Pendant près de cinquante ans, la détection des dysplasies et néoplasies du col utérin a reposé exclusivement sur la cytologie exfoliatrice de Papanicolaou et l'évaluation histomorphologique des biopsies du col cervical. Simples et rapides, ces deux méthodes ont rendu de grands services, mais elles présentent des limites bien connues : un nombre important de faux négatifs et un manque de reproductibilité lié à leur aspect subjectif (concernant notamment l'évaluation du grade des néoplasies intraépithéliales). Avec les possibilités offertes par la biologie moléculaire, il a semblé important d'améliorer la prise en charge des patientes en ajoutant un marqueur biologique objectif au diagnostic morphologique.
L'examen cytologique après recueil en milieu liquide a été introduit au cours de la dernière décennie. Par rapport au frottis classique, cette méthode améliore la qualité de la préparation en supprimant les difficultés liées à l'étalement et elle présente une meilleure sensibilité pour la détection des dysplasies épithéliales. Autre avantage, le recueil en milieu liquide permet d'utiliser, sans avoir à répéter le frottis, le reste des cellules en suspension pour rechercher la présence de bactéries pathogènes ( Neisseria gonorrhoeae, Chlamydia trachomatis) ou une infection à HPV en appliquant les techniques de biologie moléculaire les plus récentes.
Identification et typage de HPV par hybridation in situ
Comme le souligne J.T. Cox (université de Californie, Santa Barbara, Etats-Unis) (1), la possibilité de rechercher la présence d'HPV à l'aide de techniques de biologie moléculaire « bouleverse le paysage » de la détection du cancer du col utérin. Par exemple, la présence à l'examen cytologique de lésions considérées comme ASC-US (Atypical Squamous Cells of Undetermined Significance) selon la classification de Bethesda devrait logiquement entraîner une recherche « réflexe » d'une positivité des cellules pour les types oncogènes de HPV.
Au terme d'une étude comparative conduite chez 120 femmes consultant en gynécologie, S. Cajander et coll. (université d'Uppsala, Suède) rapportent que PCR et hybridation in situ ont la même sensibilité pour la détection des types de HPV « à risque » (génotypes 16,18,31,33,35,39,45,51,52,56,59) ou « à faible risque » (6,11,42,43), mais ils recommandent la seconde méthode, car elle permet de localiser le virus au niveau de cellules spécifiques avec ou sans modifications néoplasiques.
Chez 979 femmes ayant un frottis classé ASC-US,<\!p>B. Fetterman (Kaiser Permanente Regional Laboratory, Berkeley, CA, Etats-Unis) a étudié la corrélation entre l'identification de HPV (souches à haut risque) par capture d'hybride et les résultats de la biopsie (2) . La recherche de HPV était positive chez 158 (97,5 %) des 162 femmes présentant une néoplasie intraépithéliale cervicale (CIN) de grade 2/3 à la biopsie (notamment dans 4 cas de carcinomes invasifs). Seulement 4 des 110 femmes HPV-négatives avaient une lésion CIN 2/3 histologique. En outre, parmi 132 femmes ayant un frottis classé AGC (Atypical Glandular Cells), 18 avaient une lésion CIN 2/3 et étaient toutes HPV-positives. Pour les auteurs, cette technique d'hybridation est donc un bon examen de « triage » en pratique courante.
Vers une évaluation virologique du risque ?
La place de la biologie moléculaire dans la stratégie de dépistage du cancer du col et les conséquences sur cette stratégie elle-même restent en réalité à définir.
La fréquence optimale de répétition des examens n'est pas encore déterminée. Il existe un long délai entre l'infection par HPV et l'apparition des lésions intraépithéliales. Chez les femmes HPV-négatives, le risque de CIN de grade élevé reste faible pendant plusieurs années ; le suivi pourrait donc être moins fréquent que chez les femmes HPV-positives.
Ce raisonnement est à l'origine d'une étude en cours conduite par une équipe italo-britannique (3) : 50 000 femmes seront randomisées en deux groupes et suivies soit par le seul frottis conventionnel à l'inclusion puis à trois ans, soit par le frottis associé à la détection de HPV (Hybrid Capture II). Dans le second groupe, les femmes HPV-positives mais ayant une colposcopie négative seront contrôlées annuellement. Le critère principal d'évaluation est le taux de détection des lésions CIN 2/3 à l'inclusion et à trois ans.
W. Peeling Rosanna (OMS, Genève, Suisse) (4) souligne que la détection de HPV (et des autres IST) à l'aide des techniques de biologie moléculaire a un coût élevé et nécessite un haut degré de compétence des laboratoires. Un strict contrôle de qualité doit être appliqué afin d'éviter les faux positifs liés à une contamination. Il convient également de rechercher systématiquement dans le prélèvement certaines substances pouvant inhiber les réactions d'amplification. Enfin et surtout, des études sur le rapport coût/efficacité de ces techniques dans différents contextes (par exemple, par groupes d'âge) sont indispensables avant d'en recommander une utilisation systématique.
D'après les communications à Eurogin 2003 de :
(1) Cox JT. The Story of Human Papillomavirus Infection : Emergence, Accomplishments and Triumph.
(2) Fetterman B. HPV DNA Testing in Routine Clinical Practice for Identification of Underlying CIN 2/3+ in Women with ASC-US and AGC Pap Smears.
(3) Ronco G. et al. A Randomised Trial on HPV Testing for Primary Cervical Screening : Study Design.
(4) W. Peeling Rosanna. Current Issues in Diagnostic Testing of STIs.
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