses administrés, et rêve de porter à l'Amérique un coup fatal.
La forte animosité qu'inspire M. Bush a curieusement effacé la nature même de son ennemi, notre ennemi. Or M. Bush n'a jamais envahi le Koweït ni détruit ses puits de pétrole ; ne fait pas exécuter des membres de sa famille quand ils le gênent ; n'a pas livré contre l'Iran une guerre de plusieurs années ni utilisé les gaz contre l'armée iranienne ; n'a ni gazé des milliers de chiites, ni tué des milliers de Kurdes ; ne possède pas 39 palais et n'a pas des milliards de dollars, volés à son peuple, et placés dans des comptes à l'étranger.
Si, dans les manifestations pacifistes, dans les discours tenus par les gouvernements hostiles à la guerre, si, dans les propos de M. Chirac, et dans cette extraordinaire unanimité française, chacun avait pris soin de rappeler que Saddam Hussein est l'un des personnages contemporains les plus sinistres, et surtout nous avait dit comment guérir cette plaie autrement que par la guerre - à laquelle, encore une fois, la France n'a pas besoin de s'associer -, le tollé général eût été plus justifié.
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