DEPUIS L'APPARITION de l'épizootie d'encéphalopathie spongiforme bovine, la question du possible passage de l'agent de l'ESB aux petits ruminants (ovins et caprins) inquiète les chercheurs et les autorités de sécurité alimentaire. Certes, on sait que chèvres et les moutons peuvent être contaminés par la tremblante, mais l'agent pathogène de cette infection, contrairement à celui de la vache folle, n'est pas transmissible à l'homme. La possibilité d'un passage des grands aux petits ruminants a bien été démontré dans des conditions expérimentales, mais la réalité de la circulation de la souche d'ESB n'a encore jamais été établie sur le terrain.
D'où l'attention portée au signalement qui vient d'être effectué : dans le cadre du programme de surveillance européen, le réseau français de typage des souches de cas de tremblante a observé, sur une chèvre abattue en 2002, la présence d'un agent infectieux qui présente des similitudes avec l'agent de l'ESB.
Depuis trois ans, les tests biochimiques de dépistage permettent, avec un degré élevé de certitude, de considérer que la très grande majorité des cas d'encéphalopathie spongiforme transmissible détectés est attribuable à l'agent classique de la tremblante. En 2003, sur 11 174 caprins qui ont été testés en France en abattoir, trois ont été repérés positifs pour la tremblante (prévalence de 0,27 pour 1 000) ; de 1990 à 2003, quatre échantillons caprins ont été inoculés à des souris et, parmi eux, un isolat a donc donné des résultats qui présentent des caractéristiques similaires à la souche ESB.
Les spécialistes de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa) se veulent toutefois très circonspects : il soulignent que ces résultats ne sont « pas définitifs », qu'ils n'ont « d'ailleurs pas été publiés dans une revue scientifique », et ajoute que « les travaux expérimentaux se poursuivent », avec des résultats complémentaires qui sont attendus dans les trois prochains mois. A ce stade, les experts ne sonnent donc pas l'alarme, même si les résultats intermédiaires dont ils disposent les ont conduits à estimer de leur devoir d'effectuer un signalement auprès des autorités sanitaires nationales.
Beaucoup d'incertitudes.
Quoi qu'il en soit des résultats à venir, beaucoup d'incertitudes restent aussi à lever, concernant :
- la fréquence de l'infection : les données cumulées issues du programme de dépistage, à ce stade, conduiraient à considérer les Esst comme peu fréquentes chez les caprins et comme rares, parmi ceux-ci, la présence de souches similaires à celles de l'ESB. Mais il faut souligner que ces résultats proviennent d'un sondage aléatoire dans le cadre de la surveillance communautaire et non d'un échantillonnage représentatif de l'ensemble du cheptel ;
- l'origine de la transmission : deux hypothèses sont envisageables, soit l'exposition via l'alimentation, avec des farines (en principe interdites), soit l'existence d'une souche similaire à l'ESB dans le cheptel caprin ;
- la présence du prion dans la viande : les données scientifiques disponibles montrent que l'agent infectieux de l'ESB diffuse de manière plus large dans l'organisme des petits ruminants expérimentalement infectés que chez les bovins ; le retrait de certains organes concentrant l'agent infectieux serait-il donc suffisant pour rendre une carcasse salubre ? Ou toute la viande devrait-elle être considérée comme porteuse d'infectivité ?
- l'infectivité du lait : s'agissant d'un animal comme la chèvre, c'est une question primordiale. Or, à ce jour, l'infectivité du lait n'a pas été démontrée. Cependant, notent les experts de l'Afssa, la présence de prion dans le sang rend possible son passage dans le lait. Ils n'estiment pas possible, dans ces conditions, d'exclure, de manière aussi affirmée que pour le lait de vache, que le lait d'une chèvre (ou celui d'une brebis) soit indemne de risque contaminant.
En tout état de cause, l'Afssa conclut qu'à ce stade d'incertitudes diverses, l'intérêt de renforcer les mesures de précaution ne saurait être « conditionné à la mise en évidence effective d'un cas d'ESB » caprin. Il faut anticiper sur les conséquences d'un événement possible.
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