Cinéma
Haneke ne veut pas expliquer son film. « Tous mes films sont faits pour poser des questions, dit-il au "Film français", je ne peux pas en donner un mode d'emploi sans risquer d'aller à l'encontre de leur raison d'être. » Tout juste lâche-t-il que le titre est tiré du « Codex Regius », le plus ancien poème germanique (XIIe siècle), et plus précisément du « Chant de la voyante », qui décrit le temps précédant la fin du monde.
« Le Temps du loup » commence presque comme « Funny Games » : une famille part dans sa maison de campagne où l'attend la violence. C'est qu'un événement terrible est arrivé - guerre, catastrophe écologique ou cosmique, acte terroriste, peu importe, insiste le réalisateur. Des groupes errent sur les routes, il n'y a plus d'essence, plus de ravitaillement, plus d'électricité, plus rien. Pour la mère et ses deux enfants, il s'agit de survivre mais aussi de garder sa part humaine.
« La seule question productive, dit encore Haneke, ne peut être que celle-ci : Quel serait mon comportement, et celui de mon voisin ? Comment ferions-nous face à un changement aussi fondamental ? Quelle est l'épaisseur de notre vernis de civilisation ? Jusqu'où nos "valeurs éternelles" tiendraient-elles le coup ? » Une question qui va être posée de mille manières mais à travers des situations très simples : partager ou non le peu de nourriture, tenter seul sa chance ou suivre un groupe, accepter ou non la loi du leader du groupe, se battre ou abandonner le combat... Chacune des options est incarnée par un ou plusieurs personnages, dont on ne saura rien d'autre que leur comportement ici et maintenant.
Bien loin du romanesque, le cinéaste autrichien n'offre aucune bouée de sauvetage à ses spectateurs : pas de musique, beaucoup de scènes dans l'obscurité, une nature sans grandeur, à peine un récit, et pas le moindre morceau de bravoure pour les acteurs d'une magnifique distribution (Isabelle Huppert, Patrice Chéreau, Maurice Bénichou, Olivier Gourmet, Brigitte Rouan, Béatrice Dalle...).
On échappe ainsi d'autant moins à la question posée par le cinéaste autrichien, que l'on ressent cette frustration des repères habituels de la fiction. Haneke réussit une fois de plus à nous déstabiliser. Même si on n'en a pas envie.
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