DE NOTRE ENVOYÉE SPÉCIALE
LES 27 PAYS de l'Union européenne (auxquels se sont ajoutées la Suisse et la Norvège) ont uni leurs forces autour du projet européen PESCE, coordonné depuis août 2006 par l'association française Tabac et Liberté (qui siège à Toulouse). C'est elle en effet qui a obtenu l'accord de la Commission européenne pour un financement à 60 % du projet (qui a coûté 660 000 euros au total).
«L'objectif majeur est de définir les moyens qui permettraient une augmentation de l'implication des médecins généralistes européens dans la lutte contre le tabagisme», résume Tabac et Liberté.
Une équipe britannique (Cancer Research UK Center for Tobacco Control Research) s'est livrée à une analyse de la littérature internationale afin de lancer des pistes de recherche sur les facteurs qui conduisent les médecins à prendre ou non en charge le tabagisme de leurs patients.
Il en ressort, entre autres, que le statut tabagique du médecin lui-même joue sur son implication dans le sevrage tabagique : un médecin fumeur est clairement moins motivé à aider ses patients à arrêter de fumer. Et, ici, s'interposent les divergences culturelles. Il est intéressant de noter par exemple qu'il n'est pas rare que, en Bulgarie, le médecin fume en présence de son patient, quand ce ne serait pas concevable dans d'autres pays (comme le nôtre). Importe également la perception que le médecin a de son rôle et de son devoir vis-à-vis de ses patients. Les actions qu'il mène auprès de ses patients sont fonction aussi des relations qu'il entretient avec eux. Il est plus facile d'agir auprès de certaines catégories comme les femmes enceintes ou les personnes en situation difficile, par exemple.
Quant aux conditions d'exercice, pour nombre de généralistes à travers l'Europe, elles ne leur permettent pas la «fantaisie» de s'occuper du tabac, qui prend trop de temps pour une efficacité douteuse. Et puis les « GPs » (general practitioners) se plaignent du manque de formation, de leur rémunération aussi, variable d'un système à l'autre. Faute d'une politique de prévention, qui est dans certains pays embryonnaire ou inexistante, les médecins sont peu au courant des méthodes de sevrage et des lieux d'accueil possibles.
Les recommandations de Varsovie.
A l'automne dernier, le comité de suivi du projet s'est réuni à Varsovie et, sur la base de ces remarques, a émis quinze recommandations, dont celles d'encourager la recherche au niveau des généralistes sur les conditions de sevrage tabagique et de développer l'enseignement initial, postuniversitaire et la formation continue. Le comité suggère aussi d'établir et de renforcer la politique des espaces non fumeurs dans le monde professionnel en les faisant promouvoir par les médecins du travail. Il souhaite que les centres de tabacologie donnent régulièrement des informations aux généralistes sur les patients qui s'arrêtent de fumer, les médecins se plaignant de l'absence de retour sur l'efficacité des méthodes et des médicaments disponibles. Les généralistes doivent «recevoir des informations compréhensibles et simples à utiliser sur les organisations de sevrage tabagique (...) , incluant le type de service, le lieu, les procédures utilisées, les coûts et le détail des contacts». Le comité affirmait encore à Varsovie que les généralistes doivent jouer un rôle central dans la formulation des guidelines cliniques basées sur l'expérience du sevrage tabagique et que des budgets doivent être spécifiquement consacrés au remboursement du sevrage et inclus dans le système normal de paiement des généralistes. «Il faut augmenter la sensibilisation de la population sur le rôle des praticiens comme point de contact privilégié avec les services de sevrage tabagique et revoir les obligations administratives des médecins pour leur dégager du temps libre à consacrer à la médecine préventive.»
C'est ainsi qu'a été organisée, pour clore les débats du PESCE, une conférence européenne à Barcelone il y a quelques jours. Les participants, regroupés en cinq ateliers différents, ont planché sur la façon de rendre concrètes les recommandations du comité de Varsovie. Des conclusions plutôt formulées sous forme de questions.
Nouvelle répartition des tâches.Il ressort que, dans l'ensemble, les généralistes veulent bien prendre en charge la prévention et le sevrage de leurs patients fumeurs, à condition qu'on leur donne le temps, l'argent et la reconnaissance. Ce qui demande une adaptation des structures de soins et une nouvelle répartition des tâches entre professionnels de santé. «La question est de savoir si le médecin doit rester un acteur de santé dans la continuation de son activité actuelle, qui est obsolète en matière de santé publique ou bien devenir l'expert d'un groupe de professionnels de santé auquel il sous-traitera, sous sa responsabilité, un certain nombre d'actes.» Mais «si la médecine de prévention est rémunérée correctement, un bon nombre de médecins généralistes préféreront cette activité, sans urgence, à la médecine thérapeutique et cela ne fera qu'accroître la pénurie médicale qui s'installe», note le rapport. Quoi qu'il en soit, la mise en application de ces réflexions ne peut être que nationale, concluent les généralistes de PESCE, «étant donnés les particularismes nationaux dans les organisations des soins, de leur financement et de la structuration des professions de santé».
Demain, Tabac et Liberté présentera les conclusions de PESCE à la Direction générale de la santé. Et, le 12 mai, le projet finalisé sera rapporté à la Commission européenne.
Association Tabac et Liberté, 10, rue des Arts, Toulouse, tél. 05.61.44.90.46, www.tabaccliberte.com.
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