C'EST LA PIÈCE forte et belle d'un écrivain qui la composa en quelques semaines, durant l'été 1903, après dix années passées à étudier la version d'« Electre », de Sophocle.
Hugo von Hofmannsthal est mort en 1929, à 55 ans, le jour de l'enterrement de son fils Franz, qui s'était suicidé. Le tragique fut consubstantiel à la vie de cet écrivain fertile, profond, ouvert aux sciences de son temps et à la psychanalyse en particulier et grand connaisseur de la littérature antique comme de la littérature universelle. Cela donne à ses oeuvres une densité extraordinaire, une force, une puissance bouleversantes. Il mêle le plus épique et le plus intime, le spirituel plus haut et le plus simplement humain. Il est l'auteur du livret de « Elektra » de Strauss, comme celui du « Chevalier à la rose ».
Il y aurait des pages et des pages à écrire sur cet auteur passionnant, et l'on sait gré à Stanislas Nordey de monter « Electre », que l'on voit parfois, mais trop rarement. Ici, le metteur en scène affiche une volonté très personnelle de recentrement. Abordant cette terrible histoire de famille, il s'y implique singulièrement. Valérie Lang est au coeur, comédienne associée à son parcours depuis quinze ans, elle est une Electre fragile et puissante face à Clytemnestre que joue Véronique Nordey, la mère du metteur en scène qui, lui, est Oreste… C'est une volonté d'implication artistique forte.
Nordey prend la pièce, traduite par Jacqueline Verdeaux, comme un précipité tragique, noir, brillant. Il va vers une forme qu'il connaît bien. Les servantes – qui sont ici des serviteurs – alignées en avant-scène chuchotent et sifflent l'exposition. Belle image, reprise de ses propres travaux. Efficace. L'espace lui aussi rappelle d'anciens travaux de Stanislas Nordey, avec, au fond, ce podium-scène, cet espace en contrebas – ici meublé de chaises nombreuses –, des panneaux de côté pour les ombres.
L'essentiel est la parole. Adressée au public parfois. Très ténue. La distribution est de qualité. Il y a une rigueur tragique qui subjugue et une violence intime qui déchire. Electre tient l'essentiel de la parole. Valérie Lang possède naturellement un timbre légèrement voilé et cela donne à la profération tragique quelque chose comme un supplément d'humanité.
Quelques scènes – le redressement de chaises renversées par la seule Electre – ne sont pas réglées à leur juste rythme et le public, hélas, ricane. Il faudrait trouver une solution.
Reste une proposition digne de réflexion. Au théâtre, on ne demande que cela : réfléchir.
Théâtre national de la Colline, grande salle, à 20 h 30, du mardi au samedi, 15 h 30, le dimanche. Durée : 1 h 50 sans entracte. Texte publié à L'Avant-scène n° 1220, 12 euros.
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