LES LENDEMAINS de la journée de solidarité en faveur des personnes dépendantes, instituée en juillet 2004, sont diversement appréciés selon qu’on se place du côté des handicapés ou des personnes âgées. Cette journée, qui se traduit par une ponction de 0,3 % sur les revenus salariaux et de l’épargne, a rapporté près de 2 milliards d’euros en 2005, gérés par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (Cnsa). Quatre cents millions d’euros financent déjà 38 % des dépenses de l’Allocation personnalisée d’autonomie (APA, loi du 20 juillet 2001)*, versée à 938 000 plus de 60 ans, dont trois sur cinq vivent à domicile. Et 800 millions vont aux structures d’accueil à médicaliser et/ou à rénover. Une montée en charge est prévue jusqu’en 2008 : 20 000 places seront créées en hébergement à temps complet, dont 4 800 en 2006, 3 000 en établissement de jour ou temporaire et 17 000 en services de soins infirmiers à domicile (4 300 en 2006). En fait, pour l’année en cours, seulement 570 millions d’euros sur les 800 millions sont utilisés, d’après la Fédération hospitalière de France (FHF).
Le quart des 2 milliards d’euros collectés sans affectation.
Actuellement, sur 436 300 places en maisons de retraite médicalisées, 206 300 dépendent du public (FHF), 127 100 du milieu associatif, 87 900 du privé à but lucratif et 15 000 de la fonction publique territoriale. Pour les foyers-logements (152 900 places), 98 200 places appartiennent à la fonction publique territoriale, 40 500 aux associations, 10 000 au public et 4 200 au privé à but lucratif. Quant aux unités de soins longue durée (79 300 places), 75 300 places font partie du public et 4 000 du secteur associatif.
Sur le papier, le financement d’une place en maison de retraite devrait se faire de la façon suivante : 60 % à la charge de la personne ou de sa famille, 25 % de l’assurance-maladie et du jour férié travaillé, 14 % de l’APA et 1 % de l’Aide sociale.
Des effets positifs en 2006.
En ce qui concerne les accidentés de la vie, 520 millions d’euros vont à la prestation de compensation du handicap (PCH, loi du 11 février 2005), mise en service depuis janvier dernier, et 254 millions aux établissements et services. En 2001, il existait 1 294 foyers-hébergements (40 600 places) rattachés aux centres d’aide par le travail, 1 083 foyers de vie (35 000 places), 360 centres médicalisés (9 200 places) et 278 maisons d’accueil spécialisées (14 500 places). Quatre-vingt-dix pour cent du parc sont entre les mains du privé-associatif et 10 % du monde associatif.
En définitive, environ 500 millions d’euros, sur les 2 milliards provenant de la journée de solidarité, n’auraient pas d’affectation, sachant notamment que la PCH est loin d’être pleinement opérationnelle, font remarquer les représentants des personnes âgées et des accidentés de la vie.
La Fédération nationale accueil confort pour personnes âgées (Fnacppa) parle d’ «effets positifs» à partir de 2006. «En 2005, il n’en fut rien, tout au contraire», estime Didier Sapy, son directeur, tout en ayant conscience de la montée en charge sur quatre ans des 800 millions de crédits annuels de la journée de solidarité. «Alors que nous aurions dû avoir 500millions pour l’exécution de mesures nouvelles –300 de l’Ondam (Objectif national de dépenses d’assurance-maladie) et 200 du jour férié travaillé– 438millions ont été affectés à la médicalisation des établissements, à la création de places et à l’extension des services de soins infirmiers à domicile.» Pour cette année, 587 millions d’euros sont débloqués, auxquels s’ajoutent, ponctuellement, 350 millions d’euros pour l’aide à la restauration-modernisation des bâtiments.
La Cnsa ne se contente pas de gérer les 2 milliards de la journée de solidarité. Elle s’occupe aussi de 900 millions fournis par la contribution sociale généralisée (1 %), de 64 millions versés en provenance des caisses vieillesse et de 10,9 milliards de crédits de l’assurance-maladie (Ondam 2006). Elle reverse aux départements 1,4 milliard pour l’APA, 520 millions pour la PCH et 20 millions d’euros pour les Maisons départementales des personnes handicapées. Le reste des crédits est destiné aux établissements et services médico-sociaux pour le 4e âge (4,8 milliards) et les handicapés (6,8 milliards). Depuis janvier dernier, c’est la Cnsa qui fixe, pour chaque département, l’enveloppe budgétaire pour l’Ondam médico-social, en veillant à assurer la meilleure prise en compte des besoins et l’équité territoriale.
Pour l’Association des paralysés de France (APF), qui occupe la vice-présidence de la caisse, en la personne de Marie-Sophie Desaulle, «il n’y a pas encore de lisibilité». En théorie, indique Claude Meunier, directeur général de l’APF, les 2 milliards du jour férié travaillé serviront pour 39 % aux maisons de retraite, 19 % à l’APA, 26 % à la PCH, 9 % aux structures accueillant des handicapés, et 7 % à la professionnalisation des métiers du 4e âge. «Nous ne savons pas comment les choses vont se traduire. Tous les décrets de la loi du 30juin 2004 relative à la solidarité pour l’autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées ne sont pas sortis. Aussi, il faut attendre avant de connaître les retombées de la journée de solidarité sur les revenus des accidentés de la vie. Il ne faudrait pas que ce nouvel apport d’argent remplace une partie des ressources existantes, comme celles de la Sécu. Même si des engagements ont été pris, des inquiétudes demeurent», confesse Claude Meunier.
La Cnsa : « L’argent vient en plus, pas à la place de ».
Face à cette apparente confusion, qui se nourrit de la complexité des circuits mis en place, Denis Piveteau, directeur de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie se veut rassurant. Les fruits de la journée de solidarité vont directement aux anciens et aux personnes handicapées. «Il n’y a aucun doute», «les circuits financiers» en témoignent, affirme-t-il. «Le but de la Cnsa, précise-t-il, est d’apporter la transparence sur les comptes et l’emploi de l’argent.» Dans cet esprit, la caisse «veille à ce qu’il n’y ait ni désengagement ni substitution avec l’Ondam ou les conseils généraux. L’argent du 0,3% sur les revenus salariaux et de l’épargne vient bien en plus et pas à la place de». Toutefois, «en 2005, il y a eu un léger effet de substitution», dû à une baisse du taux de croissance de l’Ondam, passé à 6 % pour les personnes âgées et à 3 % pour les handicapés, puis porté respectivement à 9 % et à 5 % l’année suivante.
La Cnsa, qui finance l’accompagnement de la perte d’autonomie, assure par ailleurs une mission d’expertise pour construire des méthodes et des référentiels pour apprécier les besoins individuels de la compensation du handicap.
* Les 62 % restants sont à la charge des conseils généraux, qui, dans les départements d’outre-mer, n’apportent aucune contribution.
** La PCH couvre les frais d’auxiliaire de vie, et, également, les aides techniques et animalières, les aménagements de logement et de véhicule. Elle remplacera à terme l’allocation compensatrice pour tierce personne servie à 110 000 hommes et femmes par les conseils généraux (580 millions d’euros).
Un jour férié travaillé à la carte
La journée de solidarité, instituée après la canicule de 2003, avec l’idée de supprimer un jour férié (le lundi de Pentecôte), prend désormais la forme d’un jour supplémentaire de travail non rémunéré. Un accord de branche ou une convention d’entreprise en détermine la date, «autre que le 1ermai».
A l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris, forte de quelque 38 établissements employant 93 000 personnes, la journée de solidarité n’est plus le lundi de Pentecôte, comme en 2005. Les salariés travaillant quotidiennement 7 h 36 se voient privés d’une journée de RTT, tandis que leurs collègues qui font sept heures perdent une journée de congé annuel. Un schéma similaire est retenu dans le privé, où la voix du patron reste toutefois prédominante. Dans l’Education nationale, le lundi de Pentecôte 5 juin redeviendra, là encore, jour férié, comme en 2004.
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