De la tête à l'assiette

Qu’est ce qui influence la prise alimentaire ?

Publié le 23/10/2009
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Au-delà de la « mal bouffe » et de la sédentarité, il existe un lien encore mal défini mais bien réel, entre psychisme et alimentation. Plusieurs études ont déjà tenté de faire la lumière sur cette relation ambiguë. Elles montrent que plusieurs facteurs psychiques sont impliqués dans la prise de poids et/ou les troubles du comportement alimentaire. C’est le cas de la restriction alimentaire, de l’anxiété ou de la dépression. Par ailleurs, le traitement des maladies psychiatriques et notamment les psychotropes sont eux, inducteurs de prise de poids. Petit tour d’horizon des connaissances actuelles.

Crédit photo : ©BSIP/CHASSENET

Les personnes souffrant de surpoids et d’obésité sont parfois étiquetées de « faibles ». Laquelle d’entre elles n’a jamais entendu « pour maigrir, arrête de manger », ou encore « tout est dans la tête ». En fait, certaines théories psychogènes de l’obésité entretiennent l'idée de profils psychologiques caractérisés par « une pauvreté de la vie imaginaire, un discours centré sur le factuel et les sensations physiques, une difficulté à verbaliser ses émotions et un recours à l'action pour éviter les conflits", selon M.B de Chouly de Lenclave, psychiatre à Paris. Ou encore, une faiblesse face à un environnement particulièrement riche en sollicitations alimentaires. Ces théories sont pleines de clichés mais le lien entre psychisme et obésité existe bien, que ce soit chez l’enfant ou chez l’adulte. Selon une étude récente , menée chez 4363 fonctionnaires britanniques, âgés de 35 à 55 ans, non obèses, suivis pendant 19 ans. Ceux qui ont présenté en cours d'étude des symptômes de dépression, d'anxiété ou autres troubles psychiatriques avaient 2 fois plus de risque de devenir obèses à la fin du suivi, même après ajustement sur la prise de psychotropes. Il y avait une corrélation entre le gain pondéral et la chronicité ou la répétition des épisodes psychiatriques.

Manger pour « remplir son vide intérieur »

L'impact des émotions ou du stress a donc indéniablement un impact sur le comportement alimentaire. Sans déboucher obligatoirement sur des troubles alimentaires sévères permanents, la prise alimentaire peut être qualitativement et quantitativement modifiée par des problèmes psychologiques et relationnels. Parfois de façon totalement inconsciente et transitoire. Certaines personnes mangent aussi bien pour supprimer "la sensation douloureuse de vide intérieur" que pour détourner leur agressivité et se dirigent alors plutôt vers les aliments gras et/ou sucrés, rapides à consommer. L’estimation de la prévalence des troubles dépressifs chez les patients obèses varie considérablement : entre 10 à 70 % et jusqu’à 90 % dans certaines études. En outre, certains travaux ont mis en évident un lien entre stress et gain de poids, sans que cela passe obligatoirement par une prise alimentaire plus importante. "Plusieurs mécanismes ont été invoqués comme la stimulation de l'axe hypothalamo-hypophysaire et du système sympathique avec augmentation de la sécrétion de cortisol qui augmente la prolifération et la différenciation des adipocytes viscéraux et stimule l'appétit, ou des perturbations hormonales impliquant la leptine, la résistine et la mélanocortine" explique Jean-Michel Lecerf, Institut Pasteur de Lille .

1 "Common mental disorder and obesity: insight from four repeat measures over 19 years: prospective Whitehall II cohort study", Mika Kivimaki, publié le 6 Octobre 2009, BMJ 2009;339:b3765

2 "Stress et obésité", Nutrition clinique et métabolisme, Vol 20, N°2, Juin 2006

Dossier réalisé par Maia Bovard-Gouffrant et Aude Rambaud

Source : Le Généraliste: 2502